La dernière trilogie Star Wars au cinéma avait révélé l’incompétence de ses différents auteurs à raconter une histoire à la fois cohérente (les inimitiés de J.J. Abrams et de Rian Johnson, l’éviction de Colin Trevorrow sur le dernier opus) et un tant soit peu originale. Les épisodes 7, 8 et 9 (et ce, bien que Les Derniers Jedi soit de loin le moins honteux) n’étaient en fait que des remakes détournés (plus ou moins intelligemment) de la trilogie originale, et le retour de l’Empereur dans le dernier film, à peine justifié, trahissait moins une volonté de répondre au fan service qu’un manque total d’idées innovantes.

Depuis que la boîte à Mickey a racheté cette franchise, sa politique de rentabilité d’abord agressive (à l’époque et jusqu’au semi-échec financier de Solo, Disney promettait un film Star Wars par an) s’est muée lentement en une prudence financière appelant moins d’ambition. Ainsi, depuis trois ans, et sur le même modèle que l’écurie Marvel, Disney brade sa franchise Star Wars en n’en proposant que des spin-off télévisuels. Le temps, peut-être, de préparer et de mieux penser la prochaine ère cinématographique.

Cinq séries Star Wars ont ainsi vues le jour depuis 2019 et, si leur qualité laisse parfois à désirer (Obi-Wan Kenobi), il faut bien avouer que la première d’entre elle, The Mandalorian, demeure une réussite incontestable.

Pour penser aux origines de The Mandalorian, il faut tout d’abord remonter à la création du personnage de Boba Fett en 1978 pour le téléfilm musical The Star Wars Holiday Special (Au temps de la guerre des étoiles chez nous) et pour le film L’Empire contre-attaque en 1980. Imaginé et dessiné par le futur réalisateur Joe Johnston, Boba Fett avait un look et un charisme qui n’a pas échappé à l’œil des fans, son trépas ridicule au début du Retour du Jedi n’altérant en rien l’aura du personnage dont les aventures ont ensuite été déclinées en comics, romans et autres jeux vidéos. Lucas lui-même lui accordera plus d’importance en lui donnant un modèle paternel, Jango Fett, à l’origine de l’armée de clones dans son médiocre L’Attaque des clones.

Quand Joe Johnston s’exprimait dans les années 2000 sur le personnage, il regrettait que Lucas lui ait donné un visage et avouait son rêve de réaliser un jour un film qui lui serait consacré. De la part de Disney, le vieux Joe dut hélas se contenter de Captain America.

Dans les années 2000 toujours, le personnage de Boba Fett est ressuscité dans les romans et comics qui constituent aujourd’hui la partie Legends mise au placard par Disney. Mais l’idée d’un Boba revenant du puits du Sarlacc fera son chemin.

Aussi malin que créatif, le réalisateur Jon Favreau, déjà grand chouchou de chez Disney (qui lui a confié les remakes en images live du Livre de la jungle et du Roi lion) se pointa un jour dans le bureau de Mickey avec cette idée : pourquoi ne pas produire une série Star Wars axée sur les tribulations d’un personnage original mais clairement identifiable puisque renvoyant au design du personnage culte de Boba Fett. Et pourquoi ne pas lui accoler un sidekick (évoquant lui, un autre personnage culte) et dont le degré de mignonnitude serait tel qu’il séduirait le plus large public et suffirait à écouler des tonnes de produits dérivés (peluches, figurines, posters). Un anti-héros badass, un mini Yoda au gazouillements de nourrisson et aussi mignon que Gizmo, de quoi séduire tous les publics, non ?

Mais ce seul concept ne suffirait pas, certes, à assurer la qualité de la série. Soucieux de bien faire les choses, Favreau se chargea alors d’écrire et de superviser le show de manière à livrer une oeuvre/produit aussi bien originale que cohérente et divertissante. Quelque-chose d’autrement plus imaginatif que la dernière trilogie cinématographique Disney et que tout ce que George Lucas a pu produire depuis 1999 et La Menace fantôme.

Car The Mandalorian fait un peu l’effet d’une arlésienne pour tous ceux qui, adolescents durant les années 80-90, ne pouvaient rêver de cet univers qu’à travers d’antiques jeux vidéos et autres comics (d’ailleurs souvent introuvables en France, à l’époque). Son intrigue se situe peu de temps après Le Retour du Jedi, et nous venge enfin de la bêtise de George Lucas qui s’est évertué à détruire son propre mythe en ne développant dès sa prélogie que des histoires autour de sa guerre des clones, frustrantes par essence, puisqu’on en connaissait tous la finalité (Anakin deviendrait Vador, Palpatine s’emparerait du pouvoir et l’essentiel des Jedis se ferait décimé).

La série de Jon Favreau rassemble tous les éléments auquel Lucas semblait curieusement incapable de penser. Un nouvel héros mystérieux qui ne retire quasiment jamais son casque (le complexe de Judge Dredd), un alignement de mondes traversés, des personnages inédits, une mythologie mandalorienne (auparavant sous-exploitée) ici parfaitement explorée, des monstres au designs impressionnants, des péripéties spectaculaires, une réalisation rythmée, un thème musical entêtant, une esthétique digne de la première trilogie, une gestion intelligente des effets spéciaux (un adroit mélange de CGI et d’effets de plateaux), des images iconiques (ah ce plan où Din Djarin atterrit alors que le Dragon Krait explose derrière lui…), des guests stars de talents (Giancarlo Esposito, Carl Weathers, Gina Carano, Bill Burr, Werner Herzog, Rosario Dawson, Nick Nolte, Clancy Brown, John Leguizamo, Timothy Olyphant, Kathee Sackhoff, Michael Biehn, Temuera Morrison), des caméos aussi bons que justifiés (enfin, ils nous rendent Boba Fett et le Slave I) et une bonne louche d’humour et de mignonnitude dues à Baby « Grogu » Yoda. Sans parler de ce cameo final purement jouissif, faisant clairement de l’œil à la scène finale de Vador dans Rogue One, et où le plus célèbre des plus célèbres Jedis fait clairement honneur à la puissance ravageuse de son père.

The Mandalorian est une belle réussite pour ceux qui apprécient cet univers. C’est un rêve de gosse enfin exaucé, digne des attentes des premiers fans de la saga (c’est à dire ceux qui ont rongé leur frein pendant près de quarante ans pour voir une digne suite du Retour du Jedi), en plus d’être un spectacle familial apte à contenter tous les publics. Clairement le meilleur de ce que Disney a pu produire dans cet univers, depuis la surprise Rogue One.

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