En 1993, Alien 3 déboule sur les écrans et divise clairement les fans. Quand certains crient à la trahison pure et simple du film de Cameron, d’autres restent fascinés par la splendeur obscure de l’oeuvre. Malgré des critiques mitigées et aveugles, le film renfloue les caisses de la Fox. Déjà détentrice de la licence, Dark horse Comics décide de profiter pleinement du succès de l’oeuvre de Fincher. Exit donc la série Aliens de Verheiden, laquelle faisait suite au film de Cameron. Jusqu’à la fin des années 90, pas moins d’une quarantaine de titres verront le jour, allant d’une longue série de comics (Colonial Marines) à la célèbre série de cross-overs Aliens versus Predator, en passant par une flopée de one shots plus ou moins mémorables et longtemps indisponibles en Europe.

Parmi ces one shots un fait office de référence dans la galaxie Alien alternative, il s’agit d’Aliens Absolution. En 1992, au lendemain de la sortie d’Alien 3, Dave Gibbons (célèbre daron des Watchmen) s’associa avec le dessinateur cultissime Mike Mignola (le papa du p’tit Hellboy) pour proposer un one shot comic de la franchise Aliens qui jouerait pleinement sur la symbolique religieuse de l’univers du xenomorphe. Bien sûr la dimension mystique de la saga avait déjà été explorée dans le troisième opus cinématographique de Fincher lequel reprenait une partie de la vision de Vincent Ward (longue histoire) et en proposait une métaphore christique qui avait clairement fait jaser les fans. Gibbons et Mignola n’ont fait qu’en reprendre l’idée et imaginèrent alors cette histoire indépendante, aussi courte que fascinante.

Selkirk, un membre d’équipage du Nova Maru, est contraint d’abandonner le vaisseau cargo avec son capitaine. Echoués sur une planète tropicale et hostile, les deux hommes perdent peu à peu tout espoir. Le capitaine Foss devient fou quand Selkirk lui, ne cesse de s’adresser à Dieu, croyant que tout ceci fait partie d’un plan divin pour les mettre à l’épreuve. Ils découvrent bientôt avec horreur qu’ils ne sont pas seuls sur l’astre. Le Nova Maru s’est finalement écrasé sur la planète peu après leur atterrissage, laissant se déverser sa cargaison : une horde de créatures cauchemardesques transformant l’astre en véritable enfer.

Plutôt simpliste, l’intrigue imaginée par Gibbons a le mérite de proposer en une cinquantaine de planches bien tassées une variation fascinante de la mythologie Alien. Ici comme dans nombre de comics, les monstres resteront au second plan et ne serviront que de ressorts narratifs au périple existentiel du protagoniste, également narrateur. Confronté progressivement à la solitude la plus absolue, celui-ci ne cesse de s’en remettre à la volonté divine, endurant les épreuves tel un Job du futur, perdu en pleine apocalypse. De la même manière que dans Alien 3, la planète inconnue d’Absolution devient un purgatoire personnel où menace ici à tout moment de se déverser les légions de démons.

La patte graphique si caractéristique de Mignola confère à cette aventure une dimension surréaliste du plus bel effet. Emprisonnant ses rares personnages dans un environnement apocalyptique, l’artiste dessine ceux-ci comme autant de figures pathétiques et moribondes, sur lesquels pèsent constamment des cieux d’une rougeur infernale. L’aplat d’une palette réduite de couleurs et le trait particulier des dessins, renforcé par l’encrage appuyé de Kevin Rowland, peuvent tout autant fasciner que révulser le lecteur. Je ne peux néanmoins que recommander aux plus curieux d’entre vous de s’embarquer dans cette odyssée désespérée, superbe itération d’une franchise qui n’a certainement pas fini de raconter toutes ses histoires.

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