Un cowboy solitaire, tout juste arrivé dans une ville perdue du Far West, entre dans un saloon. Là, sous les regards hostiles de la clientèle, il va se commander un whisky au bar. C’est alors qu’une voix, sortie de nulle part, se fait entendre dans la salle, à la stupeur de tous. Un narrateur invisible, entendu par tous les personnages de la scène, et qui semble prendre un malin plaisir à commenter les pensées de chacun d’entre eux. L’occasion pour lui de révéler leurs secrets inavouables et de semer ainsi une sacrée zizanie.

C’est au hasard de mes visionnages sur la toile que j’ai découvert ce réjouissant petit court-métrage. Réalisé en 2014 par Eric Kissack, The Gunfighter se présente comme un véritable exercice de style puisqu’il joue constamment de l’amalgame entre sa narration intra et extradiégétique. L’idée est ici de parodier les archétypes classiques du western en les confrontant à l’intrusion dans le récit d’une voix-off interventionniste et perturbatrice. La première minute du film se résume ainsi à une scène tout ce qui a de plus classique dans le genre : l’arrivée d’un étranger dans un bar où tous les clients semblent lui être hostiles. Jusqu’à ce qu’intervienne la voix d’un narrateur apparemment omniscient qui, au fur et à mesure de sa “narration” entendue de tous dans le saloon, révèle les secrets les plus honteux de chacun (adultères en pagaille et zoophilie). Et à chacune de ses “révélations”, la scène menace de dégénérer en fusillade.

On rit alors beaucoup du jeu des acteurs, leurs personnages affichant des mines déconfites à mesure que la voix s’intéresse à leurs petits secrets. Le personnage de l’étranger, lui-même véritable archétype du desperado/justicier, tente du mieux qu’il peut de contenir la situation en incitant les autres personnages à ne pas prêter attention à la “voix” qui veut les monter les uns contre les autres. Mais ses tentatives sont toujours réduites à néant de manière ironique par l’intervention de ce mystérieux narrateur. On assiste alors à une escalade verbeuse et hilarante vers la fatalité et le “ballet of death” voulu par la voix-off. Comme si le réalisateur/scénariste du film se plaisait à réduire ses personnages à l’impuissance face à un récit/destin contre lequel ils ne peuvent lutter. Cela équivaut à conférer à tout auteur un statut divin sur ses personnages et autant dire que cette “voix” en profite.

Aussi drôle qu’original, porté par le jeu irrésistible de ses comédiens et le ton neutre et imperturbable de la voix-off de Nick Offerman, The Gunfighter est un petit bijou de comédie conceptuelle. Un exercice de style qui mérite vraiment, outre le coup d’oeil, qu’on en écoute surtout le récit.

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