On pourra reprocher à Tom Cruise tout un tas de choses, sa scientologie, ses prédispositions évidentes à la vantardise (ce type est génial, il fait toutes ses cascades !!!), il est cependant indéniable que le gonze a toujours su dénicher les projets de qualité, qu’ils soient purement spectaculaires (Mission Impossible, Jack Reacher) ou nettement plus intimistes (Magnolia, Vanilla Sky), voire carrément cocasses (ses participations à Austin Powers 3 et Tonnerre sous les tropiques). Par sa promesse de grand spectacle, ses images crépusculaires et ses visions de destructions massives, La Momie devait donc a priori se situer dans la lignée sombre et divertissante de ses précédents films de genre (La Guerre des mondes, Oblivion, Edge of Tomorrow), tout en répondant à la frustration de l’abandon des Montagnes hallucinées de Guillermo Del Toro (dont Cruise devait être la tête d’affiche). En pleine période de marvelisation galopante du cinéma hollywoodien, Tom Cruise s’associait ainsi en 2016 à Universal pour porter sur ses larges épaules le second opus (après le piètre Dracula Untold) de ce qui devait être une ambitieuse franchise ciné rebootant les origines des grands monstres des productions Universal des années 30. Retitré Dark Universe, ce nouvel univers étendu fut finalement vite annulé, suite au four critique et public qui vint cueillir cette Momie made in 2017 dès sa sortie en salles. De quoi décourager les grands studios de vouloir copier bêtement la formule dictée par Kevin Feige pour Marvel, après l’élaboration chaotique du DCEU de Warner et l’échec annoncé du Monsterverse (Godzilla, Kong Skull Island, Godzilla vs Kong) de Legendary Pictures.
Mais cette Momie justifiait-elle une telle déconvenue ? Confiée au producteur et scénariste Alex Kurtzman (collaborateur régulier de J.J. Abrams, scénariste de Fringe et de MI:3), cette relecture du classique de Karl Freund a pour “originalité”, non seulement de féminiser le monstre-vedette (Sofia Boutella succède ici à Valerie Leon dans La Momie sanglante en 1971), mais surtout de transposer les exactions de la créature à notre époque et dans un contexte purement guerrier, ce qui aurait pu donner pas mal d’eau au moulin (vu les nombreuses possibilités de narration et d’anachronismes de l’intrigue) si les scénaristes avaient su exploiter pleinement tout le potentiel d’une telle idée. Ce qui n’est pas le cas, loin de là, l’ensemble se résumant à un autre nouveau ride mystico-bourrin passant rapidement des plaines désertiques d’Irak à la morne grisaille d’un Londres étrangement dépeuplé et très peu cinégénique. Le film perd ainsi beaucoup de son intérêt à vouloir absolument évacuer l’exotisme de son intrigue pour délocaliser son action dans un Londres contemporain dénué de la moindre aura mystérieuse. Ce qui en dit long sur le caractère bancal de cette entreprise de modernisation appliquée à plusieurs grands classiques du cinéma d’horreur. Il est ainsi assez casse-gueule de vouloir transposer de tels mythes classiques dans une époque aussi peu concernée par le surnaturel que la nôtre. Londres déjà, n’a plus grand chose de son charme victorien d’antan, l’époque moderne ne peut en rien rendre justice à la dimension fantastique de ces monstres, et l’on arrive très vite à constater à l’écran les limites d’un tel concept.
Qui plus est, le film ne fait jamais peur et aligne les clichés propres au genre : armée de zombies rapidement démembrés, succession de rituels anciens déjà maintes et maintes fois exploités et de discours grandiloquents sur les origines du mal et sur la place de la magie et des croyances aujourd’hui. Cette confrontation des mythes anciens à une époque essentiellement cartésienne aurait cependant pu donner lieu à quelques lignes de dialogue intéressantes mais elle se voit hélas reléguée au fin fond des préoccupations de l’intrigue : il s’agissait ici surtout de poser les bases d’un univers commercial (voir cette fin ouverte terriblement prévisible) et d’ériger de nouveaux personnages en véritables super-héros face aux super-vilains anciens. De quoi caresser les fans des super-héros Marvel dans le sens du poil tout en contentant les investisseurs les plus frileux. Les mises à morts du film sont ridicules, la violence inexistante, les monstres n’ont absolument rien d’impressionnants et les personnages peinent tous réellement à exister (comment croire à cette romance au centre du récit ?). Et ce n’est pas les quelques emprunts aux films de Freund et de Sommers ainsi qu’au Loup-Garou de Londres (le meilleur pote zombie qui cause au héros) qui remonteront le niveau de l’ensemble. En fin de compte, seules quelques scènes d’action méritent le coup d’oeil et témoignent de la volonté de Cruise producteur de vouloir toujours en mettre plein les mirettes au spectateur en alignant les cascades et les situations périlleuses. Le problème c’est que tellement de grosses productions jouent aujourd’hui dans cette cour, qu’il devient difficile de s’émerveiller devant une scène d’action en particulier. Celles de La Momie n’ont, elles, rien de franchement exceptionnelles.
Dommage car les vingt premières minutes du film semblaient promettre à elles-seules un spectacle autrement plus sympathique, notamment en présentant le personnage de Tom Cruise comme un salopard fini et de lui coller aux basques un énième sidekick râleur en guise d’élément comique. Toutes les bonnes idées du premier acte (si elles n’ont évidemment rien d’originales) sont toutes rapidement évacuées du script dès la séquence de l’avion. Le reste verra une traditionnelle histoire de mal séculaire, de société secrète et de menace apocalyptique, desservie par des baisses de régime et des raccourcis narratifs navrants. Kurtzman ne transcende jamais sa mise en scène et se contente de livrer une réalisation appliquée, agrémentée de quelques idées esthétiques. Dans le registre du film d’aventures et du grand spectacle moderne, c’était évidemment trop peu pour convaincre. Et ce n’est pas le sympathique Mr Hyde de Russell Crowe (un rien cabotin ici) qui suffira à faire oublier la relative déception de cette Momie.