Demain à la une

Gros succès de l’année 95, GoldenEye avait su relancer une franchise laissée pour morte au seuil des années 90. C’est donc en toute logique qu’EON productions et la MGM mirent aussitôt sur les rails la production d’un nouvel opus mettant une fois encore en vedette Pierce Brosnan dans le rôle iconique de James Bond. Parti filmer Le Masque de Zorro, Martin Campbell céda sa place de réalisateur à Roger Spottiswoode, un cinéaste de seconde liste, responsable de la comédie culte Turner et Hooch et de l’excellent thriller montagnard Randonnée pour un tueur.
Sorti en 1997, face à la concurrence du Pacificateur de Mimi Leder, Demain ne meurt jamais remporte sa mise de départ et confirme alors la bonne santé de la franchise.

Il reste même plutôt sympathique à revoir de nos jours, sachant que les deux opus suivants avec Brosnan seront de bien moindre qualité. Plus rythmé que GoldenEye et doté d’une réalisation plus fluide, ce 18ème opus a pour lui de reprendre quelques éléments de L’Espion qui m’aimait (Bond en duo avec une autre espionne, l’homme de main increvable, un conflit potentiel entre deux pays, la base nautique géante…) et de moderniser ses enjeux en confrontant Bond à un grand magnat de la presse, manipulant à leur insu deux pays pour qu’ils entrent en guerre afin d’en tirer l’exclusivité pour son réseau d’information et assurer ainsi ses tirages et l’hégémonie de son empire médiatique. Un mégalo typique des Bond période Roger Moore donc, incarné par le très cabotin Jonathan Pryce, visiblement ravi d’en faire des caisses à chacune de ses tirades. A ses côtés le géant allemand Gotz Otto campe un gros bras dans la lignée d’un Jaws ou plutôt d’un Necros, le tueur blond dans Tuer n’est pas jouer. Les deux James Bond girls, elles, se voient interprétées par Teri Hatcher et Michelle Leoh. Connue à l’époque pour son rôle de Loïs Lane dans la série Loïs et Clark Les Nouvelles aventures de Superman, la future desperate housewive, enceinte au moment du tournage, incarne ici le principal enjeu sentimental du film, la bien-nommée Paris se voyant finalement sacrifiée sur l’autel de l’égocentrisme de son époux. Quant à Michelle Yeoh, star hongkongaise formée aux cascades par Jackie Chan, elle entamait là sa carrière internationale, et brillait déjà de mille feux dans ce rôle de James Bond girl bien plus active que les autres, deux ans avant sa remarquable prestation dans Tigre et dragon. A tel point que les producteurs envisagèrent un temps de consacrer un spin-off à son personnage, finalement annulé par la MGM sur le motif qu’un film d’action féminin ne serait pas rentable.

Outre l’originalité du pitch (créer l’événement pour mieux en contrôler sa diffusion dans les médias) qui préfigurait à lui-seul l’ère de la désinformation actuelle, le film s’apprécie pour ses quelques séquences d’action bien troussées (avec cette fameuse course-poursuite en moto et la cascade au-dessus des pâles de l’hélico), une mise en scène soignée et un score orchestral fonctionnel de David Arnold (compositeur suggéré aux producteurs par John Barry, la différence entre son travail et celui minimaliste d’Eric Serra dans le précédent film est flagrante). Conscient du post-modernisme de son sujet, Spottiswoode s’appuie sur son chef op Robert Elswit pour jouer avec les éclairages et conférer à son film plus de couleurs que le plus sobre GoldenEye. Pierce Brosnan quant à lui semble plus à l’aise dans le rôle, son James Bond se situant parfaitement entre la cruauté revancharde de celui de Timothy Dalton et l’ironie plus légère de celui de Roger Moore (il n’est pas avare en vannes bien placées).

Pourtant, Demain ne meurt jamais peine à retrouver l’aura iconique de GoldenEye. Sa mise en place est plus longue et ennuyeuse, son méchant moins charismatique et ses morceaux de bravoure bien moins iconiques. Le déploiement de gadgets propres au personnage (bien plus que dans le précédent opus) n’y fera rien. La recette, elle, ne change que peu : à peine sera-t-on surpris de voir l’enjeu sentimental périr à mi-film quand tout le reste du scénario tiendra du schéma classique avec identification du méchant, course-poursuite centrale et final dans un complexe mégalo-furtif. Et puis la voiture du film, une BMW 750iL de vieux pépère, est peut-être bien la voiture la plus moche qu’ait dû conduire Bond. On comprend bien pourquoi il la fiche en l’air avec le sourire.

Demain ne meurt jamais n’en reste pas moins un bon opus, à peine entaché par quelques incohérences toutes droit sorties d’un nanar (comment expliquer à la toute fin que Stamper ait pu s’approcher avec Wai Lin enchainée sans que Bond ne l’ait entendu arriver ?). Parmi ses meilleures scènes, on relèvera surtout la cruauté de Bond (les mises à mort froides de Kaufman et de Carver) dont on oublie souvent que plus qu’un espion, il reste avant tout un assassin. Un aspect développé dans le film suivant, hélas un rien moins abouti que ce Tomorrow never dies.

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