Une chasseuse (se) sachant chassée…

Tout commence par un malencontreux échange de textos entre nantis évoquant une partie de chasse à l’homme. Une conversation qui fuite sur les réseaux et qui aboutit au scandale du “Manorgate”. Puis un groupe d’américains lambdas se réveillent dans un lieu paumé, en pleine campagne, tombent sur des armes laissés à leur attention et… se font décimer en quelques minutes de manière grand-guignolesque et plus ou moins drôle.
Mais…
Une des proies, une trentenaire lambda à l’allure rustre et bien moins conne que les autres, fait son petit bonhomme de chemin et zigouille un à un ses poursuivants. Il s’avère très vite que son but n’est pas de fuir pour sauver sa vie mais plutôt de traquer et de tuer chacun d’entre eux jusqu’à en découdre avec la big boss.

Sorti en 2020, en pleine pandémie de covid et de disette cinématographique (le film fut d’ailleurs directement distribué en VOD aux States), The Hunt ne renouvelle a priori pas grand chose dans le registre du film de survie. Une exposition efficace, la présentation de potentiels protagonistes puis leurs trépas trasho-successifs situe d’emblée le film dans le giron de la comédie horrifique du type jeu de massacres gore et drôle comme il y en a eu quantité d’autres avant (Severance, Tucker and Dale, Corporate Animals, Wedding Nightmare…). Mais, plus encore que de comédie, il s’agit surtout ici d’une violente satire qui dénonce par l’excès d’humour noir tout autant la connerie conspirationniste entretenue par les réseaux sociaux que cette Amérique trumpienne divisée entre démocrates bourges/ méprisants et républicains réacs/adeptes de toutes les théories du complot. L’occasion pour le réalisateur de dresser le constat amer d’un pays longtemps idéalisé, aujourd’hui fragilisé par son absence totale de consensus, et qui, se repliant de plus en plus sur lui-même, reste complètement étranger aux enjeux du monde actuel (voir le contexte géographique de l’intrigue et le charmant accueil fait aux immigrés en Croatie).

Mais outre son sous-texte politique et son amusant jeu de massacre, The Hunt repose surtout sur le jeu et le charisme de sa principale interprète, Betty Gilpin. Campant ici une proie plus badass que prévue, sorte de pendant féminin de Snake Plissken, l’actrice reste le meilleur argument du film tant elle compose un personnage tout aussi mystérieux (on attend la révélation de son “identité”) que redoutable, anticipant avec flegme tous les pièges tendus par une équipe de chasseurs “amateurs”, finalement bien ridicule au regard de son massacre dans le bunker. En outre, l’attitude désabusée de cette anti-héroïne, son stoïcisme à toute épreuve, ses mimiques amusantes et son désintérêt évident pour ces conflits politiques absurdes ne peuvent que donner le sourire au spectateur.

Puis il y a cette confrontation finale avec Athena, riche bourgeoise aux velléités revanchardes, campée par la toujours excellente Hilary Swank. Au-delà de la simple métaphore d’une Amérique qui s’entre-déchire toujours plus bêtement jusqu’à menacer de s’auto-détruire, cette séquence de baston s’impose comme un formidable morceau de bravoure, évoquant pour beaucoup le duel en milieu domestique que se livraient Uma Thurman et Vivica A. Fox dans le premier Kill Bill.

Minimaliste dans sa structure mais ponctué de bonnes idées (la révélation de la non-conspiration liée aux textos du début du film, la confusion d’Athéna sur l’identité de Crystal), et porté par le talent de son actrice principale, The Hunt se regarde et s’apprécie comme un agréable survival horrifique dont le ton et le propos subversif le rapprochent pour beaucoup d’un God bless America.

Now, follow the pig and survive the hunt !

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *