On oublie souvent que Maupassant, en plus d’être l’auteur de superbes récits réalistes et romantiques, était aussi un nouvelliste de génie dont les obsessions récurrentes transparaissaient dans de nombreuses nouvelles fantastiques (La nuitL’endormeuseLui ?) dont la plus célèbre reste évidemment Le Horla. Obnubilé par les notions de folie et de solitude (chez lui, l’une ne va pas sans l’autre), tourmenté par l’angoisse de la déréliction et de la mort, Maupassant aura habilement joué de ces thèmes pour faire surgir au détour de nombreux récits méconnus, le fantastique le plus subtil et le plus angoissant. Une de ses superbes nouvelles parmi tant d’autres a pour titre L’Auberge et fut publiée en 1886. Maupassant nous y raconte la déchéance physique et morale d’un jeune guide resté seul gardien d’une auberge isolée au sommet d’une montagne en pleine saison des neiges. Fidèle à ses obsessions, l’auteur y étudie à nouveau les répercussions d’un trop long isolement sur la psyché humaine, préfigurant du même coup avec près d’un siècle d’avance le sous-texte existentiel du Shining de Stephen King. Car s’il est une certitude pour Maupassant, c’est que l’isolement absolu et la longue confrontation avec soi-même condamne tout individu à perdre la raison.

Ayant toujours admiré l’oeuvre de Maupassant et en particulier cette facette méconnue de l’auteur, c’est avec une agréable surprise que je découvrais un jour qu’un moyen-métrage d’animation avait été tiré de sa nouvelle suscitée. Je n’arrivais néanmoins pas à le trouver et l’oubliais au fil des semaines et des mois jusqu’à une énième nuit d’insomnie où je tombais par le plus grand des hasards sur sa diffusion tardive (ou matinale) sur Arte.

Judicieusement intitulé Ceux d’en haut, cette courte adaptation de la nouvelle de Maupassant découle avant tout d’un projet de longue haleine mené par Izu Troin. Le jeune réalisateur à dû se battre pendant plusieurs années pour trouver les fonds nécessaires à la réalisation d’un moyen-métrage d’animation qui ne soit pas destiné au jeune public. Et force est de constater que la ténacité et le talent du jeune homme ont fini par payer tant son film s’avère être une remarquable réussite, dont la beauté cafardeuse des images hante longtemps le spectateur après son visionnage.

Condamnant progressivement son protagoniste à une solitude aliénante, le scénario reste fidèle dans les grandes lignes au récit original. A travers les hallucinations de Ulrich et sa crainte de ne pas être réellement seul, on retrouve surtout toute la particularité du fantastique maupassantien qui joue habilement de la perception de la réalité pour induire en erreur le lecteur (désormais spectateur) sur la santé mentale du protagoniste. En découle une oeuvre atmosphérique d’une noirceur sépulcrale, servie par une animation qui, si elle peut paraître surannée, restitue à merveille le lyrisme classique du récit fantastique de Maupassant.

Je ne peux donc que vous inciter à découvrir cet excellent moyen-métrage d’animation, même s’il reste particulièrement difficile à dénicher sur le web. En attendant, vous pouvez toujours privilégier la superbe nouvelle qui lui a servi d’inspiration (disponible notamment dans Le Horla et autres récits fantastiques) et qui offre un tout autre aperçu de l’oeuvre de l’auteur de Bel Ami.

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