Le texte qui suit comporte quelques spoilers sur la série Breaking Bad.

A l’image des premières réceptions critiques de la série Better Call Saul, l’annonce d’un film dérivé de la série Breaking Bad avait de quoi laisser perplexe. La démarche de Vince Gilligan était alors la suivante : offrir aux fans l’occasion de retrouver l’univers de leur série favorite tout en bouclant la trajectoire de Jesse Pinkman. Car celle-ci avait été laissée en suspens lors des événements concluant la série. Après avoir été libéré de ses ravisseurs par Walter White, Jesse s’enfuyait au volant d’une Camino tandis que Walt succombait à ses blessures, peu avant l’arrivée de la police. Principalement dédiée à la trajectoire de son anti-héros, la série se clôturait ainsi de la façon la plus logique, sans nous en dire plus sur l’avenir de Jesse.

Diffusé depuis fin 2019 sur la plate-forme Netflix, le film El Camino se propose de nous montrer ce qui est advenu de Jesse Pinkman après sa libération. On y retrouve plusieurs personnages de la série (Badger, Skinny Pete, le vieux Louis) qui aideront (ou non) Jesse à échapper aux autorités. L’intrigue imaginée par Gilligan n’a en soit rien d’exceptionnelle et tourne autour de la nécessité pour son protagoniste de trouver suffisamment d’argent pour financer sa fuite et refaire sa vie. L’intérêt réside surtout dans la portraiture psychologique de Jesse qui, de victime à la volonté brisée (voir la scène où il renonce à faire feu sur Todd), prend ensuite assez d’assurance pour en remontrer aux criminels et se venger. Une manière pour lui d’appliquer la principale leçon de son professeur, et de se révolter à son tour, mais sans perdre de cette humanité qui fait toute la différence avec la trajectoire de Walter White.

Plusieurs années après la fin de la série, c’est un plaisir de retrouver Aaron Paul dans son rôle le plus emblématique. Traversé de nombreux flash-backs, El Camino fait aussi revivre certaines des figures les plus marquantes de la série par le biais des souvenirs de Jesse. Des scènes inédites et particulièrement poignantes, dont les fantômes guident le personnage vers la nouvelle vie qu’il peut encore se construire. Outre les apparitions de Jonathan Banks, Jesse Plemons et Kristen Rytter, c’est surtout celle de Bryan Cranston que l’on attend. Le temps d’une séquence douce-amère, Walter White nous revient aux côtés de Jesse, et si les deux personnages en profitent encore pour s’engueuler, le ton retombe très vite pour laisser transparaître la bienveillance du professeur envers son ancien élève. Une scène aussi simple qu’éloquente et qui suffit à résumer à elle-seule l’histoire au centre de la série.

D’un point de vue plus formel, Vince Gilligan revient à son univers avec le savoir-faire d’un cinéaste affirmé et apporte une réelle singularité à sa mise en scène. Il use ainsi de plusieurs techniques de cadrages et s’applique à composer des séquences riches en tension (la fouille de l’appart, le duel), en émotion (les flash-backs) et en humour… noir (la chanson de Todd). Mention spéciale à la scène où Jesse tente de convaincre le vendeur d’aspirateur. A la fois drôle et tendue, elle nous permet de retrouver le charisme tranquille du regretté Robert Forster, décédé la même semaine que la sortie du film. Pour le reste, la beauté de certains décors naturels et le soin particulier donné à la photographie apporte beaucoup aux qualités esthétiques d’un film qui se regarde comme on savoure un long moment de nostalgie. El Camino, c’est tout simplement la plus belle conclusion au phénomène Breaking Bad.

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