Madison Square Garden, New York 1985. Alors qu’une foule de spectateurs peuple les gradins du stade à l’occasion d’un championnat de catch, dans le parking sous-terrain, deux hommes s’affrontent à l’épée dans un duel sans pitié. L’un des deux, Russell Nash, finit par vaincre son adversaire et lui trancher la tête. Il est alors frappé par une puissante énergie qui, dans un déchaînement d’explosions, détruit une partie du parking. Contraint de fuir, Nash est bientôt arrêté par la police et placé en garde à vue. Les autorités le soupçonnent d’être un meurtrier en série qui aurait déjà décapité une autre personne dans le New Jersey deux semaines plus tôt. Ne pouvant inculper son suspect, l’inspecteur Bedsoe est contraint de le relâcher. Mais Brenda Wyatt,une scientifique légiste, s’intéresse de près à l’affaire. Dans le même temps, les souvenirs de Nash ne cessent d’affluer à sa mémoire. Son vrai nom est Connor McLeod et il est né il y a 400 ans en Ecosse. Tué sur un champ de bataille par un guerrier kurgan, il s’est découvert immortel et, accusé de sorcellerie, fut contraint de fuir son clan. Quelques années plus tard, il coulait des jours heureux avec son épouse, Heather, dans les Highlands. C’est durant cette période qu’un chevalier de la cour d’Espagne, se présentant du nom de Juan Sanchez Villa-Lobos Ramirez, vint à sa rencontre et se proposa de lui enseigner l’art du combat au sabre ainsi que les secrets de son immortalité. Cet étrange personnage lui expliqua alors qu’ils étaient nombre d’immortels à errer dans le monde à travers les âges et que la tradition voulait qu’ils s’affrontent tous jusqu’à la mort pour qu’il n’en reste un jour plus qu’un. En 1985, McLeod n’est pas loin d’être le dernier. Pour obtenir la paix et gagner le “prix”, il doit affronter un dernier immortel. Celui-ci n’est autre que son ennemi juré, qui n’a cessé de le poursuivre à travers les siècles. Le terrible Kurgan…

Tout le monde ou presque sait aujourd’hui à quel point la franchise Highlander n’a rien de glorieuse. Alignant les navets successifs sous formes de suites-reboots inutiles qui s’acharnaient à dénaturer une mythologie pourtant prometteuse, la saga fait aujourd’hui partie de celles dont les amateurs parlent avec mépris et une certaine ironie. Et pourtant, on ne peut oublier que tout a démarré par un bon film, devenu rapidement culte. Sorti en 1986, Highlander demeure encore aujourd’hui parmi les réussites les plus originales du cinéma fantastique des années 80. A l’origine, il y avait ce scénario écrit par Gregory Widen, durant ses années d’études. Impressionné par le film Les Duellistes de Ridley Scott, le jeune scénariste imagina une intrigue où deux hommes immortels n’auraient de cesse de s’affronter dans des duels à l’épée à travers le temps et les grands moments de l’histoire. Le contexte fantastique de l’intrigue faisait alors toute l’originalité du script et permettait ainsi au scénariste d’imaginer plusieurs aller-retours temporels censés expliquer les origines surnaturelles de son personnage principal, un peu à la manière du film Les Prédateurs de Tony Scott (le mythe du vampire étant une autre influence évidente de l’histoire développée par Widen). Intéressés par le potentiel du concept, les producteurs Peter Davis et William Panzer achetèrent très vite le script pour en tirer un long-métrage dont ils confièrent la réalisation à l’australien Russell Mulcahy, remarqué quelques années auparavant pour son survival horrifique Razorback. Le jeune cinéaste délégua alors la direction de seconde équipe à son ami et compatriote Stephen Hopkins, futur réalisateur de Predator 2 et de la série 24, avec qui il travaillerait à nouveau plusieurs fois. Au terme d’une production internationale, le film sortit et passa quelque peu inaperçu dans les salles. Il rencontra néanmoins un énorme succès lors de son exploitation vidéo et devint rapidement culte pour toute une frange de cinéphiles.

Soyons honnête, Highlander a beau conserver ce statut de classique, il n’est pourtant pas irréprochable. Son exposition, lors du combat dans le parking, révèle des idées lorgnant vers le pur nanar, surtout lorsqu’on voit les acrobaties inutiles de l’adversaire de McLeod. Par la suite, bon nombre de scories viendront alourdir le film, la réalisation de Mulcahy par exemple, révèle parfois quelques lacunes esthétiques imputables à son passé de pubard et de clippeur. La photographie, si elle bénéficie d’un formidable travail sur les couleurs, a aussi par moment mal vieilli (la faute au choix de caméra, notamment durant les flash-backs en Ecosse), et le montage semble avoir souffert de pas mal de coupes en post-production, d’où quelques incohérences et raccourcis flagrants dans l’intrigue (comment McLeod se libère-t-il de son fardeau après son départ en exil ?). Ce qui fait que l’on peut aujourd’hui déprécier le film et considérer qu’il a quelque peu mal vieilli.

