1988 fut une année charnière dans la carrière d’Arnold Schwarzenegger, marquée par deux de ses plus gros succès en duo, Double détente et Jumeaux. Deux productions aux antipodes qui initièrent pourtant la stratégie voulue par la star, à savoir alterner film d’action et comédie plus grand public. Spécialisé dans la comédie potache et fantastique depuis Meatballs en 1979 et encore auréolé du succès de son Ghostbusters, Ivan Reitman s’imposa très vite comme le réalisateur idéal pour exploiter le potentiel humoristique de la star autrichienne. Et il faut bien dire que Jumeaux réussissait à l’époque l’exploit de nous faire oublier la figure de mort que la star avait incarné dans Terminator et Commando.

Julius est un colosse d’1m88, ayant passé les 25 premières années de sa vie isolé sur une île lointaine, à apprendre auprès de son précepteur science, philosophie, psychologie et arts martiaux. Lorsqu’il apprend qu’il a un frère jumeau aux Etats-Unis, il décide aussitôt d’aller le retrouver. Mais ce dernier est loin d’être à son image. Petit escroc d’1m47, fort en gouaille et séducteur invétéré, Vincent Benedict vivote au jour le jour en alignant les conquêtes et les petites arnaques. Endetté jusqu’au coup auprès d’une fratrie de truands, Vincent va voir d’un sale œil l’arrivée de ce colosse candide et affectueux qui se prétend son frère jumeau. Mais lorsque ce dernier fait fuir ses vilains créanciers, le petit escroc voit en lui un protecteur providentiel. Avec l’aide d’un complice, il dérobe une voiture de luxe et découvre dans son coffre un engin à la valeur inestimable. Un prototype volé qu’un tueur à gages, semant les morts sur son passage, est bien décidé à récupérer.

Comédie conçue comme une véritable respiration dans la filmographie de sa principale star, Jumeaux exploite pleinement son postulat saugrenu opposant les physiques très différents de ses deux stars. Tout juste sorti du carton des comédies d’aventures A la poursuite du diamant vert et Le Diamant du Nil et de son propre film Balance maman hors du train, Danny De Vito jouait volontiers de son physique “ingrat” pour opposer au gentil Julius un personnage de frangin malhonnête et fort en gueule, usant de son baratin pour se tirer des pires situations (parfaitement servi en VF par la voix de Daniel Russo). L’alchimie formée par le duo Schwarzenegger/De Vito fonctionne alors à merveille, la star de Predator, blondisé pour l’occasion, ayant alors à cœur de casser son image de machine à tuer à la punchline facile pour conquérir le registre alors plus risqué de la comédie. Cela donne lieu à plusieurs scènes réjouissantes, de ce face à face hilarant dans le parloir à ce road trip potache et romantique à travers le désert en passant par quelques échauffourées mettant en valeur la stature et le calme inébranlable de Julius/Schwarzy et ce final sous tension dans le complexe pétrolier. Aux côtés de ses deux improbables frangins, on retrouvera Chloe Webb en incorrigible amoureuse et la regrettée Kelly Preston, sublime nymphette propulsant Julius au septième ciel (au vu de l’hilarante tronche qu’il fait sur l’oreiller). Bonnie Bartlett et un David Caruso encore méconnu s’ajoutent à la distribution, tandis que Marshal Bell (l’homme qui mourut plus de fois à l’écran que Sean Bean) incarnait ici un sinistre tueur aussi impitoyable qu’inquiétant. Remarquons au passage que Bell et Schwarzy se donneront à nouveau la réplique deux ans plus tard dans le génial Total Recall de Verhoeven.

Porté par une BO pop (2 Live Crew, Bobby McFerrin, Herbie Hancock, The Spinners, Little Richard) très 80’s et aussi fun que celle du Flic de Beverly Hills, cette comédie de Reitman initia une amitié et une longue collaboration entre le cinéaste et la star du muscle (ils se retrouveraient plus tard sur les très bons Un flic à la maternelle, Président d’un jour et Junior) et failli même avoir droit à une suite intitulée Triplets (avec Eddie Murphy en troisième frangin) dont le projet perdura pendant vingt ans mais qui ne vit hélas jamais le jour. Peu importe, le duo Schwarzy/De Vito se reformera en 1994 pour le sympathique Junior. Tout aussi drôle qu’émouvante, Jumeaux reste une des meilleures comédies hollywoodiennes des 80’s et c’est d’ailleurs toujours avec beaucoup de nostalgie que je le revoie, le film comptant parmi mes “films d’enfance” préférés aux côtés des Batman, Indiana Jones, Star Wars, Retour vers le futur, Roger Rabbit, Ghostbusters, Gremlins, Tortues Ninja, Flic de Beverly Hills et du méconnu La Manière forte. Il restera un modèle à suivre pour bon nombre d’acteurs du même acabit que Schwarzenegger : Stallone, Willis puis plus tard Diesel et Johnson s’appliquant parfois à s’éloigner des territoires meurtriers de l’actioner pour s’essayer eux aussi, avec beaucoup moins de réussite, au registre de l’humour bon enfant. Les comédies suivantes de Schwarzy ne retrouveront jamais autant de succès et menaceront même la carrière de la star (Last Action Hero, La Course au jouet). Danny De Vito lui, trouva là un de ses rôles les plus célèbres, le comédien, ami de Michael Douglas, s’essayant alors avec succès à la réalisation (Balance maman hors du train, La Guerre des Roses) puis à la production (Get Shorty, Hors d’atteinte) et devenant même trois ans plus tard un tout autre genre d’orphelin, l’inoubliable Pingouin de Tim Burton.

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