Will et sa petite amie Kira se rendent chez Eden, l’ex-épouse de Will, qui les a invité à dîner. Le jeune couple y rencontre David, le nouveau mari d’Eden, et retrouve plusieurs amis perdus de vue depuis qu’Eden et lui ont dû faire face à la mort accidentelle de leur jeune fils. Une épreuve qui aura eu raison de leur couple et qui poussa Eden à chercher le secours d’un groupe de soutien où elle y a rencontré David. Tandis que la soirée bat son plein, Will reste quelque peu à l’écart des convives et erre dans son ancienne maison. Les souvenirs douloureux de sa vie avec Eden et de son fils refont surface. Au cours de la soirée, il remarque l’attitude étrange de David et d’un ami de celui-ci. Plus tard, ceux-ci dévoilent aux invités une vidéo montrant ce qui ressemble à un chef spirituel rassurer une femme à l’article de la mort. Le malaise s’installe alors parmi les invités qui se demandent tous alors si David et Eden ne font pas partie d’une secte. Will lui, commence à soupçonner David de préparer quelque-chose.

Sorti en 2015 en catimini après avoir fait la tournée des festivals, The Invitation est le troisième long-métrage réalisé par Karyn Kusama (Aeon FluxJennifer’s body) et reste de loin à ce jour, son meilleur film. Il s’agit d’un huis-clos intimiste construit autour du point de vue torturé de son protagoniste, Will (Logan Marshall-Green), un jeune trentenaire essayant de se reconstruire après la perte de son enfant. Malin en diable, le scénario isole psychologiquement le protagoniste dès les premières minutes de métrage, en le déconnectant des autres personnages. On y apprend par bribes de dialogues et de flash-backs le passé douloureux qu’il partage avec Eden (Tammy Blanchard) et l’épreuve qu’ils ont dû traverser. A côté de ça, le scénario distille assez d’indices pour initier une mécanique de l’enfermement, tout aussi efficace que subtile, et qui va de pair avec l’isolement de son héros. Dès lors, l’atmosphère du film ne cessera jamais de se dégrader à mesure que grandiront les soupçons du héros envers des hôtes trop attentifs pour être vraiment honnêtes. Tout le suspense du film se trouve alors dans le fait de questionner le spectateur, non seulement sur le point de vue de Will, mais aussi sur l’attitude de ceux qu’il soupçonne.

A cela vient s’ajouter une thématique tout aussi pesante qu’elle traverse tout le métrage : celle de la souffrance morale et du deuil impossible. Dès les premières minutes du film, Will est obligé d’achever un coyote qu’il a percuté par mégarde sur la route. Une séquence difficile, annonciatrice de ce qui va suivre. Il s’agira alors d’ignorer la violence de l’acte pour y entrevoir une certaine compassion. Plus tard, on observera avec autant de malaise que les invités du film cette vidéo où un médecin, de toute évidence un chef de secte, prône la nécessité de soulager la souffrance dans la mort, sans que l’on sache pour autant s’il s’agit d’une mise à mort ou d’un accompagnement. Le malaise qui s’installe par la suite se voit décuplé par la fragilité apparente d’un protagoniste en souffrance qui ne cesse de se réfugier dans le souvenir d’un bonheur perdu. Et qui semble reprocher à son ex-épouse la distance qu’elle semble mettre, en apparence, avec leur passé.
Très loin de se permettre de juger ses personnages, Karyn Kusama tiendra surtout à souligner leur difficulté à surmonter le deuil, et les différents moyens qu’ils trouvent chacun pour y arriver.

Aussi bouleversant qu’intrigant, The Invitation est de ces rares films dont on ne ressort pas indemne. Son suspense alimente une atmosphère à la tension palpable, qui ne cesse de monter crescendo jusqu’à sa résolution intense et dérangeante. Magnifié par la mise en scène subtile et classieuse de sa réalisatrice, ce surprenant huis-clos psychologique bénéficie en outre d’une distribution irréprochable. Mention spéciale au formidable travail de Logan-Marshall Green, qui trouve à nouveau ici un premier rôle à la hauteur de son talent. L’acteur arrive à insuffler à son personnage tout ce qu’il faut de fragilité et d’intensité pour capter l’empathie du spectateur et le toucher droit au coeur. Une formidable démonstration de talents pour une oeuvre aussi sombre qu’un joyau noir, brillant d’une réussite éclatante.

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