Un jour de 2005 débarqua sur les consoles Resident Evil 4. Un jeu vidéo déterminant, en cela qu’il amorça un virage dans le genre du survival horror via son système de jeu en Third Person Shooter direct collé aux actions du personnage jouable, et qui s’éloignait des sempiternels explorations sur différents angles larges de caméra. La vue n’était pas aussi dégagée que sur un first person player (non ça, ça viendrait avec Resident Evil 7) certes, mais bien assez pour prendre plaisir à incarner Leon S. Kennedy et sa trogne de David Bowie. Déjà présent dans Resident Evil 2, Kennedy est, depuis l’invasion de Raccoon City, entré dans les services secrets américains. Quand la fille du président est enlevée par la secte des Illuminados, dirigée par le mystérieux Lord Sadler (sorte de Dark Sidious version “devine combien de tentacules j’ai sous ma toge“), Leon débarque en Espagne, bien décidé à secourir la jeune fille. Le problème est que loin de l’image ensoleillée, fêtarde et chaleureuse des fêtes types “vamos a la playa” ou folles nuits à Ibiza, l’Espagne de Resident Evil 4 a tout d’une terre lovecraftienne sinistre et folklo, peuplée de villageois pas fana du savoir-vivre et dont la plupart on la fâcheuse particularité d’être habités par des parasites cousins de The Thing.

Bref, Leon débarque dans un village semblable à un hameau moldave du 19ème siècle, dézingue une tripotée de paillards douteux sortis tout droits de la fin des Bronzés font du ski, et se heurte à un immense enfoiré à barbe de bucheron.
La mécanique est simple : on traverse toute sorte d’endroits sordides peuplés d’archétypes piochant aussi bien dans le cinéma d’horreur (Massacre à la tronçonneuse, The Thing) que dans la littérature lovecraftienne, on joue à fond sur les effets sonores flippants, on parsème l’intrigue de boss tous portés sur la métamorphose dégueulasse, et on enrobe le tout de cinématiques explicatives très japonaises (héros et héroïnes sexy, intrigue caricaturale). Finis les zombies donc, place aux parasites et aux métamorphes monstrueux menaçant d’envahir l’humanité tout entière. Ce Resident Evil 4 coupait donc brièvement les ponts avec les intrigues des premiers jeux de la saga (même si Wesker y faisait un caméo) pour privilégier de nouveaux enjeux et antagonistes.

L’intérêt de Resident Evil 4, et ce qui en a fait un des meilleurs jeux de la franchise, est le soin particulier apporté à sa direction artistique. L’univers s’éloigne des milieux urbains pour plonger le joueur dans des contrées sordides et inconnues, coupées du restant monde et à l’esthétique intemporelle. Le jeu alterne habilement suspense et phases de tirs, parfaitement appuyés par une belle atmosphère de déréliction. La trouille est bien sûr au rendez-vous dans des passages entiers où le seul son d’une tronçonneuse suffit à nous faire trembler. Le moment le plus flippant reste bien sûr cette confrontation avec It, une créature aussi monstrueuse qu’invulnérable, lancée à nos trousses dans un dédale de conteneurs menaçant de tomber dans le vide. Véritable jeu d’action horrifique, Resident Evil 4 se distinguait ainsi des plus classiques survival horrors à la Silent Hill, lesquels privilégiaient plus l’exploration angoissante et la dimension psychologique de leur intrigue à cet alignement de phases d’action sous adrénaline, misant pleinement sur la terreur directe et les jump scares pour péteux.

Resident Evil 4 scinda alors le genre du survival horror en deux et entraina d’ailleurs un temps la quasi-disparition des jeux d’angoisse type Silent Hill. Il conditionna même la ligne directive des jeux Resident Evil suivants, Capcom réemployant la mécanique de ce quatrième opus sur chaque jeu de la franchise jusqu’à Resident Evil 7. En parallèle, l’illustre Paul WS Anderson s’embourbait dans des adaptations cinématographiques ridicules, plus orientées action qu’horreur, très loin de la dimension horrifique et de l’esthétique baroque d’un Resident Evil 4. Mais bon, peu importe la merde qu’ils en ont fait sur grand écran, ce quatrième opus vidéoludique reste un des meilleurs jeux vidéos d’horreur et son influence n’a cessé depuis sa sortie d’alimenter le genre du survival horror, ouvrant la voie aux Cold fear, aux Dead Space et autres The Callisto Protocol. Un jeu séminal en somme, dont le remake sorti l’année dernière sur PS5 n’a fait qu’en rappeler à notre souvenir l’aura cultissime.

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