Une nuit, Cecilia Kass drogue son compagnon, le scientifique Adrian Griffin, et profite ensuite de son sommeil pour fuir leur domicile, une luxueuse maison au bord de l’océan. Après avoir subi des années l’emprise de ce jeune millionnaire, tyrannique et violent, elle trouve refuge chez un ami policier et vit chaque jour dans la peur du retour de son ancien compagnon. Informée plus tard du suicide de ce dernier, Cécilia découvre qu’il lui a légué une véritable fortune. Mais des événements étranges bouleversent bientôt le quotidien de la jeune femme et lui font redouter l’impensable. Spécialisé dans le développement des technologies optiques, Adrian aurait ainsi pu s’arranger pour simuler sa propre mort et utiliser ses recherches pour se rendre invisible. Dès lors, persuadée que son ex-compagnon la harcèle et souhaite la rendre folle, Cecilia va devoir convaincre son entourage de la croire.

Pour son troisième long-métrage en tant que réalisateur, Leigh Whannell (SawInsidious) a choisi de revisiter le thème de l’homme invisible en développant une intrigue classique de femme fuyant un compagnon pervers narcissique. Cela rappelle bien sûr le film Les Nuits avec mon ennemi, le prétexte SF en plus.
Le réalisateur nous plonge dès les premières images du film dans le cauchemar vécu par son héroïne, obligée de fuir en pleine nuit la maison conjugale à l’insu de son époux endormi. L’architecture glaciale de leur maison au bord de l’océan et la tension qui se dégage de cette introduction annonce ainsi remarquablement ce qui va suivre en nous faisant ressentir la terreur profonde de son héroïne. Malin, le réalisateur prendra soin dans son introduction de ne jamais montrer le visage du terrible compagnon, histoire d’en renforcer l’aura menaçante ensuite. Sur le postulat archi-rebattue de l’antagonisme passionnel, Whannell va appliquer une mécanique anxiogène initiée par la mort supposée du terrible compagnon. Mais persuadée que ce dernier n’est pas mort, l’héroïne va voir en certains événements étranges la manifestation du psychopathe, rendu invisible par sa propre technologie, et déterminé à la rendre folle.

L’occasion pour Whannel de jouer pleinement de ses effets de style pour nous interroger un temps sur la santé mentale de sa protagoniste. Il applique ainsi la définition même du fantastique en hésitant à expliquer la véritable nature des peurs de son héroïne (folie ou psychopathe invisible ?) et joue longtemps de cette incertitude pour suggérer par sa seule mise en scène la présence possible d’un personnage indétectable. Il faut d’ailleurs voir comme il use de mouvements de caméra amples et inquisiteurs afin d’explorer la topographie de ses décors et interroger de son objectif les recoins du cadre. Comme pour nous confirmer, à l’insu de l’héroïne, la présence d’une menace qu’il nous est alors impossible de voir derrière elle, ou à l’autre bout du couloir.

Bien sûr, le suspense ne tiendra qu’un temps et les premières manifestations du maniaque, aussi brutales qu’imprévisibles (cette gifle…), feront l’effet de véritables électro-chocs. L’intrigue plongera ensuite dans une mécanique de thriller SF plus conventionnelle dont les passages obligés (un séjour à l’asile pour l’héroïne et une scène d’évasion rendant hommage à Terminator 2) révéleront quelques ficelles usées et des raccourcis bien pratiques pour justifier le cheminement de son héroïne (voir la vitesse où elle est libérée par les autorités alors qu’elle est quand même suspectée d’homicide).

De menus défauts qui ne nuisent en rien à l’appréciation d’un métrage sous haute tension, et dont une des grandes qualités reste le jeu intense de sa comédienne principale. Habituée aux rôles ambigus et torturés, Elisabeth Moss réussit ici à merveille à exprimer toute la détresse anxiogène de son personnage et porte l’essentiel du film jusqu’à cette dernière séquence aussi glaçante que surprenante. Un des nombreux morceaux de bravoure d’un film plus malin qu’il n’y parait. Après son génial Upgrade, Leigh Whannell confirme à nouveau ses qualités de réalisateur et livre une des plus remarquables variations cinématographiques sur le thème de l’homme invisible.

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