Fin des années 70, les cartons planétaires de Star WarsRencontres du 3ème type et Alien imposèrent le genre de la science-fiction comme le plus rentable sur les écrans. En 1978, le créateur de Star Trek Gene Roddenberry s’associait aux studios Paramount pour adapter sur grand écran la série-phare des années 60 et 70. L’idée était alors bien sûr de profiter du carton du premier Star Wars pour remettre sur le devant de la scène les aventures de Kirk, Spock, Sulu and co. Mais confié au vieux briscard Robert Wise, ce premier opus cinématographique souffrait d’un scénario à rallonge bourré de problèmes de rythme et donnait surtout l’impression de ne s’adresser qu’aux inconditionnels de la série, et non aux fans de SF qui viendraient à découvrir cet univers. A côté de l’innovation du premier Star WarsStar Trek le film paraissait d’ailleurs étrangement suranné et charriait tous les défauts stylistiques des productions cheap de l’époque.

Ce fut d’ailleurs pendant longtemps le principal problème de la saga Star Trek, que ce soit sur grand ou petit écran : sa propension à présenter un univers futuriste à l’esthétique ouvertement kitsch, incapable de s’adapter aux avancées stylistiques de leur époque. Ainsi d’une bonne partie de la saga cinématographique Star Trek qui, de ce premier opus jusqu’à Generations (l’ère Picard), pâtissait systématiquement d’une direction artistique maladroite et de visuels cheap, incapable de soutenir la comparaison avec les productions de leur temps. Il suffit de comparer les visions futuristes, pourtant toutes très différentes (et incomparables diront certains), des premiers Star WarsAlienTerminator, pour constater que celles consacrées à Star Trek avaient toujours un temps de retard sur les autres en terme d’approche visuelle et stylistique, et ce jusqu’au début des années 90.

Produit sans la participation de son créateur (congédié par la Paramount à cause des dépassements de budget du premier film), ce second opus, Star Trek II : La Colère de Kahn, ne fit hélas rien pour inverser la tendance au kitsch de la franchise. Alors que sortait la même année des chef-d’oeuvres tels que Blade RunnerE.T. et The Thing, et que Le Retour du Jedi devait déferler sur les écrans l’année suivante, Star Trek 2 se posait alors comme un objet anachronique, figé dans une espèce de conceptualisation très 70’s du genre. Pour autant, ce second chapitre des aventures de l’Enterprise reste étonnamment connu pour être l’opus le plus apprécié et le plus célébré par la communauté de fans Star Trek. Il a d’ailleurs rapidement conquis ses galons d’oeuvre culte, jusqu’à se voir plusieurs fois parodié (Les Simpson) puis “rebooté” par J.J. Abrams trente ans plus tard.

Cette réputation reste cependant assez curieuse quand on visionne aujourd’hui le film de Nicholas Meyer. Dès son introduction, Star Trek 2 charrie déjà tous les défauts du premier opus, une mise en place molle, de longues retrouvailles avec les personnages (et les tunnels de dialogue qui vont avec) et des visuels qui supportent aujourd’hui mal le poids des années. Voir Kirstie Alley arborer ses deux petites oreilles pointues a de quoi faire sourire, tandis qu’il est assez amusant d’assister une nouvelle fois au jeu outré de William Shatner qui nous la joue amiral vieillissant vivant très mal sa retraite. Leonard Nimoy nous offre son sempiternel numéro de Vulcain, Sulu est inexistant et McCoy nous offre quelques bonnes répliques cinglantes. Le capital sympathie des acteurs principaux suffit pourtant à emporter l’adhésion et on espère seulement que l’intrigue de ce second film décollera plus vite que celle du précédent.

Et effectivement, ce second opus perd moins de temps à présenter les enjeux de son intrigue et ce, dès l’entrée en scène du méchant, le fameux Kahn, déjà présent dans un épisode de 1967 de la série originale auquel l’intrigue de ce second film fait d’ailleurs suite. Transfuge des Mystères de l’ouest et futur Mr Roach de L’Ile fantastique, Ricardo Montalban endossait ici à nouveau la défroque ridiculement kitsch de Khan et cabotinait à merveille dans son rôle de némésis vengeresse au poitrail dénudé. Pour autant, même s’il est difficile de croire qu’il s’agit d’un des antagonistes les plus cultes de la saga, l’acteur réussit à faire le show à chacune de ses apparitions : le cul vissé sur son siège durant une bonne partie du métrage, il ne se prive jamais d’en faire des tonnes pour surligner la haine qui habite son personnage.

Côté scénario, le film n’apporte rien de très étonnant, si ce n’est cette séquence du sacrifice final que J.J. Abrams inversera d’ailleurs avec beaucoup de malice dans son semi-reboot Star Trek Into darkness, ce dans le but d’explorer un peu plus la part d’humanité de Spock. On notera aussi le MacGuffin du projet Genesis, censé créer la vie dans des environnements spatiaux stériles et qui se retrouvera à nouveau au centre des enjeux dans Star Trek III : A la recherche de Spock. A part une poignée d’idées sympathiques (la station scientifique écolo, les parasites de l’esprit, la poursuite entre les deux vaisseaux) et le duel par écrans interposés que se livrent Kirk et Khan, le film avance hélas à une allure neurasthénique et privilégie trop les dialogues. On est ici aux antipodes de la SF épique et spectaculaire voulue par l’innovation Star Wars et on se rapproche plus du concept de “dramatique radio” (ou théâtre radiophonique) de la série originale, à savoir qu’on n’a pas besoin des images pour suivre l’intrigue. L’essentiel des séquences de Star Trek 2 se déroulent d’ailleurs en intérieurs et ne passent que d’une salle de commandement à une autre, en aérant l’ensemble de visions spatiales plutôt soignées. Il n’y aura que deux scènes en extérieurs durant tout le film, la première se révélant par ailleurs quelque peu ratée : avançant en combinaison sur une planète désertique censée être balayée par des tempêtes, les deux acteurs à l’écran ne font même pas l’effort de simuler la difficulté de résister aux grands vents et marchent comme si de rien n’était dans leur décor de studio. Une séquence qui résume à elle-seule tout le paradoxe du film de Meyer, et par extension de toute cette première période de la saga cinématographique Star Trek : de la SF aux velléités grandioses, pourtant très peu convaincante dès lors que les personnages sortent de leurs vaisseaux.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *