Sam, un représentant de commerce, fait du porte à porte en plein désert de Californie. Errant de maison en maison sans trouver âme qui vive, il tue son ennuie en écoutant la seule station de radio disponible. Un étrange animateur du nom d’Eddie y met en garde la population locale : un tueur erre sur les routes et son crime ne peut rester impuni. Bientôt, Sam est pris en chasse par des hommes masqués, bien décidés à le tuer.

Voilà donc le topo de Sam was here, curieuse petite péloche bricolée sur un budget modeste et chapeautée il y a deux ans par un jeune réalisateur français inconnu au bataillon, Christophe Deroo. Retitré curieusement Nemesis à l’occasion de sa sortie dtv en France (les commerciaux en charge du retitrage sont toujours aussi inspirés), le film fit un peu parler de lui avant de tomber rapidement dans l’oubli le plus total. Dommage, tant ce vrai faux survival marque l’esprit cinéphile pour son originalité et son intrigue à la croisée des genres. Tout dans la trame de Nemesis semble en effet annoncer un film de survie standard clignant ouvertement de l’oeil aux errances conflictuelles d’un David Mann ou d’un John Ryder. Mais si le contexte de l’intrigue évoque bel et bien l’influence de grands classiques tels DuelHitcherLa colline a des yeux (version Aja) ou même Breakdown, l’intérêt de ce premier film se trouve ailleurs, précisément en ce qu’il ne ressemble en rien à ce qu’on pourrait en attendre.

En 73 minutes montre en main, Deroo déroule une intrigue certes simpliste, mais dont l’intérêt réside essentiellement dans la rapide mise en place d’une atmosphère oppressante et cauchemardesque, à la lisière d’un fantastique ouvert à toute interprétation. Pour ce faire, le jeune réalisateur ressasse des influences évidentes, piochant à la fois dans le cinéma de Carpenter (cadrages travaillés et musique synthétique à l’appui), celui de Lynch, le style visuel de Refn (notamment dans sa variété chromatique) alors que l’univers qu’il décrit exhale une atmosphère de déréliction qui n’est pas sans évoquer quelques grands moments des jeux Silent Hill (la porte barrée de chaines et le trou dans le mur de la chambre sont repris tels quels de Silent Hill The Room). Les décors sont minimalistes (bicoques isolées, motel miteux) et accentuent la sensation de malaise et d’irréalité du métrage, renforcés par l’altération progressive des couleurs (à dominante ocre).

Sam was here est ainsi moins un survival cherchant à bousculer son public qu’un pur film d’ambiance qui emporte son spectateur dans le cauchemar vécu par son protagoniste, un homme sans passé, sans présent et a priori sans avenir. Errant seul dans les limbes d’un pays déserté où des voix lointaines vocifèrent et complotent contre lui, Sam n’a personne à qui parler et ses appels à sa femme et son employeur restent étrangement sans réponses. Des quidams anonymes, aux masques ricanants, hantent encore l’endroit et se lancent à sa poursuite, répondant à la vindicte d’un animateur de radio énigmatique qui le désigne comme coupable d’un crime dont il ignore tout. Et dans le ciel diurne, une étrange étoile, tel un sombre présage, brille d’un éclat écarlate comme la promesse d’une fin du monde imminente.

Tous ces éléments mis bout à bout semblent alors aller droit vers une résolution attendue qui n’arrivera pourtant jamais. Après avoir aligné les éléments étranges, Deroo finit par renoncer à expliquer son histoire. Il laisse au spectateur le soin de l’interpréter comme il veut, prenant ainsi le risque de se voir reprocher une certaine prétention auteurisante. C’est bien là le seul défaut, s’il en est un, que l’on pourra trouver au script de Sam was here : son refus de résoudre par une quelconque révélation, les différents fils de son intrigue tortueuse. A l’image d’un Refn, Deroo fait ici le choix de l’abstrait et l’assume pleinement, il pose plus de questions dans son film qu’il ne souhaite donner de réponses, et abandonne le sort de son anti-héros à notre seule interprétation.

Nemesis se regarde alors comme une oeuvre sans raison, ouverte à toute sorte d’interprétation. Cauchemar méphistophélique ou errance psychotique d’un barge égaré en plein soleil ? Impossible de s’en faire une seule idée et l’on sort tout aussi fasciné qu’agacé du visionnage de cette bizarrerie, que certains réduiront au simple navet quand d’autres le qualifieront volontiers de petite perle.

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