Deux ans après que Eastwood ait désacralisé les figures archétypales du western via son Unforgiven, le réalisateur George Pan Cosmatos (Rambo 2Leviathan, mouais…) prit le contrepied du western crépusculaire pour revenir à la forme la plus classique du genre, en réalisant cette énième adaptation cinématographique de la vie du célèbre justicier Wyatt Earp. Sur la base d’un postulat prenant pour point de départ l’emménagement de Earp, sa femme et ses frères, Morgan et Virgil, dans la ville de Tombstone, le film déroule une intrigue reposant essentiellement sur le conflit opposant la famille Earp à une bande de hors-la-loi, les fameux “Cowboys”, reconnaissables aux foulards rouges qu’ils portaient au ceinturon. Ces derniers avaient une réputation de pilleurs sans foi ni loi, n’hésitant pas à tuer les propriétaires mexicains pour voler leur bétail, lui faire passer la frontière et le revendre à bon prix au Texas. Venu s’installer à Tombstone dans le seul but d’y faire fortune, Earp se voit précédé de sa réputation d’ancien marshall et s’attire bientôt les inimitiés du clan Clayton et de leurs terribles alliés aux foulards rouges menés par le dénommé Curly Bill. Ce qui donne bien sûr lieu à ce légendaire règlement de comptes à OK Corral, intervenant ici à la moitié du métrage alors qu’il servait principalement de finalité dramatique à toutes les précédentes adaptations. Car loin de se conclure par cette fusillade décisive avec le clan Clayton, le conflit s’est poursuivi de manière bien plus sanglante à travers tout l’état suite à l’assassinat du plus jeune frère de Earp par les “Cowboys”. Au cours de sa croisade vengeresse, Wyatt Earp pu compter sur l’appui décisif de son meilleur ami, le marginal Doc Holliday. Un allié de taille qui ne fut vraiment pas de trop pour affronter le gang de Curly Bill lequel avait pour bras droit Johnny Ringo, un tueur impitoyable réputé comme étant le tireur le plus rapide de l’ouest.

A cette épopée historique et meurtrière se greffe une romance plus traditionnelle entre Earp (alors marié) et l’actrice de théâtre Josephine Marcus. Un aspect romantique collant de près aux véritables événements (Earp a effectivement trouvé en Joséphine la femme de sa vie, allant jusqu’à la suivre à Hollywood au début du 20ème siècle) mais qui s’avère finalement être un des seuls défauts notables du métrage (ça et quelques menues incohérences) tant il entraîne de légères baisses de rythmes. Pour autant le film se suit avec grand plaisir, George Pan Cosmatos y faisant la démonstration d’un savoir-faire indéniable (tout tâcheron qu’il fut, l’homme avait déjà une sacrée filmo à son actif), magnifiant son cadre et ses personnages tout en alignant les morceaux de bravoure. Que ce soit cette altercation dans le saloon ou ce duel final, en passant bien sûr par la fameuse fusillade à OK Corral, chaque événement relaté ici participe grandement à l’évocation de ce Far West sauvage et légendaire, celui-là même que voulait imprimer John Ford suite au meurtre de Liberty Valance. D’autant qu’ici, Cosmatos s’appuie sur une distribution prestigieuse, riche en seconds couteaux de renoms (Michael Biehn, Stephen Lang, Powers Boothe, Billy Zane, Michael Rooker, Bill Paxton, Sam Elliott, Charlton Heston et j’en oublie) dominé par un Kurt Russell royal, prêtant tout son talent et son charisme au légendaire Wyatt Earp.

Mais s’il y a bien un acteur qui se distingue du reste du casting, c’est bien la vedette déchue Val Kilmer, lequel incarne ici le méconnu John “Doc” Holliday, un marginal tuberculeux, ancien dentiste de son état, et dont l’érudition délectable en fait à priori un homme raffiné… si ce n’est que le bougre ne vit que de jeu, de menus larcins et d’excès en tous genres. Sa réputation de tireur émérite le précède tout au long du film et demeure finalement un atout incontestable pour prêter main forte à son ami Wyatt Earp et ses frères. On finit d’ailleurs par guetter chacune des apparitions de ce personnage tant son attitude désinvolte et cynique, voire carrément suicidaire (“I’m your huckleberry“) contraste furieusement avec la mélancolie qu’il tente désespérément de noyer dans l’alcool. Auparavant interprété par des acteurs aussi prestigieux que Kirk Douglas, Jason Robards ou encore Stacy Keach, le personnage de Doc Holliday trouve ici en l’acteur Val Kilmer certainement sa meilleure incarnation à ce jour. Kilmer, dont il est regrettable que la carrière ait déclinée si vite dès la fin des 90’s, n’en reste pas moins un comédien de grand talent et il le prouvait indéniablement à travers ce rôle extrêmement ambigu qui lui valut d’ailleurs à l’époque le golden globe du meilleur acteur.

A l’aune du déclin supposé du western sous toutes ses formes, Tombstone fut longtemps considéré comme une oeuvre anachronique, convoquant une multitude d’archétypes classiques allant du valeureux marshall aux criminels sans foi ni loi, en passant par le marginal héroïque et l’inévitable duel final. Mais loin de se vautrer dans un éventail de clichés (contrairement au Wyatt Earp de Lawrence Kasdan sorti un an plus tard), Tombstone se démarque de ses prédécesseurs par ce côté épique et flamboyant que l’on croyait alors définitivement révolu et par cette façon de sublimer l’Amérique des légendes. Ce qui fait de cette oeuvre non seulement le meilleur film de son réalisateur (et de loin) mais aussi l’un des westerns les plus importants de la fin du dernier millénaire, voire de l’histoire du cinéma.

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