Douze ans séparent Une journée en enfer de Die Hard 4 Retour en enfer. Douze ans durant lesquels le cinéma d’action n’aura cessé de se transformer, des péloches de l’écurie Bruckheimer à la résurrection de James Bond, en passant par la révolution Matrix, les actioners bling bling Fast and furious, l’action débridée des Mission Impossible, l’action immersive des Jason Bourne et l’avènement des comics movies. Sur le petit écran ce fut la série 24 qui, dans les années 2000, redéfinit les codes de la narration visuelle et influença pour beaucoup les spectacles de son époque. La franchise Die Hard, elle, resta longtemps au point mort, malgré le carton de Die Hard 3. Sorti en 1995, la même année que Goldeneye, Die Hard with a vengeance fut un énorme succès et aurait donc dû conduire rapidement à un énième Die Hard. C’était toutefois sans compter sur la lassitude progressive de sa star Bruce Willis pour le genre. Délaissant le genre qui l’a ainsi consacré, Bruce Willis préféra diversifier ses projets (L’Armée des douze singes, Sixième Sens, Incassable, Mon voisin le tueur) pour se racheter une certaine crédibilité d’acteur, avant de progressivement revenir au cinéma d’action via des projets plus modestes, mais pas moins méritants (Slevin, Otage). Ce n’est pourtant pas comme s’il n’avait pas été question pour lui de rempiler sur un potentiel Die Hard 4 durant tout ce temps. A la fin des années 90, les rumeurs allaient ainsi bon train sur la prétendue mise en chantier d’un Die Hard 4 censé carrément tuer McClane. Il fut d’ailleurs un temps question d’envoyer McClane et des soldats américains dans la jungle amazonienne pour y affronter les cartels. Mais le postulat fut finalement jugé trop proche du film Les larmes du soleil d’Antoine Fuqua qui se déroulait au Nigéria (avec Bruce Willis) et les producteurs renoncèrent à l’adapter pour Die Hard 4.

Parallèlement à ça, la saga Die Hard bénéficia d’un regain de popularité à la fin des années 90. On parla beaucoup d’une suite et même d’une déclinaison télévisée, et la franchise fut même adaptée en jeux vidéos (Die Hard Trilogy 1 et 2, Die Hard Vendetta) sur consoles et PC. Ce fut finalement le scénario WW3 de David Marconi, rédigé à la fin des années 90, qui mit tout le monde d’accord et lança définitivement le projet Die Hard 4. Inspiré d’un article de John Carlin, le script de Marconi, plus tard réécrit par Doug Richardson (scénariste historique de la franchise Die Hard) extrapolait les dangers d’une cyber-attaque terroriste sur le sol américain en mettant en exergue les points faibles des réseaux informatiques globaux et en brodant sur le concept de liquidation (qui sera au centre de la série Mr Robot quelques années plus tard). Une nouvelle conception du terrorisme émergeait alors et donnait ainsi du grain à moudre pour un quatrième Die Hard. Dans une Amérique post-11 septembre technologiquement en pleine mutation, les terroristes utilisaient d’autres moyens de pression et de terreur, le cyberterrorisme devenait le filon scénaristique à exploiter. L’idéal pour prétexter le retour de John McClane et le confronter à une époque qu’il ne reconnaissait plus. Séduit par cette perspective, Bruce Willis songea un temps confier la réalisation de ce quatrième opus au français Florent Emilio Siri, réalisateur de l’excellent Nid de guêpes, avec lequel la star s’était plutôt bien entendu sur le tournage d’Otage. Mais la Fox avait plutôt dans le viseur le jeune Len Wiseman, un ancien spécialiste des effets spéciaux devenu réalisateur, et s’étant fait remarquer par le succès de son diptyque d’actioners fantastiques Underworld. Willis confia plus tard que le visionnage d’Underworld 2 avait fini de le convaincre : Wiseman hériterait de la réalisation de Die Hard 4.

Produit en pleine période de refontes des franchises (Batman Begins, Casino Royale) et du retour de certaines icônes du cinéma des 80’s (Terminator 3, Indiana Jones 4, John Rambo), Die Hard 4.0 (Live Free or Die Hard en VO) sortit finalement en 2007 et obtint un certain succès mais ne convainquit pas vraiment les premiers fans de Die Hard. En cause, une identité visuelle trop éloignée de celle des premiers films, un McClane déconnecté de ses précédents référents, et un score trop fonctionnel qui peine à renouer avec l’identité musicale instaurée par Michael Kamen dans les trois premiers films (Marco Beltrami est en cela le champion des mercenaires musicaux d’Hollywood et n’a jamais vraiment brillé pour sa musique). On peut néanmoins saluer la volonté de Len Wiseman de s’éloigner stylistiquement des premier opus pour imposer un film plus moderne tant dans son approche formelle (le style de Wiseman ressemble par moment beaucoup à celui d’un J.J. Abrams) que narrative. Le personnage de McClane se voyait ainsi “mis à jour” par un relookage complet (crâne rasé calvitie oblige, et fringues plus stylées) et dans l’évolution de ses préoccupations familiales : de la même façon qu’il s’était attiré les foudres de son épouse Holly (ici totalement dégagée du script), McClane est en froid avec sa fille et se révèle être un daron invasif et surprotecteur. Les premières minutes du film ont ainsi vite fait de nous exposer le contexte familial du personnage et de le mettre en présence d’un nouveau sidekick : un jeune hacker cynique et arrogant que McClane doit protéger de plusieurs tentatives d’assassinat. Le propos est ici aussi limpide que dans Indiana Jones 4, sorti un an plus tard : convoquer une icône du cinéma d’action des années 80-90 et le confronter à une jeune génération qu’il ne comprend pas afin de préparer une sorte de passage de relais générationnel (un propos plus évident encore dans Die Hard 5 avec le fils de McClane).

