Vous vous souvenez de Suicide Squad, le navet surfriqué de David Ayer et ses promesses non tenues : un Deadshot gentil, sa méchante moisie, une foule de clichés ambulants, et le plus mauvais Joker du cinéma ? Imaginez un peu la fierté artistique de la Warner qui, malgré le succès du film, aura tout fait pour faire oublier ce terrible faux pas. Au point d’arracher James Gunn à la concurrence pour qu’il en réalise le plus vite possible un reboot censé relancer la franchise du bon pied. Et que dire de la production du Joker de Todd Philips, censé entre autres, faire oublier pour de bon la piètre performance de Leto…
Le seul bon point de cet “escadron suicide” fut, pour beaucoup, la révélation Margot Robbie, première actrice à incarner la démente Harley Quinn à l’écran. Au vu du capital sympathie de la comédienne, impossible pour les producteurs de nier la rentabilité potentielle du personnage et d’en exploiter pleinement l’exubérance dans un spin-off lui étant dédié. Mais comment crédibiliser l’harlequine tout en virant l’imposteur Leto ? En prétextant leur rupture bien sûr et en faisant de la jeune psychopathe un authentique symbole (pseudo)féministe, doublé d’un modèle ô combien peu recommandable pour toutes les adolescentes chagrinées par leurs ex.

En découle ce spectacle joyeusement violent et décérébré, aussi con qu’une balle dévalant un escalier. Le script est bien évidemment manichéen au possible (les hommes, tous pourris), bourré de facilités et de clichés les plus éculés, mais reste toujours plus inventif que celui de Suicide Squad (totalement merdique celui-là). Parcouru de quelques idées originales de mise en scène et porté par une direction artistique de qualité, Birds of Prey parvient même parfois à faire sourire le spectateur de mauvaise foi, réveillant en lui un étrange sursaut d’indulgence cinématographique pour les navets les plus foutraques et bariolés. La preuve en est, on en viendra même à apprécier de voir tous ces grands cons sur-tatoués se faire défoncer la gueule et les couilles par une équipe de filles aussi sympathiques que mal-embouchées.

Le (vrai) fan de Batman sera, quant à lui, heureux de retrouver quelques allusions à l’univers, ici étonnamment diurne, de Gotham. D’autant que la meilleure idée du film est d’avoir limité au possible les allusions au Joker pourrave de Leto, que les auteurs ont d’ailleurs essayé de faire oublier en en zappant l’allure bling-bling dans ses quelques représentations illustrées (le Prince du crime dessiné par Harley ressemble ici plus au Joker “classique” des comics). En guise de méchant misogyne (ô le joli pléonasme), Ewan McGregor cabotine à l’excès, s’amusant visiblement comme un petit fou dans le rôle d’un vilain maniéré, véritable Capone d’opérette, dont on aimerait malgré tout voir plus souvent le masque noir à l’écran (à quand un Roman Sionis dans un film Batman ?). L’humour, souvent noir, parcourt le film d’un bout à l’autre, donnant à la trajectoire de son illustre anti-héroïne des allures de parodie décomplexée, censée surtout contenter les bouffeurs de pop-corn les plus boutonneux. On reste dans le domaine de l’absurde et de la bêtise assumée, mais avec un zeste de dérision qui suffit à placer Birds of Prey un cran au-dessus des débilités du genre.
C’est quand même beau ce que peut offrir le 7ème art.

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