Cela fait belle lurette que les Predators (les Yautjas pour les puristes) s’adonnent à leurs petits safaris terrestres, chassant l’homme mieux que Zaroff, et donnant même du fil à retordre au plus musclé des autrichiens. A l’écran, cela nous a offert deux excellents survivals SF, un 3ème opus faiblard, un 4ème honteux et deux cross-overs merd… nauséabonds.
Une saga a la qualité déclinante et qui aurait certainement mérité quelques traitements plus audacieux.

La popularité du Predator n’en a pas tant souffert que ça, d’autant plus qu’il n’aura pas mis longtemps à envahir l’univers des jeux vidéos et surtout, des comics. Depuis 1989, le Predator a ainsi donné la chasse a beaucoup de beau monde dans les comics, qu’il s’agisse du xenomorphe et de son irrésistible double museau (les multiples BD AvP) , du plus célèbre justicier de Gotham (Batman/Predator), d’un certain kryptonien en exil (Superman/Predator) ou même du juge le plus mal luné du futur (Judge Dredd : Extermination).
L’idée d’une intrigue de chasse à l’homme se déroulant dans le passé avait beau avoir été soufflée par les scénaristes Jim et John Thomas à la fin de Predator 2 (le flingue de corsaire laissé en offrande au lieutenant Harrigan), le cinéma se refusa longtemps à cette perspective historique originale, les fans du Yautja n’ayant alors d’autre choix que de se rabattre sur certains comics (dont le Predator 1718 de Dark Horse Comics mettant en scène le fameux Raphael Adolini, nom que l’on retrouve d’ailleurs en clin d’oeil de pur fan service dans Prey).

La Fox ayant vendu l’essentiel de son catalogue à Mickey, l’idée d’un nouvel opus Predator estampillé Disney semblait relever non pas de la science-fiction mais de la farce la plus inconcevable. Pourtant les rumeurs sont allés bon train dès 2019. Malgré le peu de rentabilité de la franchise, le producteur John Davis nous préparait un nouveau film Predator et celui-ci se déroulerait non pas de nos jours, ni même dans un éventuel futur, mais dans un lointain passé.
Le titre Predator, ou plutôt The Predator, ne semblant plus être rentable parmi les jeunes générations au vu de l’échec financier et artistique du film signé Shane Black, pourquoi ne pas faire une entorse au titre officiel et intituler ce nouvel opus autrement ?
Tout d’abord intitulé Skulls, le très sobre Prey sortit finalement en VOD en Juillet 2022, sortie d’autant plus remarquée qu’il n’y avait pas grand chose d’autre à se mettre sous la dent cet été-là.
Alors zou ! Un petit tour sur la plateforme de Mickey (au catalogue désespérément minimaliste soit dit en passant) pour découvrir le bodycount de ce tout nouveau Predator.

1719. L’Amérique, au temps où les cowboys ne jouaient pas encore de l’harmonica. Naru, une jeune Comanche, ambitionne de devenir une chasseuse aussi valeureuse et respectée que Taluu, son grand frère, et ronge son frein en zigouillant quelques lapins en attendant d’affronter son premier “grand” prédateur.
Alors que l’heureux élu semble avoir tout du puma mangeur d’homme en CGI, l’arrivée discrète et inopinée d’un guerrier extra-terrestre dans les alentours bouscule subitement l’ordre de la chaîne alimentaire (même s’il est bien connu que le Predator ne mange que des tomates et des cèpes en salade).
Bien sûr, notre jeune héroïne, entourée de tout plein de mâles aussi cons que sexistes (il faut dire que les guerrières Comanches ne couraient pas les plaines en ce temps-là), aura beau faire sa Cassandre et avertir tout le monde du danger qui rôde, personne ne la prendra au sérieux. Pas même son brave frangin (seul mec bien du film et qu’on devine vite être le modèle à sacrifier pour permettre à l’héroïne de se réaliser). Ni même le Predator, machiste suprême, qui préférera se coltiner la colère d’un grizzli de 600 kilos plutôt que de prêter attention à la gamine qui s’enfuit sous ses yeux.

