Sorti en 2021, Army of the Dead aura été étonnamment bien reçu alors qu’il n’était qu’une purge tout juste digne d’un Resident Evil de Paul W.S. Anderson. Un navet ennuyeux et bourré de facilités qui n’apportait absolument rien à un genre (le zombie movie) arrivé au terme de ses possibilités créatives.
Annoncé par Netflix comme leur film événement de cette fin d’année et profitant d’une concurrence inexistante, Rebel Moon Partie Un : Enfant du feu ne fait que confirmer la dégradation qualitative de la filmographie de Zack Snyder depuis qu’il officie pour la plateforme.
Qui plus est, il prouve une fois encore qu’un film de Zack Snyder n’est jamais meilleur que lorsqu’il n’est pas écrit par le cinéaste.
Car il faut bien l’avouer, Snyder est aussi mauvais scénariste qu’il est bon formaliste. Ses détracteurs critiqueront toujours la “lourdeur” de ses effets de style, ses ralentis en vrac, son sens de l’iconisation, il est quand même celui qui a su réaliser un excellent remake du Zombie de Romero, diriger le premier péplum tourné dans un hangar et surtout, il est le seul à avoir su relever le défi d’adapter plutôt fidèlement l’inadaptable Watchmen de Moore et Gibbons. Les points communs à ses trois premières réussites ? Snyder s’appuyait sur de solides scénarios et, il faut bien l’avouer, des moyens conséquents, pour les réussir. Puis il a eu l’ambition de mettre en scène son premier script écrit en solo et nous a livré le très inégal Sucker Punch, spectacle visuel aussi jouissif que référentiel mais à l’intrigue trop dépouillée et exagérément poussive.
Enfin, beaucoup ont trouvé le prétexte de tailler un costard au cinéaste avec sa trilogie plus qu’inégale consacrée à l’homme d’acier. Man of Steel n’en était pas moins formidablement spectaculaire, Dawn of Justice assez poussif car parasité par les nombreux impératifs de production (intégrer tant de personnages et d’enjeux en un seul film) et Justice League… Enfin, on connait l’histoire de son Justice League et on sait aujourd’hui que la vision de Snyder enterre celle de Whedon.
Et pour ceux qui critiquent encore le Batfleck de Snyder, qu’ils osent donc dire que la scène où Batman se castagne avec les ravisseurs de Martha Kent dans la scène de l’entrepôt de Dawn of Justice n’est pas la vision la plus fidèle aux aptitudes martiales du Chevalier Noir des comics. Car oui putain, ça c’était du Batman badass comme on l’avait rarement vu, même sous la caméra de Nolan.

Dégagé par la Warner et récupéré par Netflix, Snyder ne cesse depuis de s’enfoncer dans les limbes d’un cinéma de genre formaté et sans éclat, concevant ses films sur des intrigues bâclées et dénuées d’idées, des intrigues dont il est l’auteur. Plus de James Gunn, ni de David S. Goyer, de Chris Terrio ou de David Hayter pour sauver les meubles par de bons dialogues ou une narration séquentielle cohérente, Snyder écrit ses films et cela ne se voit hélas que trop. L’indigence de son intrigue est en tout cas le plus grand défaut de ce Rebel Moon produit pour un budget certes restreint (83 millions de dollars) mais dénué de stars engloutissant les dépenses sur leur seul cachet (à part Anthony Hopkins qui se fait payer quelques lignes de dialogue, Charlie Hunnam qui fait acte de présence et deux Daario Naharis pour le prix d’un). Il suffit de s’amuser dès les premières minutes de film à prédire ce qui va se passer et de constater ensuite tout au long de ces deux longues heures que rien ne viendra jamais surprendre le spectateur : homme fort du village sacrifié pour faire la première démonstration de cruauté du bad guy (Ed Skrein qui semble vouloir se spécialiser dans les rôles de sadiques), vilains archétypes de méchants nazis de l’espace, robot se voulant pacifiste pour évidemment reprendre les armes dans un moment critique, princesse aux pouvoirs messianiques teasée par le récit, traître de service aux relents faiblards de Han Solo, vilain Thano… despote trahi par sa fille, persos secondaires au passé de glorieux guerriers mais aussi inexistants et loquaces que des seconds couteaux du cinéma muet, et, bien sûr, une héroïne vaillante et super badass, héritière famélique des Buffy, Furioza et autres Alita. Les plus cinéphiles auront même reconnu “le collectionneur” Cary Elwes dans le rôle du roi (acteur talentueux mais généralement sous-employé, connu pour s’être coupé le pied dans le premier Saw). Le tout réuni dans une intrigue linéaire au possible (on aligne les entrées en scène de nouveaux personnages sans faire l’effort de les développer ou de les faire interagir ensuite), bouffant ouvertement à tous les râteliers (de Star Wars à Game of Thrones, en passant par Gladiator, Fury Road, Le Choc des Titans, Dune, tout y passe…) et s’acheminant mollement vers un climax affligeant et sans aucune envergure, desservie par des incrustations et des CGI tellement laids qu’on croirait regarder un fan film sur Youtube (d’autant plus que bon nombre de fan films ont bien plus de gueule que ça) ou les cinématique d’un Wing Commander sur Mega CD.

Il faut voir comme le film de Snyder se fiche complètement de développer ses personnages et aligne les séquences de présentation (avec démonstration de force) sans aucune recherche de transition fluide entre chaque scène. À part le personnage de Michael Huysman (homme fragile et chatré, véritable cliché inversé de la belle à défendre), les acolytes de l’héroïne ne parlent presque jamais mais ne sont là que pour faire tapisserie, tous côte à côte dans des poses solennelles, à écouter des laïus lénifiants sur le courage, la justice et la vengeance, déclamés par une héroïne qui passe son temps à se raconter via des monologues et des flashbacks de merde. Ses compagnons, eux, sont tellement inexistants qu’ils ne s’adressent jamais la parole et lorsqu’enfin le personnage de Charlie Hunman dialogue avec celui de Sofia Boutella, c’est pour souligner une conversation qui n’a justement jamais eu lieu entre eux. Suite au trépas du traître du groupe, un des persos secondaires osera même ironiser en disant qu’il ne l’a jamais aimé. Une réplique aussi attendue qu’absurde tant les personnages ne s’étaient jamais parlé auparavant, alors même qu’ils sont censés voyager ensemble à travers l’espace pendant tout le film.

Bref, mettre en exergue tous les défauts du scénario de Rebel Moon reviendrait à une gageure tant ils se comptent par dizaines tout au long de ces deux heures indigestes. Et la réalisation mollassonne de Snyder ne fera rien pour relever le niveau, le cinéaste manifestant parfois la volonté de nous faire quelques plans “iconiques” dans des ralentis cette fois trop lourdingues pour être digestes. Au final, le film confirme sans surprise l’impression laissée par le très mauvais Army of the Dead avant lui : Snyder n’a plus grand chose du réalisateur prometteur de ses débuts et son travail pour Netflix ne fait que mettre en valeur tous ses défauts de cinéaste.
En l’état son space opera est une daube parfaitement lamentable qui réussit l’exploit de faire passer n’importe quels navets de tâcherons (Anderson, Emmerich, Bay…) pour du cinéma soigné et appliqué.
L’exposition médiatique du film, chapeautée par Netflix, est bien entendu un moyen pour la plateforme d’essayer de rentabiliser malgré l’échec artistique du film, d’autant plus qu’un second film est déjà prêt à sortir et que Netflix, rappelons-le, n’a pas d’obligation de rapporter ses chiffres à la presse et donc tout loisir de faire croire à un succès d’audience là où il n’y en a aucun, ce afin d’inciter les consommateurs à attendre la suite en faisant croire que tout le monde l’attend (le fameux “Ce film est resté dans le top 10 pendant trois semaines après sa sortie“).
Espérons que Snyder reprenne ses esprits, quitte au plus vite la plateforme, et accepte enfin d’engager de vrais scénaristes, avec un minimum d’imagination, pour écrire ses films post-Netflix. Car il y a fort à parier au vu d’Army of the Dead et de ce Rebel Moon : Enfant du feu que le second opus, prévu pour avril, n’aura lui non plus rien de la grande épopée spatio-futuriste annoncée par ses producteurs. Et que beaucoup l’attendront au tournant.

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