Avec Le Soldat de l’hiver, les frangins Russo faisaient une entrée remarquable et remarquée dans l’univers cinématographique Marvel, reprenant à leur compte une franchise encore sous-exploitée pour la tirer vers une modernité renversante. Script et mise en scène s’accordaient ainsi parfaitement dans un spectacle aux relents de film d’espionnage lorgnant de manière évidente sur les thrillers politiques et paranos des 70’s (la présence de Robert Redford au casting n’avait en cela rien d’innocent). Et ce n’est que justice si les Russo se virent très vite chargés d’écrire et de mettre en scène les prochains chapitres majeurs de la phase 3 du MCU (ce troisième opus mais aussi Avengers 3 et 4).

En choisissant d’adapter un des arcs narratifs les plus populaires des éditions Marvel, les Russo devaient forcément s’attendre à ce que leur troisième opus ne contente pas tout le monde. D’autant qu’un tel collectif de super-héros à l’affiche semblait plus convenir à un Avengers 3 qu’à un nouvel opus consacré au seul personnage de Steve Rogers. A l’arrivée pourtant, les frangins Russo arrivent plutôt bien à concilier les deux franchises (et préparer le terrain aux prochains chapitres) le temps d’un opus adapté de la fameuse Guerre Civile. Il faut dire qu’il n’a pas dû être aisé de condenser plus d’une demi-douzaine de volumes (et les trajectoires de bon nombre de personnages) dans un film d’une durée de 150 minutes avec une telle profusion de personnages (et encore, certains d’entre eux, très emblématiques, manquent à l’appel). Pourtant, le duo de réalisateurs-scénaristes arrivent globalement à éviter l’écueil de l’adaptation trop fidèle non sans céder à quelques raccourcis trop faciles qui décevront forcément certains amateurs du comics d’origine. L’aspect politique de l’intrigue originale est ici quasiment évacué, le conflit Stark-Rogers pas toujours convaincant et la guerre civile annoncée (en fait juste un clivage pas si rageur que ça) manque cruellement d’ampleur. Le macguffin du recensement des super-héros, lui, reste inchangé mais on est très loin des circonvolutions démago-politiques et de l’atmosphère paranoïaque des premiers tomes du comics éponyme.

Reste que les Russo tiennent toujours fermement le cap de la franchise et arrivent malgré tout à raccrocher remarquablement les wagons avec les derniers événements de la phase 2 du MCU. Introduisant le récit sur deux des antagonistes du précédent film, ils ne tardent pas à faire à nouveau du Soldat de l’hiver le centre des enjeux, convoquant tout d’abord l’impitoyable assassin avant de l’humaniser progressivement sous l’influence de son ami Steve Rogers. Se refusant au moindre manichéisme, jusqu’à rendre justifiables les motivations du véritable bad guy (incarné par le toujours excellent Daniel Brühl), les frangins centrent ensuite progressivement leur intrigue sur le clivage entre super-héros et évitent soigneusement l’écueil attendu de la réconciliation trop facile des deux partis par l’affrontement d’un ennemi commun. En cela, Civil War réussit finalement là où le script de Dawn of Justice échouait, la très bonne idée des scénaristes étant de garder secrètes les motivations de son bad guy tout désigné, en le faisant évoluer à la périphérie des événements.

A tout cela s’ajoute le talent indéniable des co-réalisateurs quand il s’agit d’élaborer des scènes d’action tout aussi impressionnantes visuellement que narrativement travaillées. En effet, il n’est pas chose aisée de mettre en scène plusieurs intervenants dans une même séquence d’action et encore moins lorsque chaque personnage porte en lui ses propres motivations. Si l’adoption d’une nouvelle loi de recensement suffit à diviser les vengeurs en deux camps distincts et que leur affrontement se fait naturellement à contre-coeur, la notion de vengeance elle, reste au coeur de l’intrigue, et finit même par porter les enjeux au-delà des attentes jusqu’à nous offrir un pugilat final particulièrement mémorable.

Impossible également de ne pas évoquer les deux autres grandes scènes du film (la course-poursuite dans le tunnel, la bataille sur le tarmac de l’aéroport) notamment parce qu’elles voient l’entrée en scène de deux nouveaux personnages très attendus. Le premier, Black Panther, parfaite némésis de Bucky Barnes, porte en lui une ambivalence qui le place clairement à part tout au long de cette guerre. Chacune de ses scènes se révèlent essentielles à l’intrigue un peu à l’inverse de celles de Spiderman, super-héros vedette du film dont on attendait depuis longtemps la nouvelle incarnation à l’écran. Pour autant, si sa présence ne fait en fait que répondre à l’attente des fans en annonçant ses prochaines aventures solo (le film se boucle d’ailleurs opportunément sur un Spiderman will return), sa participation à la grande scène d’action du film se révèle jubilatoire et le spectateur n’a clairement que d’yeux que pour chacune de ses interventions.

Spectaculaire, étonnant mais un rien inégal dans son écriture, Captain America Civil War reste un des meilleurs opus de la franchise cinématographique Marvel et finit de placer la série des Captain America un cran au-dessus des autres dans ce même univers. De quoi attendre avec impatience la prochaine grande réunion de super-héros dans une guerre de plus grande envergure cette fois face à l’increvable Thanos que les frangins Russo auront le privilège de mettre en scène, par deux fois.
Wait and see.

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