En 1830, Augustus Landor, un ancien enquêteur à la réputation établie est approché par la direction de l’école militaire de Westpoint pour enquêter sur le meurtre d’un jeune pensionnaire, retrouvé pendu à un arbre, les pieds touchant le sol et le cœur arraché. Dans ses investigations, le détective sera amené à collaborer avec un élève de l’école, poète et érudit méprisé par ses camarades, et qui s’avérera aussi fin limier que son modèle. Son nom : Edgar Allan Poe.

Déjà réalisateur d’Hostiles, superbe western crépusculaire questionnant la barbarie humaine et mené par Christian Bale, ainsi que des Brasiers de la colère dans lequel il avait déjà dirigé l’acteur, Scott Cooper retrouve la star de The Dark Knight et de The Machinist pour un nouveau film d’époque aux thématiques vengeresses sensiblement similaires et baignant dans de superbes couleurs hivernales.
Se montrant toujours aussi impliqué dans son interprétation, Bale y trouve un rôle de limier atypique et écorché, tourmenté par un souvenir dont Cooper se gardera d’en révéler trop rapidement la nature. Face à la star, l’acteur Harry Melling (vu dans la saga Harry Potter et en vilain mégalo dans The Old Guard) étonne par la justesse de son jeu et un charisme inattendu. Il incarne ici un Edgar Poe volubile, cynique, vulnérable et déjà accroc à la boisson, aussi passionné par le pouvoir du verbe que par la résolution de son affaire.

Bien sûr, ce n’est pas la première fois que le poète et génial novelliste se voit transformé en protagoniste d’enquête policière. On se souvient notamment de l’interprétation plus musclée qu’en avait donné John Cusack dans l’inégal The Raven de James McTeigue. 
Plus sobre que ce dernier film, The Pale Blue Eye (titre donné en référence au récit Le Coeur révélateur de Poe) semble aussi plus juste dans sa portraitisation de l’écrivain. Avec pour idée de transformer le célèbre auteur en figure tragique, justicière et romantique, Cooper lui appose l’image d’un détective zêlé qui pourrait tout aussi faire figure de mentor que de future inspiration pour la création du chevalier Auguste Dupin, tandis que d’autres personnages évoquent quant à eux les figures tourmentées de Roderick et Madeline Usher.

On pourra néanmoins regretter que le coup de théâtre final n’ait pas été mieux préparé, quelques plans succints et trop peu explicites en guise de flashbacks ne suffisent pas pour donner à cette résolution une ampleur émotionnelle, renforcée par l’idée, souvent délicieuse quand elle est bien emmenée, de s’être fait berner. Les éléments de réponse sont insuffisamment dispersés dans l’histoire pour permettre au spectateur de trouver par lui-même la clé de l’énigme. Et c’est peut-être sciemment que l’a fait Cooper afin d’aller à l’encontre de toutes ces intrigues qui cherchent systématiquement à se montrer plus intelligentes que le spectateur.

Peu importe après tout, la qualité du film dans son ensemble l’emporte sur ses quelques menus défauts et on sort du visionnage touché par le respect que se voue son duo d’enquêteurs et par la splendeur mélancolique qui se dégage de ses ultimes images, lesquelles s’accordent à merveille au génie de la prose de Poe.

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