Le semi-échec de Star Trek Nemesis en 2002 aura sonné le glas de la période du surgelé Picard et mis un sérieux coup de frein à la saga Star Trek sur grand écran. Il fallut attendre quelques années pour que le chouchou des studios J.J. Abrams ne se penche enfin sur la franchise et lui donne une seconde jeunesse. Sorti en 2009, le reboot Star Trek renouait adroitement avec la mythologie d’origine tout en gommant ses nombreux défauts (mise en scène statique, univers futuriste cheap, tunnels de dialogues interminables). Ouvertement kitsch dans certains de ses visuels, bourré de scories de mise en scène (trop de mouvements de caméras inutiles et un montage parfois illisible) et plombé par un méchant falot (le pourtant très bon Eric Bana), ce premier opus se montra néanmoins plus épique et spectaculaire que ses prédécesseurs et donc suffisamment dans l’air du temps pour séduire tout autant les trekkies qu’un public nouveau.

Le succès du film appela donc une première suite produite quatre ans plus tard, le fameux Star Trek Into Darkness. Répondant aux attentes des plus vieux fans tout en s’alignant sur les blockbusters de son époque, Into Darkness fut en fait pensé tout autant comme une suite que comme une refonte subtile de La Colère de Khan, le film le plus apprécié des trekkies. Son intrigue tournait donc essentiellement sur la mise en présence d’un “méchant” puissance 2bad, censé cligner de l’oeil aux fans tout en posant un sacré défi à l’équipage de héros. L’anglais Benedict Cumberbatch prêtait pour l’occasion tout son talent et son charisme à cette refonte de Khan Noonien Singh, un antagoniste plus inquiétant et brutal que ne l’avait été son modèle perruqué de Star Trek 2 : La Colère de Khan, et qui répondait ici essentiellement au trauma du 11 septembre. Khan est le destructeur, celui qui, comme le Joker de Nolan cinq ans plus tôt, apporte le chaos dans une Amérique triomphante. Il est aussi la résurgence d’une idéologie fasciste prônant la supériorité de sa race et renvoyant bien entendu au triste souvenir du nazisme. Dans cet opus, les origines du bad guy sont quelque peu semblables à celles imaginées il y a cinquante ans par Roddenbury (Khan apparaissait dans un épisode de 1967), à ceci près que cette nouvelle incarnation n’a jamais affronté Kirk et le rencontre ici pour la toute première fois. Qui plus est, l’antagonisme Kirk/Khan au centre du film de Meyer passe ici clairement au second plan au profit du développement de l’amitié de Kirk et Spock. Malin jusqu’à paraitre audacieux quand il ne prend en réalité que peu de risques, Abrams ira jusqu’à inverser dans son climax tout le dernier acte de La Colère de Khan : le sacrifié n’est plus Spock mais Kirk, et Khan se voit finalement défait par Spock qui gagne en humanité en voulant venger son ami. Une idée intéressante qui permet au réalisateur de cligner de l’oeil aux connaisseurs du film original tout en bouclant la trajectoire émotionnelle du célèbre vulcain.

Le spectacle est bien sûr servi par des effets spéciaux de qualité et une réalisation au diapason, Abrams ayant même su corriger ses nombreux tics de mise en scène sur le précédent opus en rendant une copie formellement plus maitrisée. Ce second opus n’est pourtant pas dénué de défauts, son scénario emprunte parfois quelques raccourcis faciles et pâtit d’une embarrassante baisse de rythme à mi-métrage, le côté kitsch des costumes et des décors de Starfleet (et leur trop plein de couleurs) desservent un peu la crédibilité de ce futur et le jeu de Cumberbatch, tout excellent acteur puisse-t-il être, parait parfois un peu trop théâtral. De manière plus anecdotique, il est amusant de constater que J.J. Abrams donnera finalement très peu de place aux klingons dans ses deux films, alors que paradoxalement ces derniers sont souvent évoqués comme une menace latente dans leur intrigue. Il faut dire que, des années 60 au début des années 90, les Klingons représentaient la menace du bloc soviétique au sein d’une saga essentiellement diffusée tout au long de la Guerre froide. Les dangers du second millénaire sont plus vicelards et taisent leur nom, ils restent anciens mais sont pourtant moins faciles à identifier… Et quelque part, le personnage de Harrison/Khan les incarne à merveille.

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