On croyait avoir déjà tout lu, tout écrit et tout dit sur le plus célèbre film de Francis Ford Coppola. Sorti l’année dernière pour les 50 ans du Parrain, The Offer nous en apprend pourtant de belles sur la génèse d’une œuvre qui a bien failli ne jamais voir le jour. Adapté des mémoires du producteur Albert Ruddy, lequel a également participé au scénario de cette mini-série, The Offer nous offre une vue de la bataille qui régnait en coulisses de la production et du tournage du film, partagée entre des financiers sans aucune sensibilité artistique, un directeur de production aussi charismatique que versatile, un écrivain qui trainait à adapter son propre roman, un réalisateur qui tenait par dessus tout à mettre en boîte sa vision et de vrais mafieux qui s’invitaient à la fête.

Quand on apprend que la fameuse tête du cheval dans le lit était une vraie (à l’insu d’une partie de l’équipe), que Coppola a dû se battre bec et ongles pour imposer Al Pacino dans le rôle de Michael, que Pacino doutait constamment de son jeu et était surnommé “la crevette”, que Frank Sinatra avait tout du gros con, que James Caan casse réellement la gueule de Gianni Russo dans la scène du tabassage en pleine rue (Russo ayant méchamment giflé Talia Shire dans une scène précédente, Rudy aurait demandé à Caan de ne pas retenir ses coups), que le chef op ne s’entendait pas avec Coppola (“Comment on va éclairer les scènes en Sicile ?” “Tu vois cette boule de feu là-haut dans le ciel ? Elle devrait suffire… “) et que toute la partie filmée en Sicile s’est faite dans la crainte de l’ingérence de la Cosa nostra, il faut bien avouer qu’il y a de quoi voir sous un jour nouveau ce grand classique du septième art. Et ce même si on se doute bien que l’ensemble des événements de la série a probablement été romancé par Ruddy.

Les acteurs sont tous excellents, qu’il s’agisse de Miles Teller dans la peau d’Al Ruddy, du trop rare Matthew Goode qui incarne ici le légendaire producteur Robert Evans (Rosemary’s Baby, Love Story, Le Parrain, Serpico, Gatsby le Magnifique, Chinatown, Marathon Man…what else ?), de Juno Temple, attachante en secrétaire de production pugnace et audacieuse, de Dan Fogler, parfait en réalisateur soucieux de préserver sa vision, de Patrick Gallo, très drôle en Mario Puzo, et de Burn Gorman qui nous offre un savoureux numéro dans le rôle du big boss Charles Bluhdorn, l’intimidant PDG de la Gulf Western Company, ancienne détentrice de la Paramount. La talentueuse Nora Ardenezer continue de briller loin des écrans français, Cody Banks se montre particulièrement bon dans le costard de Barry Lapidus, un financier cynique moins con qu’il ne le paraît, et même Giovanni Ribisi, d’habitude peu gâté par ses rôles, s’avère tout bonnement bluffant en Joe Colombo, le mafieux qui, contre toute attente, aida à concrétiser le film.

Porté par une réalisation soignée et une qualité d’écriture irréprochable, The Offer est une mini-série dont on se délecte à dévorer les huit épisodes et ce d’autant plus si son visionnage succède au chef-d’œuvre cinématographique dont elle se propose de nous raconter l’histoire. Une histoire qui s’avère être finalement moins celle d’un film connu de tous que la trajectoire d’un jeune cinéphile aux dents longues, prêt à affronter requins, mafieux et légendes du cinéma pour réaliser ses rêves et qui défendra jusqu’au bout la conception d’une œuvre dont il sait qu’elle sera au-delà d’un simple film de gangsters et capable de marquer durablement l’histoire du cinéma. Notons juste au passage que la fameuse offre du titre, en référence bien sûr à celle “qu’on ne peut refuser” est ironique : bourrés d’audace, Al Ruddy et son “assistante” Bettye McCartt n’attendront jamais que quiconque leur tende la perche pour conquérir au culot leur place dans l’industrie hollywoodienne.

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