Bon on l’aura compris, à un personnage près, tous les hommes du film sont bêtes, stupides ou méchants. Ce qui est bien pratique pour justifier leurs mises à mort, le réalisateur Dan Trachtenberg débordant de bonnes idées quand il s’agit de mutiler les proies du Predator. Cela commence par des animaux (crotale, loup et grizzly) et ça se termine par le massacre mérité de toute une bande de braconniers français (surtout pas anglais, Disney ayant à coeur de rester en bons termes avec les sujets de Sa Majesté).
Un massacre mérité ?
Oui, car le réalisateur aura eu soin de nous montrer la sauvagerie dont ces sous-merdes de braconniers étaient capables (avec le champ recouvert de cadavres dépecés de bisons). Les vilains français du film ayant tout des Buffalo Bill en puissance, il est donc juste que Mickey autorise qu’on les tue.

Quant au chien que se trimballe l’héroïne, il aura bien sûr son utilité. Et ce, même si on se pose rapidement la question : Serait-il possible que le Predator le tue lui aussi au passage ? Voyons… Réfléchissons… On est dans un film Predator co-produit par Disney. Un crotale dépecé oui, un loup éventré passe encore, un grizzly égorgé, pourquoi pas… Mais un chien ? Le meilleur ami de Mickey ? Vous y croyez vraiment, vous ?

Bref, tout reste parfaitement sur les sentiers de la bien-pensance, le réalisateur ne s’autorisant ses épanchements gores que pour sa foule de vilains personnages masculins et d’animaux féroces.
L’héroïne souffre du sexisme de ses pairs et souhaite, à l’image de Mulan, Mérida de Rebelle, Rey de Star Wars, Ripley et Furiosa, s’affranchir de cette oppression patriarcale afin d’en affronter la plus monstrueuse incarnation (sous-texte déjà en filigrane du précédent film de Dan Trachtenberg, 10 Cloverfiel Lane).
Les clichés les plus manichéens ayant ici la vie dure, le film n’en est pas pour autant raté, loin de là. C’est même un bon divertissement dans l’ensemble, bien plus violent, spectaculaire et adulte que ne l’était la daube immonde réalisée précédemment par Shane Black.

La très bonne surprise étant que ce Prey s’avère globalement deux fois plus gore que les quatre derniers films de la franchise (AvP 1 et 2, Predators et The Predator) et nous offre trois scènes assez mémorables (le combat contre l’ours, le massacre des braconniers, et l’affrontement final).
Mieux encore, Trachtenberg et ses scénaristes ont eu la bonne idée d’adapter l’aspect et l’arsenal du Predator a son époque, le monstre privilégiant les flèches et le bouclier aux flingues, quand son aspect tribal et sa peau tannée renvoient pour beaucoup aux proies amérindiennes qu’il traque. Ce look inédit lui a d’ailleurs valu le surnom de Feral Predator.
Sa carrure musculeuse n’ayant pas servi à grand chose à Schwarzenegger dans le film de McTiernan, l’héroïne de ce nouvel opus devra redoubler d’ingéniosité et de ruse pour affronter le monstre.
On remarquera également que Prey semble reprendre un peu de la mythologie évoquée dans le Predators de Nimrod Antal en reprenant pour son propre monstre le faciès terrifiant du Yautja Berserker qu’affrontait déjà Adrien Brody.
Pour finir, le film ose faire de son Predator, plus encore que ses prédécesseurs, une créature faillible, vulnérable et aussi, parfois, particulièrement lâche, notamment quand il a recours systématiquement à l’invisibilité pour se sortir de la panade.
Un chasseur pas très réglo donc, et souvent blessé, et qui se fera finalement avoir par sa trop grande confiance en sa technologie.

Une ironie à contre-sens du tronc d’arbre qui tuait le premier Predator et qui achève de faire de ce dernier opus, non pas une réussite totale, mais peut-être le meilleur film de la saga… depuis 32 ans.

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