Créé en 1980 par Masamune Shirow, le manga Ghost in the shell reste à ce jour un des seinens les plus adaptés à l’écran. En effet, on ne compte plus aujourd’hui les films d’animation, séries tv et films dtv adaptés de l’univers cyberpunk imaginé par l’auteur d’Appleseed. A tel point que ça en est devenu un bordel sans nom où même les plus grands fans ont du mal à se repérer, perdus qu’ils sont entre remakes, suites et préquelles. Bien sûr, Ghost in the shell reste surtout connu grâce au film éponyme de Mamoru Oshii. Sortie en 1995, cette première adaptation avait fait l’effet d’une bombe dans le cinéma d’animation, changeant à jamais (comme Akira en son temps) la vision qu’avait le reste du monde sur la japanimation, à tel point que même James Cameron alla de sa petite phrase pour encenser les qualités de ce qui reste comme le chef d’oeuvre de Oshii. Oeuvre cyberpunk maîtresse du cinéma, Ghost in the shell alignait les influences pour mieux s’en affranchir en proposant une réflexion originale sur la définition de l’humanité et de l’âme.

A partir de là, le titre fut décliné en plusieurs formats et eut du mal à s’affranchir de l’influence du cinéma d’Oshii, au point que beaucoup oublièrent le manga original de Shirow pour prendre pour seule référence le film de 1995. Il faut dire que les préoccupations avaient beau être les mêmes (qu’est-ce qui défini l’humain ?), l’un et l’autre proposaient une approche différente quant au sujet abordé. Et si depuis, beaucoup d’adaptations ont suivi (Stand Alone ComplexSolid State SocietyBorder), il devenait inévitable que la grande mecque hollywoodienne propose un jour sa propre version live. D’autant que Dreamworks en détenait les droits depuis les années 2000.

C’est Rupert Sanders, déjà réalisateur de Blanche-neige et le chasseur, qui hérita du projet. Scarlett Johansson fut choisie pour incarner le major Motoko Kusanagi (ici rebaptisée Mira Killian), Pilou Asbaek (Batou), Michael Pitt (Kuze), Juliette Binoche, Peter Ferdinando et Michael Wincott (dans des rôles originaux) complétèrent la distribution, leur choix alimentant une polémique ridicule autour de l’occidentalisation du casting (le white-bashing). La bonne surprise aura été de confier le rôle d’Aramaki au génial Takeshi Kitano, devenu trop rare ces temps-ci sur les écrans. Conscient qu’il ne pourrait jamais se mesurer à la dimension philosophique du film de Oshii, Sanders proposait ici une adaptation formellement irréprochable mais dont on regrettera la simplicité d’un script dénué de toute ambition thématique et narrative, et qui ne fait que revenir sur ce qui a déjà été raconté dans la franchise ces deux dernières décennies.

L’intrigue de son GITS calque donc sans surprise celle du premier opus d’Oshii, lançant le major Kusanagi aux trousses d’un cyberpirate énigmatique qui hacke l’esprit de citoyens lambda. L’occasion pour Sanders de reprendre à son compte quelques scènes emblématiques du film d’Oshii (le saut dans le vide, la poursuite sur les docks, le combat contre le tank) pour surtout proposer des images “live” sidérantes de beauté, truffées d’effets numériques qui ne peuvent qu’imprimer toutes les rétines. Détournant avec intelligence certaines attentes (l’identité du hacker n’est pas la même que chez Shirow et Oshii mais emprunte plutôt à deux “antagonistes” de la série SAC) tout en osant bouleverser les origines de son héroïne et injecter quelques références aux films d’Oshii (le basset hound, les robots geishas) et même à la série Stand Alone Complex (le Rieur/Kuze), le cinéaste s’acquitte de sa tâche avec un grand savoir-faire, proposant un divertissement haut de gamme, ponctué de séquences d’action impressionnantes. Des qualités certaines qui ne suffisent pourtant pas à contrebalancer le manque d’audace et d’originalité d’un scénario sans réelles surprises, bourré de raccourcis et de personnages sacrifiés (Batou et Togusa restent très en retrait) et qui n’explore jamais en profondeur les thèmes qu’il aborde. Au final, le film me fait penser au Robocop de Padhila : formellement bien emballé, divertissant et respectueux de son modèle mais manquant beaucoup trop de personnalité pour tenir la comparaison avec celui-ci. De quoi faire hésiter le cinéphile à ranger les deux films sur la même étagère.

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