De prime abord, Stargate, la porte des étoiles peut-être considéré comme un miracle. C’est avec The Patriot (et… allez soyons sympa, Universal Soldier et Le Jour d’après), le seul film véritablement réussi de Roland Emmerich, grand spécialiste du navet de luxe depuis bientôt trente ans (Independence Day 1 et 2, Godzilla version 98, 10 000, Moonfall).

Que s’est-il passé ?

Comment l’ami Roland, réalisateur du nullissime Moon 44, a-t-il pu réussir une chose aussi improbable ?

En s’émerveillant devant une scène comme celle où Daniel Jackson reste figé sur le seuil de la porte des étoiles, sa silhouette se découpant sur un rideau d’eau ondoyante, on croirait presque parfois que le cinéaste teuton est habité par l’âme de Spielberg, c’est dire.

Sur la base d’un scénario original pour son époque, car reprenant l’idée des trous de vers comme portails spatio-temporels et y mélangeant mythologie égyptienne et mythe des premiers astronautes, Emmerich et son scénariste Dean Devlin nous transportent dans une épopée spatiale fastueuse, alternant émotion, frayeurs et morceaux de bravoure. Porté par un duo d’acteurs parfaitement complémentaires (Kurt Russell en colonel badass et James Spader en rat de bibliothèque y sont simplement parfaits) confrontés à un antagoniste d’envergure (le chanteur Jaye Davidson campe un “dieu” Râ à l’androgynie surnaturelle), le film esquisse un univers science-fictionnel fascinant : pour la première fois au cinéma, on osait évoquer l’idée que les dieux antiques étaient peut-être des êtres venus d’ailleurs, sur les fameux chariots des dieux. Les articles pseudo-scientifiques et les émissions type Alien theory ne parlent aujourd’hui que de ça, la faute au théoricien Erich Von Daniken (qui inspirera plus tard Ridley Scott pour son Prometheus).

Le film d’Emmerich regorge ainsi de belles trouvailles pour la plupart empruntées à la littérature SF, le scénario se permettant en outre bon nombre de facilités narratives dont un dernier acte légèrement expédié mais au climax dévastateur. Le spectacle reste néanmoins réussi, rehaussé par son iconographie somptueuse mélangeant les esthétiques de l’Egypte antique et du planet opera futuriste (le vaisseau pyramidal de Râ et les exosquelettes à tête d’Anubis et d’Horus de sa garde prétorienne) et par le formidable score orchestral de David Arnold qui nous livrait ici un thème inoubliable.

Sans être irréprochable (Emmerich cède parfois à ses excès américano-patriotiques qui plomberont tout son futur Independence Day), Stargate reste un très bon film de science-fiction qu’on prend toujours plaisir à revoir et qui vieillit plutôt bien au regard de ses déjà vingt-neuf piges. Mais le visionner aujourd’hui en fait aussi une œuvre incroyablement frustrante. On en garde l’impression d’assister à un superbe premier opus, exposant une mythologie science-fictionnelle qui aurait pu donner lieu à une grande saga cinématographique. Le concept de cet univers avait en effet un potentiel narratif inouï qu’il aurait fallu exploiter avec les moyens nécessaires, ce qui était a priori dans l’idée d’Emmerich et de Devlin, lesquels souhaitaient en tirer une suite.

Las, l’histoire du cinéma compte plus de rendez-vous manqués que de franches réussites. En difficulté financière, la MGM racheta les droits du film à Studio Canal et à la défunte Carolco, non pas pour un projet de suite sur grand écran mais pour en tirer une série télévisée à destination de Showtime. Longue de dix saisons, diffusées de 1997 à 2007, Stargate SG-1 fait suite au film d’Emmerich, en recycle l’imagerie avec les faibles moyens alloués par la MGM (voir les casques divins autrement moins bien fichus que dans le film) et développe une intrigue startrekienne, certes pas honteuse, mais regrettable au regard du potentiel de l’univers esquissé dans le film d’Emmerich.

En langage cinéphile, on appelle cela un putain d’énorme gâchis cinématographique.

On peut cependant se rassurer : vu les tendances de revivals actuels, il est fort probable qu’Hollywood nous en propose un remake éventuellement réussi (et, soyons fou, plus ambitieux) d’ici une bonne décennie. Ou, plus probablement, une nouvelle série marchant en espadrilles dans les traces de son aînée.

D’ailleurs, il paraît qu’Amazon…

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