Après le carton de Batman Forever en 1995, le studio Warner ne mit pas longtemps a mettre sur les rails un quatrième film toujours réalisé par le tâcheron Joel Schumacher. Ce dernier va alors se déchaîner. Nanti d’un script indigent au possible, Schumacher va détruire méticuleusement le caractère iconique du justicier et décrédibiliser son rôle ainsi que son univers.

Batman n’a ici plus rien d’un vigilante solitaire et tourmenté mais plutôt tout d’un équivalent ringard de la version 60’s d’Adam West. Non content de se limiter à Robin pour seul partenaire, le script lui colle une Batgirl aussi dispensable que sacrilège (la carrière balbutiante d’Alicia Silverstone ne s’en relèvera jamais). Quant au commissaire Gordon oubliez-le, les scénaristes n’ayant jamais voulu développer le personnage jusqu’à Nolan, sa présence n’a à nouveau ici aucune incidence sur l’intrigue. Le camp des antagonistes lui, se limite à trois nouveaux méchants aux QI limités : Schwarzenegger embarrasse dans un rôle de bouffon réfrigéré et Uma Thurman cabotine à outrance parmi ses plantes en latex. Le traitement désastreux infligé au personnage de Bane (“Baaane !!!“) en dit assez sur l’ambition dramatique du projet et l’on rira de bon coeur face à un tel sacrilège.

Sur le fond, ce Batman and Robin traite de rivalité amoureuse, de jalousie puérile et de rébellion post-adolescente, tout un programme en parfait accord avec les thématiques primordiales du Dark Knight tel qu’il fut pensé durant les trente années du modern age. Car il est vrai qu’il n’a jamais été question que de ça chez Loeb, Miller, Moore et Morrison, un Batman falot disputant stupidement à son sidekick une femme venimeuse, tout cela au prix de sa crédibilité de “plus grand détective du monde”.

On pourra targuer que le film ne se prend jamais au sérieux et joue la carte du second degré (bat-carte de crédit oblige), ce qui est faux. Il suffira de voir l’ultime soubresaut émotionnel en fin de métrage voyant un Bruce Wayne chagrin au chevet de son majordome mourant (Michael Gough dans une de ses dernières prestations). Mais si il n’y avait que le traitement inadéquat du batverse, les idées sacrilèges (Batgirl n’est plus la fille de Gordon mais la nièce d’Alfred) et le scénario paresseux d’Akiva Goldsman qui n’allaient pas. La direction artistique est d’une laideur indicible et la mise en scène de Schumacher ne fait rien pour arranger les choses tant le gonze semble s’être souvent absenté derrière son combo (les plans d’apparition de Bane, totalement ridicules, en sont une preuve parmi tant d’autres). Même le compositeur Elliot Goldenthal, pourtant très doué quand il s’agit de faire hurler les cuivres et les cordes, en a fait le moins possible, son score ne faisant que recycler paresseusement celui de Forever sans rien y apporter de plus, si ce n’est quelques effets sonores cartoonesques et dispensables (un comble quand on sait que le gars a quand même composé deux BO très baroques, celles de Alien 3 et de Entretien avec un vampire). On ne sauvera seulement du désastre que l’apport mineur du groupe The Smashing Pumpkins qui livrèrent alors pour l’occasion une série de quatre variations gothiques sur le même morceau, bien trop sordides et matures pour un tel film (et dont le titre The end of the beginning of the end sera ré-employé plus judicieusement quelques années plus tard pour la B.O. du Watchmen de Zack Snyder).

Bide surprise et mérité de l’été 1997 face au carton planétaire Men In BlackBatman and Robin fut loin de renflouer les caisses et mit la Warner dans une situation délicate tant il paraissait désormais impossible de relever la franchise. Schumacher tenta de convaincre le studio de lui confier les rênes d’un potentiel reboot, plus sombre cette fois-ci. Au vu du marasme artistique que le tâcheron aura engendré, la Warner, dans un sursaut de sagesse tardive, décida de limiter les pots cassés et remercia manu-militari Schumacher qui ironiquement livra deux ans plus tard l’un des films les plus sombres et dérangeants de sa carrière. Il faudra au Chevalier Noir sept longues années pour s’en remettre sous l’égide de Darren Aronofsky puis de Christopher Nolan.

En définitive, le seul exploit de ce Batman and Robin aura été de ne pas couler la carrière de George Clooney lequel se confondit en excuses lors de plusieurs communiqués de presse, après avoir vu pour la première fois l’intégralité du navet.

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