Comme le dira plus tard à McClane le méchant joué par l’excellent Timothy Olyphant : “Vous êtes une montre à remontoir à l’ère du numérique“. De la même manière que John McClane ne comprenait pas tout de suite les motivations de ses ennemis dans Die Hard 3, il ne comprend pas tout de suite ici tous les enjeux et les raisons de ces tentatives d’assassinat sur un petit hacker. Le scénario n’a alors plus qu’à dérouler une mécanique bien huilée piochant pour beaucoup dans celle des trois précédents Die Hard, tout en en modernisant les enjeux (ici ouverts à toute l’Amérique) et en détournant parfois malicieusement les clichés : l’exposition du film a tôt fait de jeter McClane dans le bain, le méchant est un cyber-terroriste de génie avec qui va s’intaller là encore un dialogue (et un bras de fer) à distance, le bras droit de ce dernier se révèle être une femme particulièrement redoutable (un clin d’oeil à Katya dans Die Hard 3), le FBI bénéficie d’une image plus flatteuse que dans les précédents films (discours post-11 septembre plus rassurant oblige) mais s’y révèle tout aussi dépassé, le méchant prend finalement en otage la fille de McClane (grosse paresse de scénariste) comme l’avait été Holly dans Piège de cristal, et la confrontation finale dans le hangar prend le contre-pied des climax spectaculaires des précédents opus en resserrant la résolution sur une simple balle tirée à travers l’épaule.

Audacieux sans pour autant créer de véritable surprise, Die Hard 4 se regarde aujourd’hui comme un film de son temps, particulièrement influencé par les enjeux de son époque et les canons visuels et scénaristiques en vigueur. On a ainsi pas trop de mal à distinguer l’influence du show à succès de l’époque, 24, sur l’écriture de l’intrigue (un peu comme c’était le cas dans Mission Impossible 3) tant son héros est aussi increvable et son bad guy et les moyens qu’il utilise sont semblables à celui de la saison 3 de la série avec Kiefer Sutherland. S’appuyant sur une très belle photographie, Len Wiseman soigne sa réalisation et nous réserve quelques séquences impressionnantes, s’appuyant pour beaucoup sur un montage rythmé (sans pour autant être illisible comme chez Bay). Pour autant, Die Hard 4 souffre d’un gros ventre mou à mi-métrage et déroule une intrigue finalement peu accrocheuse. On y trouve peu de séquences mémorables en comparaison des précédents opus et la réalisation de Wiseman verse trop souvent dans un spectaculaire excessif qui ne cherche pas la crédibilité. Il suffit de voir McClane dézinguer un hélicoptère en lui balançant une voiture, juste pour le plaisir du dialogue qui s’ensuit (“Vous avez flinguer un hélico avec une voiture !” “J’avais plus de balles“), ou de le voir échapper à la destruction apocalyptique d’un échangeur autoroutier par un Harrier, pour se dire que Wiseman en faisait beaucoup trop dans le registre de l’action décomplexée et ne partageait visiblement pas du tout le souci de réalisme et d’immersion voulu par McTiernan dans Die Hard 3. L’action dans Die Hard 4 ressemble finalement plus à du James Bond période Pierce Brosnan qu’à celle des premiers films Die Hard.

Bourré de facilités et d’incohérences (l’hélico survolant tranquillou l’espace aérien de Washington, les voitures qui volent un peu trop facilement dans la scène du tunnel), ce quatrième film est donc loin d’être irréprochable mais il nous offre tout de même le plaisir de retrouver un McClane vieillissant dans une intrigue à sa mesure. Les puristes comme moi le considèreront néanmoins comme nettement inférieur aux trois premiers opus (surtout à ceux de McTiernan) et rechigneront quelque peu à le ranger sur la même étagère. Bénéficiant d’une réalisation soignée et d’un bon casting, ce Die Hard 4.0 reste toutefois plus réussi que le cinquième opus sorti cinq ans plus tard, et dans lequel Willis ne semblait même plus chercher à jouer John McClane.

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