Nostalgique de la grande époque cameronienne et notamment de l’opus le plus guerrier de la franchise Alien, je décidais récemment de me (re)plonger dans quelques comics adaptés de la célèbre saga cinématographique qui aura largement contribué à ma passion du genre. L’exercice reste cependant assez périlleux quand on sait à quel point il a toujours été difficile pour le fan d’apprécier des comics Aliens suffisamment intéressants pour valoir le coup d’oeil.

Pourtant depuis 1986 et la sortie d’Aliens le retour, les auteurs et dessinateurs de comics n’ont cessé d’enrichir la mythologie et d’extrapoler sur les univers de Scott, O’Bannon et Cameron pour proposer des intrigues plus ou moins originales. En 1988, bien avant la flopée de one shots (dont les très bons Aliens Alchemy et Aliens Absolution) et de cross-overs mettant en vedette le célèbre xenomorphe (BatmanSuperman et la longue saga des AvP), il y eut la saga de comics Aliens the series, véritable première suite d’Aliens composée de trois cycles : OutbreakNightmare Asylum et enfin Earth War. Imaginée par le scénariste Mark Verheiden, l’intrigue du premier arc nous faisait retrouver les personnages de Rebecca “Newt” Jorden et du caporal Dwayne Hicks quelques temps après leur fuite de Acheron. Repêchés par la Compagnie, les deux rescapés avaient forts à faire pour prévenir l’invasion alien qui menaçait la Terre par la bêtise des dirigeants de la Weyland-Yutani Corp. Ils seront très vite contraints de fuir la planète sur le point d’être submergée par les xenomorphes. Finalement, les monstres finissaient par se répandre sur Terre, obligeant l’espèce humaine à fuir la planète ou à y lutter. Ellen Ripley elle, manquait curieusement à l’aventure mais finissait par rejoindre le binôme à la veille de la 3ème série : la Guerre pour la Terre. Elle retrouvait ainsi un Hicks totalement désabusé et une Newt, alors âgée de 18 ans, qui en voulait à Ripley de l’avoir abandonnée durant son hyper-sommeil. Pour enrayer l’invasion alien, Ripley, toujours hantée par le passé et guidée par le space jockey (si si…), prenait ensuite très vite la tête d’un nouveau commando de space marines à destination de la planète des monstres. Son objectif : trouver la nouvelle Reine qui dirigeait à distance l’invasion de ses “bébés”.

Que le fan trop enthousiaste soit prévenu, Guerre pour la Terre n’est pas un grand comics, ni une suite originale. Bourré de raccourcis, le scénario de Verheiden ne propose rien de bien nouveau et se contente surtout de reprendre les éléments qui faisaient l’originalité du script de Cameron tout en en calquant la structure narrative et même les protagonistes. Pratique quand il s’agit de reprendre à son compte les archétypes déjà cités par Cameron. On retrouvait ici une autre petite orpheline (que Newt va protéger), une autre bidasse bad-ass façon Vasquez, son copain brutos, un autre pourri représentant la Compagnie et une Reine Alien aussi maous que la première.
L’intrigue reprend aussi plusieurs éléments SF imaginés par Cameron (navette sauterelle, voiture blindée, power loader amélioré) ainsi que certaines séquences. En fait, Verheiden emprunte beaucoup trop à Cameron à tel point qu’au lieu d’être une suite réellement créative, Earth War n’est en fait qu’une simple reprise d’Aliens, une extrapolation de plus grande ampleur (la Terre en est donc le champ de bataille) mais un rien paresseuse dans sa construction. Le scénario propose pourtant quelques éléments nouveaux dont un des moindres est cette capacité qu’ont certains personnages à ressentir la présence des xenomorphes et à communiquer avec eux. L’erreur à mon sens est d’avoir donné à Ripley cette sensibilité télépathe. Il y a également cette deuxième partie, un rien plus originale, car consacrée à une dernière opération commando, qui nous laisse entrevoir les ruines du monde terrestre.
Les dessins de Sam Kieth eux, peuvent paraître surannés, même pour le début des 90’s. Je remarque que l’artiste a toujours eu cette tendance à exagérer les faciès et la dimension surréaliste de ses dessins (Batman SecretsMenace fatale). L’esthétique futuriste et la palette chromatique employées font ici parfois penser à de la old sf. Reste que l’artiste réussit néanmoins pas mal de planches horrifiques, aimant à isoler ses protagonistes au milieu de ténèbres où se figent autant de fantômes du passé que de cadavres pourrissants et de créatures cauchemardesques. On trouve dans ses dessins une noirceur parfois fascinante et totalement compatible avec ce qui définit l’univers d’Alien à l’écran, l’aspect comic book en plus.

Paru à l’époque en deux tomes chez Zenda et ré-édité depuis par Wetta dans le recueil Aliens The Original, Aliens Guerre pour la Terre ne conviendra donc qu’aux fans de la première heure, et encore. Un rien décevant dans le développement de son postulat, il représente cependant une continuité aux films de Cameron, logique et alléchante, qui n’aura comme on le sait jamais été exploitée au cinéma. La parution de cette série de comics a bien sûr précédée (de quelques mois) la sortie du Alien 3 de David Fincher en 1991 dans lequel l’essentiel des rescapés du Sulaco trouvaient la mort dès les premières minutes, cantonnant du même coup l’histoire de Verheiden à s’inscrire dans une continué non officielle (et non reconnue par la Fox). D’où quelques corrections sur cette série à l’occasion des rééditions, Newt et Hicks étant alors renommés Billie et Wilks tandis que la Ripley survivante devenait un clone synthétique du lieutenant. Reste que pour l’ampleur et l’ambition de son contexte guerrier, Aliens Guerre pour la Terre s’impose toujours comme une suite “rêvée”, apte à venger les déçus des 3ème et 4ème films et à faire douter tous ceux qui comme moi ont énormément apprécié le space opera baroque de Fincher. Les nombreuses perspectives narratives laissées par le film de Cameron (retour des rescapés du Sulaco, mythologie enrichie, révélation de la ruche alien, fonctionnement de la Compagnie plus développé) y sont reprises maladroitement certes, mais laissent le lecteur s’imaginer quelle aurait pu être la saga cinématographique si Alien 3 n’avait jamais vu le jour. D’autant que Verheiden a eu l’intelligence d’évoquer le Space Jockey, alors qu’il faudra attendre Prometheus pour en entendre parler à nouveau à l’écran.

Chose notable, il n’est pas interdit de croire, à partir des éléments qu’on en a aujourd’hui, que Neill Blomkamp s’était probablement lui même beaucoup inspiré de l’arc Guerre pour la Terre pour imaginer son Alien 5 (ou Aliens 2), qui reprenait les événements après Aliens tout en ignorant ceux d’Alien 3 et d’Alien Resurrection. Il s’agissait d’y retrouver Ripley et Hicks à la tête d’une légion de space marines, bien décidés à endiguer l’invasion de la Terre par les terribles xenomorphes, soit le même postulat que celui de Earth War imaginé par Verheiden. Une arlésienne cinématographique qu’on appellera toujours de nos voeux et qui reste peut-être la meilleure raison de s’intéresser à ce comics méconnu.

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