A l’origine, Solo : A Star Wars Story fut pensé pour être le premier film dérivé issu de l’univers SW produit par Disney, le projet ayant été lancé en 2015 au lendemain du rachat de Lucasfilm par Mickey, avant que ses nombreuses ré-écritures ne lui fasse prendre du retard et que les producteurs ne lui préfèrent finalement le script de Rogue One. Alors que Phil Lord et Chris Miller (les duettistes des films d’animation La grande aventure Lego et Tempêtes de boulettes géantes) furent un temps présagés pour mettre en scène cette origin story, c’est finalement le célèbre Ron Howard qui hérita de sa réalisation. Dans les petits papiers de Lucasfilm depuis belle lurette (le gonze a quand même réalisé le très bon Willow avant de s’endormir sur ses lauriers pendant 30 ans), le réalisateur avait un temps été pressenti pour diriger La Menace fantôme avant que Lucas ne décide finalement de réaliser lui-même sa prélogie. Solo fut donc certainement pour Howard l’occasion de remédier à ce rendez-vous manqué en apposant sa patte sur une partie de l’univers imaginé par son ami George. Pour ce faire, Howard s’est appuyé sur les qualités de scénariste de Lawrence Kasdan, déjà co-scénariste des opus 5, 6 et 7, qui travailla ici en collaboration avec son fils, Jonathan Kasdan. Le rôle du jeune aventurier échoua à Alden Ehrenreich, jeune acteur méconnu, déjà aperçu dans des films tels que Stoker ou Tetro, et qui fut choisi pour sa vague ressemblance avec Harrison Ford.

Le film sortit en mai 2018 et ne rencontra pas le succès des précédents opus SW. Largement éreinté par la critique (notamment lors du festival de Cannes), un rien ignoré par les fans, Solo reste aujourd’hui connu pour être le premier flop de l’une des franchises les plus rentables de l’histoire du cinéma. Un semi-échec qui s’expliquera surtout par la mauvaise stratégie marketing de Disney, le studio ayant été étrangement désireux d’avancer la sortie de ce spin-off, cinq mois à peine après la sortie de son blockbuster Les derniers Jedi, au risque de lasser le public de sa franchise phare. Déjà il faut dire que l’intérêt de cette origin story, essentiellement opportuniste dans sa mise en oeuvre, avait de quoi laisser perplexe. Depuis 2014, Kathleen Kennedy, grand manitou de Lucasfilm, n’avait pas caché l’idée de consacrer des films à certains personnages emblématiques de l’univers SW. Solo était le projet-phare de cette série de spin-offs (désormais en stand-by). Au lendemain de la mort du personnage incarné par Harrison Ford, les producteurs ont certainement pensé qu’il était temps d’explorer certaines facettes méconnues de la vie passée du célèbre contrebandier, histoire de contenter la curiosité des fans.

Solo : A Star Wars story nous donne ainsi l’occasion de découvrir le monde d’origine du personnage. Les premières séquences se déroulent sur Corellia, une planète industrielle cafardeuse, rongée par la misère et battue par des pluies incessantes. Dans les bas-fonds d’une ville inhospitalière, livrée à la gangrène de diverses organisations criminelles, se détache très vite un couple d’amoureux qui n’a d’autre objectif que de fuir cet enfer pour voyager à travers les étoiles. Poursuivis par des hordes de truands aliens à la suite de l’arnaque de trop, les deux tourtereaux sont bientôt séparés par le destin. Jurant de revenir sur Corellia pour sauver sa dulcinée (la transfuge targaryenne Emilia Clarke, lumineuse même sans ses dragons), le jeune Han s’enrôle alors dans les troupes de l’Empire. L’occasion pour lui de gagner le nom de “Solo”, choisi à la va-vite par un officier recruteur auquel le jeune homme était incapable de donner son identité. Réfractaire à l’autorité et aux idéaux de l’Empire, le jeune Solo désertera ensuite très vite les rangs de l’armée pour rejoindre une bande de cambrioleurs dirigée par le taciturne Beckett (Woody encaisse le chèque sans trop faire d’efforts). L’occasion pour lui de faire ses preuves et de se construire enfin la réputation de contrebandier qu’on lui connait, avant qu’il en arrive à son célèbre conflit avec Jabba.

