Nuit de guerre à Gotham.

Les rayons BD ne désemplissent pas de comics dédiés au Chevalier Noir. Paru fin 2022, One Dark Knight attire l’oeil plus que d’autre par son format large et sa superbe couverture où l’on reconnait la patte du dessinateur écossais Mark “Jock” Simpson. Jock qui en profite pour signer également le scénario de cet énième aventure où le justicier de Gotham doit sécuriser le transfert d’un méta-humain criminel, le bien-nommé EMP de l’asile d’Arkham à la prison de Blackgate. Un transfert qui, bien évidemment, ne se déroulera pas sans heurts, plusieurs gangs de Gotham voulant la peau du méta-humain, ancien chef de gang. Profitant d’une embuscade, le prisonnier s’échappe et provoque un immense blackout plongeant la ville entière dans les ténèbres. Le Chevalier Noir aura alors fort affaire avec ledit EMP, pourtant étrangement résiliant, ainsi qu’une tripotée de gangsters armés jusqu’aux dents et une bonne poignée de flics corrompus. D’autant plus qu’un de ses vieux ennemis ne manquera pas de s’inviter à la fête au détour d’une sinistre plongée au fin fond des égouts de la ville.

Disons-le tout de suite, One Dark Knight ne brille pas pour son scénario ultra-linéaire égrenant les heures nocturnes. Focalisé sur l’action plus que sur ses personnages, l’album se présente comme un gros ride à travers une Gotham toujours aussi déliquescente et sordide mais dont les gangs et l’ambiance renvoient plus à une modernité brulante qu’à la vision fantasmée d’une cité fantasmée et gothique. Jock a d’ailleurs l’intelligence de ne pas réemployer les adversaires les plus mythiques du justicier (pas de Joker, ni de Double Face, de Pingouin ou de Riddler ici), leur préférant l’urgence d’une ville livrée aux gangs d’anonymes et à certaines créatures fantastiques. Même le personnage de Batman semble être un peu dépassé face à ces hordes quasi-inhumaines munies d’armes de guerre et assez nombreuses pour témoigner de la déchéance définitive de Gotham. Le personnage d’EMP, principal élément fantastique du récit ne sera que peu développé et servira avant tout de MacGuffin à une intrigue basique sous forme de course contre la montre. C’est à peine si le passé du personnage sera esquissé au travers des agissements de l’antagoniste Vasquez et de l’apparition du petit Brody, finalement rien d’autre qu’un énième gamin prodige, héritier d’Akira, et personnage finalement très peu développé.
Restent quelques passages chargées d’action et s’aventurant parfois à la lisière de l’horreur, dont notamment une descente dans les égouts de la métropole et la confrontation avec l’abomination qu’ils renferment.

L’intrigue tient donc sur un timbre poste et l’action défile aussi vite que les pages se tournent. Rien de très brillant côté texte et dialogue, et c’est surtout devant la beauté des dessins qu’on s’attarde. Ayant déjà œuvré plusieurs fois sur des titres consacrés au Chevalier Noir (Sombre reflet, Le Deuil de la famille), collaborateur régulier de Scott Snyder (Batman, Wytches), Jock affine son style et imprègne son œuvre d’une atmosphère de cité urbaine aux frontières de la nuit, livrée aux gangs et aux créatures vaguement humaines, et dont l’esthétique de déréliction et les avenues dépeuplées évoquent pour beaucoup l’ambiance spectrale du New York 1997 de John Carpenter. D’autant plus que ces hordes de gangsters sans visages, profitant de la nuit pour semer le chaos dans toute la ville, rappellent pour beaucoup un autre film de Big John, le cultissime Assaut.

Si l’on reprochera parfois à Jock de céder à la facilité via des séquences d’action illisibles où l’on se demande bien comment Batman a pu s’en tirer, la beauté des dessins et l’atmosphère délétère et glauque qui s’en dégagent ne pourront que séduire l’œil de ceux qui, comme bon nombre de fans du Batverse, apprécient ce type d’ambiance.

Sans être un must-have, One Dark Knight se dévore rapidement, en une petite quarantaine de minutes, et s’apprécie pour l’exercice de style qu’il représente, sa narration resserrée sur quelques heures, et la patte graphique toujours plus maîtrisée de son auteur.

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