Pourtant, le film de Mulcahy compte toujours plus de qualités que de défauts et reste bien supérieur aux quatre navets qui ont suivi. Ne serait-ce que par la dichotomie de sa narration (le passé dans les Highlands, le présent dans la N.Y. sordide des 80’s), qui fait toute l’originalité de son scénario, et l’ambiance délicieusement déliquescente qui se dégage de ses images essentiellement nocturnes et qui font de Highlander un des plus proches cousins du premier Terminator de Cameron. Ce dernier film aura d’ailleurs servi d’influence évidente à Mulcahy, notamment dans sa manière de filmer les excursions meurtrières de son antagoniste et son repli dans un hôtel sordide. Le réalisateur ne s’en cache pas et semble aussi s’inspirer de bon nombre d’autres oeuvres pour mettre en images son univers, de la fantasy barbare à la Milius lors des premières apparitions du Kurgan à l’esthétique crépusculaire des premiers films de Tony Scott (Les Prédateurs) et Michael Mann (La Forteresse Noire). Le jeune réalisateur savait alors magnifier son univers et la confrontation anachronique de ces personnages légendaires, usant de mouvements de caméra amples pour perdre ses immortels dans la foule ou pour conférer une dynamique originale à leurs duels (voir le combat final). Assisté de son ami Stephen Hopkins, lequel a probablement orienté la recherche visuelle du film (si l’on considère l’esthétique de ses films suivants Freddy 5 et Predator 2), et comptant aussi sur une superbe direction artistique et la formidable palette chromatique de sa photographie, Mulcahy mettait alors volontiers son savoir-faire de clippeur pour dynamiter les codes de la mise en scène, alignant les cadrages atypiques et des parti-pris stylistiques clairement post-modernes. Une atmosphère particulière hante cet Highlander, à la croisée des genres et des styles, et finit de le placer au coeur de son époque. D’autant plus que l’ensemble se trouve sublimé par la musique de Michael Kamen et surtout par la B.O. de Queen, Brian May et Freddy Mercury ayant été tellement séduits par le premier montage du film qu’ils ont écrit pour l’occasion quelques-unes de leurs plus belles chansons. Aussi, comment ne pas vibrer aux premières notes du générique annonçant The Princes of the Universe ou ne pas rêver à l’écoute du célèbre A Kind of Magic ? Qui oserait dire qu’il n’a pas apprécié la reprise de New York New York par le groupe (lors du carnage routier du Kurgan dans les rues de N.Y.) ou qu’il n’a pas été touché par la chanson Who wants to live forever alors qu’à l’écran Connor coule des jours heureux avec sa femme, celle-ci vieillissant au fil des images alors que le temps semble n’avoir aucune emprise sur lui… Ces quelques séquences pleines de poésie ne font qu’ajouter à la réussite globale d’un film qui bénéficie en outre d’un casting de qualité. Encore loin du versant nanardesque de sa filmo, Lambert trouvait ici le rôle de sa vie et composait un anti-héros fatigué de son immortalité face à un Sean Connery, parfait en mentor charismatique et séducteur, et un Clancy Brown (lui aussi dans le rôle de sa vie) qui nous offrait ici l’incarnation inoubliable d’un monstre immortel, rendu fou par l’éternité et les combats livrés. On pointera juste du doigt des personnages féminins trop secondaires, bien écrits et interprétés, mais encore trop relégués à des rôles de faire-valoir et d’enjeux émotionnels.

Bourré de séquences d’anthologies (le combat du Kurgan et de Ramirez, les retrouvailles de McLeod et de son ennemi dans l’église, l’enlèvement de Brenda et le carnage qui s’ensuit, le duel final), le film de Mulcahy avait bien entendu tout pour devenir un classique. Son concept, riche en perspectives narratives mais pourtant tué dans l’oeuf par une conclusion qui n’appelait aucune suite, donna malgré tout lieu à une continuité cinématographique ingrate à la qualité souvent catastrophique. La franchise se vit même déclinée à la télévision, à travers trois séries de qualités variables (HighlanderL’ImmortelleHighlander The Animated Series) ainsi qu’à l’occasion d’un film d’animation japonais méconnu (Highlander Soif de Vengeance) qui explorait l’idée de Highlander 2 (intéressante mais mal exploitée) de mixer la mythologie de la saga à de la pure SF. Au vu de son triste héritage, et en attendant son inévitable reboot, mieux vaut alors considérer Highlander pour ce qu’il devait être à l’origine et ce qu’il est toujours aujourd’hui : un long-métrage isolé, dénué de continuité, et un jalon essentiel du cinéma de genre de son époque.

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