Bien sûr l’intrigue revient sur la rencontre incontournable du jeune Han avec son inséparable acolyte Chewbacca, géant poilu de plus de deux mètres, bougon et irascible, et dont Han est bien une des rares personnes à comprendre le langage. C’est aussi l’occasion de retrouver le non moins connu Lando Calrissian, jeune escroc séduisant et rigolard, autrefois incarné par Billy Dee Williams (ici interprété par Donald Glover, tout en malice et en sourire charmeur). Débordant de clins d’oeil à la saga, le film alignera sans surprise les références en proposant au spectateur de découvrir certains événements légendaires de la vie passée du jeune Solo, à peine évoqués dans les précédents films. On assiste donc ici à la fameuse partie de Sabacc au terme de laquelle le jeune héros remporta le Faucon Millénium (vaisseau dont il tombe immédiatement amoureux en montant à son bord) ou encore à la légendaire course de Kessel en douze parsecs, plusieurs fois mentionnée dans les précédents films (y compris Le Réveil de la force) et qui demeure le principal morceau de bravoure du film. Plus inattendue est l’évocation de la “naissance” de la Rébellion, ici uniquement représentée par une armée de jeunes mercenaires, en quête de fonds pour opposer une véritable résistance face à l’Empire.

Certes, le script des Kasdan père et fils ne brille pas par ses prises de risques et se contente d’aligner les passages obligés au sein d’une intrigue tellement classique qu’elle en devient prévisible de bout en bout. Familier du western depuis les années 80 (il réalisa notamment l’excellent Silverado et le moins réussi Wyatt Earp), Lawrence Kasdan persiste à livrer le script d’un véritable western spatial en balisant la trajectoire du jeune héros de certains archétypes propres à son genre de prédilection. Parti de rien, Solo déserte ainsi une armée d’envahisseurs car n’adhérant pas à leurs idéaux expansionnistes, se retrouve impliqué dans le braquage d’un convoi ferroviaire, dispute une partie de cartes en pariant plus gros qu’il n’a, libère des prisonniers autochtones du joug impérial et conclue son aventure par un duel avec son mentor (sorte de père de substitution). Tous ces éléments mis bout à bout se réclament ainsi tout autant du genre sus-mentionné qu’ils lorgnent également sur la célèbre théorie du Voyage du héros, édictée par Joseph Campbell, et dont on sait aujourd’hui qu’elle influença grandement l’écriture des scripts de la première trilogie.

Etrangement dénué d’émotions (un paquet de protagonistes meurt et on s’en cogne), particulièrement caricatural dans son humour (le personnage du robot militant, totalement inutile, agace plus qu’il ne fait sourire), Solo se voit surtout sauvé par des parti-pris visuels intéressants (très joli photo privilégiant les ambiances bleutées et hivernales) et par la réalisation inspirée d’Howard, lequel n’a ici pas besoin qu’on lui fasse la leçon dans l’art de mettre en scène l’action (l’attaque du convoi blindé est un modèle de mise en scène immersive). On regrettera juste la mollesse d’un troisième acte étonnamment sobre qui, si il ennuie presque par son manque évident d’enjeux, pourra au moins contenter les fans grâce au cameo inattendu d’un personnage emblématique de la saga. D’autant qu’il apporte aussi la réponse à la question que tous fans de la franchise s’est déjà posé au moins une fois dans sa vie (Qui de Greedo ou de Han a tiré le premier dans la scène de la cantina ?) en nous révélant que Han, tout héros qu’il est, n’a a priori aucun scrupule à flinguer sans prévenir.

Si l’on passe un bon moment devant les deux petites heures écoulées, il apparaît indéniable que le film d’Howard ne joue clairement pas dans la même cour que les précédents opus. Solo est un cas étrange dans la galaxie Star Wars, un film sans grande ambition et quelque peu sacrifié par ses producteurs. On sera bien sûr en droit de se demander si il était vraiment utile de désacraliser le mystère entourant la jeunesse d’un tel personnage alors que Lucas lui-même s’était déjà à moitié vautré en nous révélant celle d’Anakin. A chacun de se faire son opinion en adhérant ou pas au visionnage de ce dernier opus qui, si il ne révolutionne en rien la saga (ni la SF en général), a au moins le mérite de se poser comme un bon film d’aventures spatiales, sans prétention autre que de divertir et de cligner avidement de l’oeil aux premiers fans.

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