Si plusieurs comics (WatchmenThe Dark Knight ReturnsPlanetary) et films (Kick-AssSuper) se sont déjà risqués à désacraliser la figure super-héroïque, le vaste monde des séries télés compte relativement peu d’exemples du genre. Quelques fictions se sont bien essayées à déconstruire le mythe plus (Heroes) ou moins (One Punch ManUmbrella Academy) sérieusement sans vraiment oser trop l’entacher. C’est en cela que The Boys, dernière série de la toute jeune plate-forme vidéo d’Amazon, se distingue des autres fictions du genre.

Portée par son concept original, l’adaptation de la maxi-série éponyme du trublion Garth Ennis réussit dès son pilote à accrocher le spectateur par un scénario solide et riche en trouvailles. Qui plus est, elle démolit avec malice le mythe du super-héros irréprochable en érigeant sa parodie de Justice League comme un authentique creepy band. Dans un monde contemporain alternatif dominé par les apparences et la course à l’audimat, les super-héros n’ont rien des modèles de vertus emblématiques de chez DC et Marvel mais se révèlent être des personnalités aussi corrompues qu’ultra-populaires, bouffies d’orgueil et uniquement soucieux de leur image auprès du public. Ils deviennent ici (en plus d’un reflet de nos propres icônes) un instrument médiatique et le parfait outil de contrôle des masses en se laissant ériger comme les porte-paroles d’une Amérique prétendue triomphante, gangrenée de l’intérieur par le vice médiatique et l’intégrisme religieux.
Mieux encore, en épousant les maux de la société moderne, le scénario fait de ces super-héros les produits d’une corporation toute puissante qui fait du gringue au pouvoir et s’impose comme un concurrent direct de l’armée américaine. En cela, le show se rapproche pour beaucoup de la liberté de ton et du propos du génial Robocop de Verhoeven.
Irrévérencieuse et joyeusement trash, traversée de séquences aussi drôles (la mort du dauphin, Black Noir au piano) que tétanisantes (le sauvetage raté de l’avion, l’attaque du QG terroriste), The Boys marque ainsi par son sous-texte corrosif et sa violence décomplexée, qui en font une digne héritière du chef d’oeuvre de Verhoeven. On reprochera juste à la série une petite baisse de régime à mi-saison 1, rapidement rattrapée par la qualité de son scénario et l’évolution de ses enjeux. La saison 2 elle, peine un peu à démarrer et pâtit de sous-intrigues inutiles (le frère de Kimiko n’est là que pour se faire tuer et les déboires scientologues du Profond n’en font que le bouffon de la série). Mais l’ensemble repart rapidement à plein régime dès la contre-attaque des Boys. Particulièrement inventifs, Kripke et ses scénaristes ne manquent jamais d’idées pour s’affranchir des comics qu’ils adaptent et proposer une nouvelle orientation.

Dominée par le jeu de Karl Urban (énorme en leader désinvolte à l’accent improbable) et le charisme ordurier d’Anthony Starr (glaçant dans son rôle de superman frustré et machiavélique), la distribution participe pour beaucoup à la réussite de ce show audacieux qui, entre humour noir et trash assumé, brille par le parfait équilibre de ses ingrédients et l’ambiguïté de ses protagonistes. Une série prometteuse à la BO décoiffante, plus intelligente, subversive et inventive que l’ensemble du MCU. Du tout bon pour Amazon, en espérant que la suite sera à la hauteur.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *