C’est en regardant le très dérangeant Henry Portrait of a serial-killer que Martin Scorsese eut l’idée improbable de proposer le script de Mad Dog and Glory à son réalisateur John McNaughton. Sortant d’un cuisant échec commercial avec son second long-métrage The Borrower, McNaughton vit là l’occasion inespérée de travailler pour l’un de ses réalisateurs préférés et, par la même occasion, de sortir du circuit indépendant. C’est évidemment Scorsese qui pensa tout de suite à De Niro pour le rôle principal et ce dernier accepta sans problème, voyant en ce rôle le moyen de rompre momentanément avec son image d’éternel mafieux du 7ème art. C’est d’ailleurs De Niro qui proposa le rôle du caïd Milo à un acteur de pure comédie, l’inimitable Bill Murray. Quant à Uma Thurman, n’étant pas encore très connue à cette époque, elle décrocha le rôle lors d’une simple audition. Et John McNaughton de s’atteler alors au tournage du film le plus hollywoodien de sa carrière.

A mi-chemin entre le polar mafieux et la comédie policière, Mad Dog and Glory dresse le portrait de Wayne Dobie (De Niro), un photographe légiste de la police criminelle de New York. Pleutre et timide, il est ironiquement surnommé Mad Dog par ses collègues pour son incapacité à faire face à la moindre situation de conflit. Un soir pourtant, il se trouve par hasard dans une supérette quand le gérant se fait braquer. Il s’interpose et sauve la vie d’un client qui s’avère être Frank Milo (Bill Murray), un parrain de la pègre qui en signe de reconnaissance lui manifeste sa prétendue amitié et lui présente une de ses gagneuses, une certaine Glory…

Ne tournons pas autour du pot, Mad Dog and Glory n’est rien de moins qu’une totale réussite dans son genre. Moins drôle qu’on pourrait le penser, le film s’articule autour de la rencontre, de l’amitié et du conflit entre un flic inoffensif et un caïd de la mafia. Car en lui présentant la belle Glory, Milo n’avait pas prévu que Wayne en tomberait éperdument amoureux au point de vouloir lui soustraire sa gagneuse. La reconnaissance d’un criminel a ses limites et le timide Wayne Dobie devra apprendre à faire face aux conflits. Robert De Niro brille comme toujours dans ce rôle à contre-emploi de flic effacé et sans envergure, très loin de ses rôles légendaires de terreur de la pègre italo-américaine. Face à lui, Bill Murray excelle dans le rôle inattendu d’un mafieux cynique et blasé. On retrouve avec plaisir les mimiques irrésistibles de l’acteur, sa gouaille inimitable et son expression indolente. Au centre du conflit, Uma Thurman, qui s’était jusqu’alors coltinée pas mal de seconds rôles (Les liaisons dangereusesSang chaud pour meurtre de sang froidJennifer 8), trouve ici un de ses premiers grands rôles, quelques mois avant d’exploser dans le Pulp Fiction de Tarantino. Le film vaut également pour la présence de David Caruso qui incarne ici un flic teigneux et pugnace, véritable contre-point du protagoniste tout en étant son meilleur allié. La scène en fin de métrage où il se met sur la gueule avec le bestiau Mike Starr qui joue le bras droit de Milo est juste jubilatoire.

Au final, John McNaughton signait un véritable petit bijou de comédie douce-amère à des lieues de la noirceur de ses précédents (et futurs) long-métrages. Tout aussi drôle qu’émouvant, Mad Dog and Glory est de ces films méconnus dont on ne soupçonne pas la réussite et qui méritent largement d’être (re)découverts.

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