Concluant avec maestria la trilogie originelle Star WarsLe Retour du Jedi n’a jamais vraiment été aussi estimé que les deux premiers opus auxquels il fait suite. La faute à ces foutus Ewoks, sortes de boules de poils amusantes, dont la seule présence dans le film, contredit la noirceur et la maturité du chef d’oeuvre de Kershner. Toujours prompt à rentabiliser son univers, Lucas avait bien entendu prévu de vendre un paquet de peluches à l’effigie de Wicket et ses amis vu le carton annoncé du film. Et si beaucoup critiquèrent ses Ewoks uniquement destinés aux gosses, lui rétorquait avec calme à ses détracteurs qu’au départ il avait créé Star Wars à destination des enfants (pas démonté par les critiques, le sieur Lucas rentabilisera ses bestioles via deux films leur étant dédiés). Et bam les critiques !

Mais si Le Retour du Jedi déçoit toujours un peu le fan que je suis, c’est moins pour la clique à Wicket que pour la baisse de régime qui frappe le film à mi-métrage. Là où Un Nouvel espoir et L’Empire contre-attaque bénéficiaient d’une écriture au cordeau, sans réelle baisse de rythme, Le Retour du Jedi pêche par son script quelque peu inégal. Désormais seul à l’écriture du scénario (alors qu’il se contentait de retravailler le script de l’écrivaine Leigh Brackett et de George Lucas pour L’Empire contre-attaque), Lawrence Kasdan contente surtout ici les velléités commerciales de son employeur (en injectant pas mal de nouveaux personnages pour ses futures figurines) tout en répondant aux attentes des premiers fans. Ainsi Le Retour du Jedi devait apporter la résolution de pas moins de quatre axes narratifs : le sauvetage de Solo, l’accomplissement de Luke en tant que Jedi, sa confrontation finale avec son père et la fin de l’Empire. Ça devait être aussi le film du changement, les héros nous y apparaissent sous un nouveau jour et révèlent tous une certaine vulnérabilité sentimentale : Luke tente de sauver son père, Leïa devient une femme amoureuse, Solo un homme amoureux, et Vador se sacrifie pour son fils.

Le film démarre de manière grandiose, par la mission de secours de Luke et ses amis sur Tatooine pour délivrer Han Solo des geôles de l’infâme contrebandier Jabba le Hutt. Ce dernier apparaissait donc pour la première fois à l’écran en 1983 (il sera ajouté en 1996, tout en CGI dégueu, dans l’édition spéciale de l’épisode 4). Sorte d’énorme glouton alien aux allures de limace obèse, le chef criminel vit entouré d’une cours alien hétéroclite où l’on reconnaîtra quelques figures familières, interrogeant ainsi les spectateurs sur les événements qui se sont passés entre les opus 5 et 6 (voir le jeu et le roman Les Ombres de l’Empire). Face à eux, on nous représente des héros quelque peu métamorphosés, Luke notamment apparaissant ici comme un apprenti Jedi (relooké pour l’occasion), plus charismatique, et maîtrisant des pouvoirs dont il était dépourvu dans le précédent film. Sa première apparition en toge sombre, quelque peu inquiétante, sert d’ailleurs à établir un parallèle entre lui et ce qu’est devenu son père. Pour le reste les deux gros morceaux de bravoure que sont le combat avec le Rankor et la bataille au-dessus du puits du Sarlacc, contribuent à ériger cette introduction comme l’une des meilleures de toute la saga, tout aussi épique et spectaculaire que celle de L’Empire contre-attaque.

Pourtant il suffira que les héros quittent victorieux les sables de Tatooine pour que Le Retour du Jedi pâtisse d’une baisse de rythme conséquente, à peine rehaussée par une course-poursuite forestière en landspeeder, des retrouvailles avec un Yoda fatigué et l’apparition du grand salaud en chef. Heureusement, le dernier acte du film rattrape amplement l’ennui de la mi-métrage. Divisé en trois actions parallèles (le final monté en parallèle restant une constante dans la saga), cet acte final suit tout autant la bataille décisive d’Endor que celle en orbite de l’Etoile noire et nous révèle surtout la confrontation finale entre Luke et Vador sous les yeux d’un Palpatine rigolard aux airs de vieux sorcier. La rédemption finale d’Anakin, totalement inattendue à l’époque, conclura ainsi une trajectoire que Lucas initiera seize ans plus tard et justifiera aussi le titre du film (Le Retour du Jedi évoquant tout autant Luke que son père).

Un mot sur le travail du réalisateur Richard Marquand et sur la réputation de yes man qu’il s’est toujours injustement coltiné depuis ce film. Disparu hélas trop tôt, Marquand s’était déjà fait remarquer par son très inquiétant L’Arme à l’oeil, thriller d’espionnage particulièrement tendu, qui prenait pour protagoniste un assassin nazi (incarné par le très ambigu Donald Sutherland). Engagé pour prendre le relais de Kershner (démissionnaire du poste et jugé pas assez docile par l’ami George) alors que Lucas s’enlisait dans un conflit avec le syndicat des réalisateurs (avant Marquand, Lucas aurait d’ailleurs proposé à Spielberg la réalisation de ce troisième opus), ce jeune cinéaste déclara plus tard ne pas avoir eu beaucoup de latitudes pour la réalisation du film. Il racontait ainsi à l’époque que ça avait été un peu comme “monter une pièce de Shakespeare, avec Shakespeare attendant dans la pièce juste à côté“. Son travail reste néanmoins remarquable tant il confère au film une identité visuelle propre, à la photographie plus chaude et à la mise en scène plus dynamique que celle des films qui l’ont précédé. Parcouru d’une flopée de séquences cultes et peuplé de personnages mythiques, Le Retour du Jedi reste ainsi, et malgré ses quelques scories (dû à l’ambition commerciale de Lucas), un des meilleurs opus de la saga.

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