Disparu depuis quarante ans, le Derleth, un navire d’exploration scientifique, est détecté au large du détroit de Béring. Un équipage de chasseurs d’épaves est très vite missionné par une compagnie pour récupérer la cargaison du Derleth. La biologiste Moriah Lamb embarque à bord du MacReady et fait alors connaissance avec son équipage très soudé, dominé par la figure autoritaire du capitaine Carpenter. Ce qu’ils vont découvrir dans le cercle arctique, à l’intérieur de l’épave du Derleth, va mettre à l’épreuve leur raison ainsi que toutes leurs croyances.

On ne compte plus les BD, comics et mangas rendant hommage aux récits de Lovecraft, entre les expérimentations intello-enfumées d’Alan Moore (Providence), les adaptations à succès de Gou Tanabe et les superbes art books de François Baranger. En 2021, c’était le fils à papa Joe Hill qui, via sa maison d’édition Hill House, s’y collait avec ce Plunge, paru chez nous via Urban. Un one shot horrifique quelque peu passé inaperçu et dont le scénario pompe autant sur la mythologie des Grands Anciens que sur The Thing de John Carpenter, chef-d’œuvre cinématographique qui reprenait brillamment à son compte la notion d’indicible horreur chère au reclus de Providence. Deux influences clairement assumées par Hill (il suffit de voir les noms attribués aux personnages et aux navires) lequel présente d’ailleurs Plunge comme son hommage à deux auteurs qui, outre son propre père, ont profondément influencé sa conception de l’horreur.

Ceux qui ont déjà lu les livres du fils du King savent à quel point son style colle de très près à celui de son père (goût pour la digression narrative, élagage parfois inutile des chapitres, alternance de récits horrifiques et plus intimistes…) à ceci près que Hill assume plus encore que son géniteur son amour pour l’horreur et le fantastique. Déjà responsable d’une série de comics à succès Locke and Key (adaptée par Netflix dans une série édulcorée) qui se présentait déjà comme un hommage à Lovecraft, Hill s’associait ici au dessinateur au vétéran Stuart Immonen (Superman : Secret Identity) pour illustrer cette intrigue, à la mise en place classique (épave disparue, signal de détresse, mission d’exploration, créatures monstrueuses menaçant l’humanité…) et qui cherche constamment à proposer une alternative au concept génial de The Thing.

A ce titre, Joe Hill ne marche pas seulement sur les traces de Carpenter, mais aussi sur celles de l’auteur Matthew J. Costello qui avait déjà écrit dans les années 90 deux bons romans aux intrigues très inspirées de The Thing et de la mythologie lovecraftienne (La Chose des profondeurs, Cauchemars d’une nuit d’été). La démarche de Hill n’a donc rien d’une première et force est de constater que l’intrigue qu’il imagine n’a pas grand chose d’originale. Mais l’exercice a cependant de quoi contenter les fans des œuvres suscitées, d’autant plus que la grande idée de l’auteur est de se détourner de la sempiternelle image du zombie mutique en présentant ici une horde d’infectés/possédés exprimant à plusieurs voix la volonté d’une entité chtonienne.

Bien sûr, le scénario n’échappe pas aux clichés les plus usités, entre héroïne à la Ripley destinée à survivre, commandant valeureux adepte du sacrifice héroïque, vil financier voulant utiliser cette découverte à des fins économiques et final monster gigantesque, vague cousin de Cthulhu, et rêvant bien évidemment d’asservir l’humanité. En plus d’HPL et The Thing, Hill pioche un peu dans Alien, dans Les Maîtres du monde, dans Rec (le 2 et le 4 en l’occurrence), dans les romans de Costello cités plus haut et même dans l’épisode Projet Arctique d’X-Files (lui aussi un hommage à The Thing). Le scénariste enrobe le tout d’une idée vaguement originale (les possédés sont ici représentés par un chef qui devise avec les héros et se permet même de plaisanter) et d’un MacGuffin (le “trésor” et cette source d’énergie censée valoir une fortune) et se permet quelques réflexions sur l’incontournable opposition entre science et surnaturel. Mais surtout, Hill peut compter sur le talent indéniable de son dessinateur. Officiant ici dans un registre éloigné des sempiternels super-héros, Stuart Immonen nous offre quelques belles illustrations horrifiques, son style fluide et précis, à mi-chemin entre le réalisme d’un Andrea Sorrentino et le classicisme d’un Jim Lee, transformant l’œuvre en véritable page turner.

Reste l’impression d’avoir encore lu là un énième hommage à Lovecraft. Un comic plutôt bien travaillé dans sa narration et ses illustrations mais qui n’apporte pas grand chose de nouveau à ce qui a déjà été fait (écrit, filmé ou dessiné) dans le genre. Mais bon, ne boudons pas pour autant notre plaisir. Tout fan du chef d’œuvre de Carpenter ou des récits du Maître de Providence est toujours à l’affût d’histoires y faisant référence et trouvera une bonne raison de se plonger dans ce Plunge, aussi référentiel qu’horriblement réussi.

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