Boba Fett…

Jamais un personnage aussi minimaliste n’aura fait couler autant d’encre.

Apparu dans les épisodes 5 et 6 de la trilogie originale, Fett nous était alors présenté comme le plus redoutable chasseur de primes, à la solde de Jabba. Calme et mutique, revêtu d’une combinaison et d’un casque (qu’il n’enlevait JAMAIS) imaginé par Joe Johnston (le futur réalisateur de Rocketeer et Jumanji), le personnage avait assez de look et de présence pour ne pas passer inaperçu aux yeux des fans. Et sa mort ridicule au début du Retour du Jedi n’y fera rien, les aventures de Boba Fett firent ensuite l’objet de bon nombre de comics, romans et autres jeux vidéos (on l’affrontait notamment dans le jeu Shadows of the Empire), tandis que des hordes de geeks hantaient les festivals habillés de sa combinaison. Conscient de la popularité du personnage, Lucas en recycla l’aura à travers le personnage de Jango Fett dans L’Attaque des clones, tout en lui donnant le visage de l’acteur néo-zélandais Temuera Morrison.

Auparavant, à la fin des années 90, l’écrivain K.W. Jeter avait déjà ressuscité Boba Fett dans son roman L’Armure mandalorienne, premier tome de la trilogie La Guerre des chasseurs de primes (qui fait désormais partie de la section Legends). Revenu de la gueule du Sarlacc, le personnage y entamait une quête de rédemption en aidant la République naissante à affronter les derniers restes de l’Empire.

En 2019, Jon Favreau propose une idée gagnante pour Disney. Pour leur première série live, pourquoi ne pas prendre pour protagoniste un gentil mandalorien dont l’armure évoquerait celle des Fett père et fils (qui, rappelons-le, ne sont pas originaires de Mandalore, Jango ayant été adopté par les mandaloriens et Boba étant juste le clone de Jango).

Le personnage de Din Djarin a de la classe, n’enlève presque jamais son casque, et se voit affublé d’un sidekick aussi mignon qu’original, un petit padawan de la même race que Yoda. Idéal pour vendre des nuées de produits dérivés à travers le monde. Et Favreau ne se trompe pas, la série est un succès, les figurines et peluches se vendent comme des petits pains et les fans en oublient presque l’indigence de la dernière trilogie cinématographique.

Invité pour réaliser un épisode, Robert Rodriguez (celui qui a transformé le formidable manga de SF Gunnm en pseudo-Divergente Alita : Battle Angel) se voit l’honneur de ressusciter Boba Fett. Un Boba Fett qui nous apparait à nouveau sous les traits d’un Temuera Morrison vieillissant et bedonnant et dans un tout autre look que son costume légendaire. L’idée est sympa pour l’acteur, se voir proposer de reprendre son rôle le plus célèbre, mais a de quoi faire douter de sa pertinence. Censé être sorti du puits du Sarlacc quelques mois plus tôt, le personnage n’a plus du tout la même corpulence que celle de l’acteur Jeremy Bulloch, qui incarnait Boba Fett en 1980 et 1983.

A tel point qu’on pourrait presque penser que c’est finalement Boba Fett qui a bouffé le Sarlacc.

Se rangeant désormais dans le camp des gentils, l’ancien chasseur de primes prêtait main forte à Din Djarin et se voyait même gratifié d’une scène post-générique annonçant ses propres aventures. Diffusée un an plus tard, la série The Book of Boba Fett revient donc sur le parcours de Boba et débute logiquement par une scène nous expliquant comment il s’est échappé du ventre du Sarlacc. A partir de là, le personnage va entamer un véritable chemin de croix, trouver une autre philosophie, partir à la recherche de son vaisseau et de son armure mandalorienne hérités de son père, et s’imposer comme le successeur de Jabba sur Tatooine.

L’idée de la série est alors de mélanger les genres. Alors que Star Wars a toujours pioché dans le western pour alimenter l’iconographie de son univers, The Book of Boba Fett fait de même (voir ce duel entre Cobb Vanth et Cad Bane) mais reprend aussi des éléments du film de gangsters. Il s’agit ici de voir comment Boba Fett va s’imposer dans le milieu du crime organisé de Mos Espa, affronter la concurrence et recruter ses sbires. Problème : depuis Le Retour du Jedi, Fett est devenu plus indulgent, magnanime et pacifiste et ceci est bien évidemment vu comme une faiblesse par ses adversaires. Les fans eux-mêmes auront d’ailleurs un peu de mal à adhérer à cette « bonification » du personnage, à peine expliquée par sa résurrection et sa rencontre avec les Tuskens. Heureusement, l’ancien chasseur de primes pourra compter sur l’aide de bon nombre d’alliés et d’anciens ennemis, une tueuse à gages plus redoutable qu’une garnison de stormtroopers, un wookie plus classe et teigneux que Chewbacca, une bande de jeunes cyborgs revenus de l’univers surcoloré d’Alita Battle Angel (ce n’est pas pour rien si la série est souvent réalisée par Robert Rodriguez), un Mandalorien solidaire et même un Rancor.

A l’écriture, Jon Favreau assure la continuité de l’univers décrit dans The Mandalorian et repense le personnage de Boba Fett (en en faisant un tueur en quête de rédemption, ce qui ne convaincra pas tout le monde), les hommes des sables (en en faisant la métaphore des indiens d’Amérique), l’organisation politique de Tatooine (en révélant plus en détail le fonctionnement de la ville de Mos Espa) et la nature du Rancor (élevé pour combattre dans des arènes, il s’attache pour la vie au premier être qu’il voit). Le scénariste a quelques idées intéressantes et prend toujours plaisir à explorer cet univers, jusqu’à offrir à Boba sa revanche sur le Sarlacc.

Certes, l’orientation de la série à partir du cinquième épisode pourra apparaître comme une digression un peu facile (voire carrément grossière), abandonnant un temps le personnage de Fett, moins attachant, pour donner suite aux aventures du Mandalorien et de Grogu. Mais cette fin de saison semble avoir été pensée comme un spin-off totalement dépendant de The Mandalorian, cette série/suite comblant finalement les zones d’ombre restées en suspens dans les deux premières saison de la série dédiée à Din Djarin. Cela fait d’ailleurs plaisir d’assister à l’entrainement de Grogu par Luke Skywalker (le visage de Mark Hamill jeune est sidérant de réalisme), un entrainement répondant logiquement à celui dispensé par Yoda sur Dagobah. Cependant, le choix de Grogu semble être un aveu de rétrogradage de la part des scénaristes, tant la fin de cette première saison annule celle de la saison 2 du Mandalorian.

Le tout s’achemine vers une bataille finale qui, si elle manque parfois de rythme dans sa mise en scène, regorge de quelques morceaux de bravoure dont l’un des moindres est bien sûr l’arrivée de dernière minute d’un Rancor furibard en mode King Kong, prêtant mains fortes aux héros cernés par les troupes de l’ennemi.

Du grand spectacle pour petit écran, du fan service pour nostalgiques de la première trilogie, du tout bon pour ceux qui rêvent encore de cet univers, et du moins bon pour ceux qui en ont trop bouffé.

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