Quand est-ce qu’ils lui ficheront la paix à John Wick ? Nan mais c’est vrai, le plus grand tueur à gages du monde n’a-t-il pas droit à prendre une retraite pépère après avoir vengé son chien et récupéré sa caisse ? Hélas pour lui personne ne l’a vraiment oublié, surtout pas Santino D’Antonio, capo de la Camorra évincé par sa soeurette et qui vient rappeler au tueur retraité, à peine remis de ses blessures du premier film, le serment d’allégeance qu’il lui a fait jadis. Voilà donc notre tueur qui revient à contre-coeur aux affaires, l’occasion pour lui de faire un saut à Rome pour dézinguer du mafieux (et de la mafieuse) avant de se rendre compte qu’il n’est que le dindon de la farce. Problème : quand quelqu’un prend Wick pour un idiot, rien ne pourra ensuite le sauver de la colère du tueur…
Sorti il y a trois ans, le premier film dédié à John Wick avait surpris son monde dans son accumulation de scènes d’actions décomplexées et tape à l’oeil et les prémisses d’une mythologie novatrice. En ce sens, sa suite n’innove en rien et se contente de reprendre méticuleusement tous les ingrédients qui ont fait le succès du premier film tout en les poussant à leur paroxysme et en développant plus en avant l’univers du personnage. Alors que son collègue est parti filmer les exploits de Deadpool en succédant à Tim Miller au pied levé, Chad Stahelski ne manque pas d’idées pour cette suite. John Wick y évolue à nouveau dans une succession de strates criminelles, où tout se paie en serments et en pièces d’or et où rien n’est vraiment ce qu’il parait. On retrouve ainsi ce palace new-yorkais, l’hôtel Continental, haut-lieu du crime organisé international, son concierge obséquieux et son grand patron à la fois inquiétant et paternaliste (Ian McShane, toujours aussi impérial). Mieux encore, bon nombre de nouveaux personnages viennent s’ajouter à la mythologie, que ce soit ce caïd russe, frangin endeuillé figé sur son siège pendant que Wick zigouille ses effectifs (le cabotin Peter Stormare), ce bad guy en chef aussi fourbe que rongé par l’ambition, sa tueuse bombasse androgyne et mutique, et un peu plus loin dans le film, tout un réseau de faux clodos, véritables assassins, dirigé par un patron rigolard dont les airs de gourou morpheusien (comment ça se dit pas ??) nous rappelle bien sûr le bon souvenir d’un triptyque passé employant déjà le même duo d’acteurs vedettes. Bref, John Wick rencontre beaucoup de monde dans cette suite, la plupart n’ayant évidemment rien de bienveillants (à part John Leguizamo, mais lui a toujours l’air sympa, même quand il joue les méchants…). D’autant qu’ici Wick se paie le luxe de se faire un ennemi juré en la personne d’un garde du corps particulièrement vindicatif et revanchard, le dénommé Cassian (le rappeur Common, en pleine reconversion professionnelle), lequel donnera beaucoup de mal au tueur à chacune de ses interventions. Voir les deux hommes se battre à mort juste avant d’être “contraints” de boire un verre ensemble, relève d’une dimension non-sensique qui donne au diptyque toute sa force et son originalité.
Evidemment l’intrigue, digne d’un script signé Luc Besson, est d’une simplicité aberrante et aurait clairement pu servir de background à n’importe quel jeu vidéo de type True Crime. Les scènes d’action du film font ainsi l’effet de phases de gameplay rageuses là où les quelques scènes plus “calmes” peuvent se voir comme autant de cinématiques explicatives. Rien de honteux là-dedans, ce tribut au médium vidéoludique, les auteurs de John Wick 2 le revendiquent sans problèmes, notamment lors de quelques séquences clignant ouvertement de l’oeil au genre (l’arrivée de Wick dans l’hôtel italien, le passage chez l’armurier…). Le film est donc surtout l’occasion d’assister à un alignement de séquences d’action rageuses et particulièrement bien chorégraphiées, magnifiées par une photographie somptueuse qui multiplie les contrastes chromatiques. La réalisation elle, aligne les idées visuelles et n’a de cesse de jouer sur l’opposition entre modernité (la fusillade au concert, celle dans la galerie des glaces) et ambiances d’un tout autre temps, alourdie par une symbolique chrétienne de l’enfer que vient entre autre illustrer cette scène voyant une femme se trancher les veines dans son bain, pour répondre à la tradition antique romaine où l’on offrait parfois à une personne de haut rang condamnée à mort, le privilège de mettre fin à ses jours de cette façon (une tradition ayant perduré jusqu’à la Cosa nostra comme le démontrait déjà Le Parrain 2). On notera quelques facilités de script donnant lieu à des incohérences un peu trop évidentes, John Wick étant d’ailleurs un cas unique de tueur, indétectable pour s’approcher d’une cible, mais visible de tous lorsqu’il a rempli son contrat (voir la scène de sa première confrontation avec Cassian).
Véritable émissaire de la mort, John Wick reste ici ce personnage d’exécuteur imperturbable mais un rien fatigué, trouvant en la vengeance le seul moteur pour pouvoir continuer à avancer. Loin de rouler des mécaniques comme le ferait n’importe quel autre acteur, Keanu Reeves fait à nouveau le choix de jouer Wick comme un être blessé et faillible, parfois même intimidé, très loin du mythe qu’il représente. Et il serait dommage de bouder son plaisir à l’idée de retrouver le personnage dans un inévitable troisième opus, d’ores-et-déjà annoncé par la dernière scène du film. D’autant que Wick y a promis de n’y faire aucun quartier à tous ceux qui lui chercheraient des noises. En voyant le carnage et la prime qui pèse encore sur sa tête dans ce second chapitre, ça promet d’ores-et-déjà un sacré bodycount au compteur.