En 1984, le succès phénoménal du premier Gremlins laissait augurer d’une suite qui tarda pourtant à voir le jour. En dépit de toutes les propositions de la Warner pour ressusciter les petit créatures, Joe Dante privilégia d’autres projets avant de céder à l’appel du grand studio. C’est finalement six ans plus tard, en 1990 donc, que sortit ce second opus tant attendu. Le succès de Gremlins 2 : The New Batch fut pourtant bien moins retentissant que son aîné auprès du public, au point qu’il fut considéré comme un semi-échec au box-office. On se demande aujourd’hui comment ce fut possible tant cette suite est désormais devenue toute aussi culte que le premier opus.

Délaissant la petite bourgade fictive de Kingston Falls, Gremlins 2 (La nouvelle génération en VF) prend pour cadre la cité de New York et voit les créatures légendaires y investir un gigantesque building prétendument à la pointe de la technologie. Un immeuble où travaille désormais Billy Peltzer et sa copine Kate, tous deux rescapés des événements du premier opus et désormais à la merci d’un tout autre genre de créatures aux dents longues. L’occasion pour Joe Dante de livrer en filigrane une critique jubilatoire de l’Amérique individualiste du début des 90’s, livrée au capitalisme sauvage et à la course à la technologie. Ici, la tour high-tech de Clamp devient sous l’impulsion visionnaire de son propriétaire (John Glover parfait en PDG délirant), une sorte de haut-lieu du post-mordernisme de l’époque où tout est beau et nouveau mais où rien ne marche. Dans ses locaux, se croisent autant de stéréotypes classiques (le présentateur ringard, le scientifique fou, le photographe japonais) que de caricatures savoureuses des exécutifs de l’époque. Une manière comme une autre pour le réalisateur et son scénariste de convoquer le plus de personnages coupables pour mieux s’amuser ensuite à châtier ce petit monde via le saccage des créatures-titre.

Pour autant, Dante ne se prend jamais au sérieux mais préfère plutôt renouveler totalement le concept du premier film, en poussant encore plus loin la comparaison de ses personnages et créatures à ceux qui peuplaient les cartoons d’antan. La séquence d’animation pré-générique ne viendra pas me contredire, elle a d’ailleurs été confiée à un ancien animateur de légende, le regretté Chuck Jones (qui faisait d’ailleurs une apparition fugace dans le premier film). Jamais à cours d’idées (visuelles comme narratives) et ne se fixant aucune limite, le cinéaste va jusqu’à se livrer à une véritable mise en abîme au cours du film, lors d’une séquence où Hulk Hogan surgit soudainement dans le cadre pour prendre à parti les créatures qui finissent par déborder sur le monde réel. Une scène un rien surprenante pour l’époque, remplacée durant des années à la télévision française par une autre, créé pour l’occasion, où John Wayne, dans l’un de ses films les plus mythiques, flinguait du gremlin à coup de répliques corrosives.

Un véritable cartoon-live donc ponctué de multiples références à la pop culture de l’époque, de Dracula à Bugs Bunny en passant par Le magicien d’OzNotre Dame de ParisRambo 2 et Batman (lequel venait de casser la baraque sous l’égide de Tim Burton). A cela vient s’ajouter la prestation jubilatoire de Christopher Lee qui nous ressert son numéro favori de prince des ténèbres, ici en fait un savant fou (le bien-nommé Dr Catheter), pratiquant d’horribles expériences sur des animaux dans un sordide laboratoire de l’immeuble.

Quant aux Gremlins, tout comme Gizmo, ils subissent un certain relooking, propre à appuyer la singularité de chacune des créatures à l’inverse de leur aspect uniforme dans le premier film. Ce choix s’explique avant tout par le refus de Chris Walas d’assurer à nouveau les effets spéciaux animatroniques du film, celui-ci cédant sa place au légendaire Rick Baker qui n’accepta le poste qu’à la seule condition de pouvoir modifier le look des créatures (et de travailler dans son atelier). Et ça marche drôlement bien, le film nous proposant une galerie de monstres reconnaissables à leurs particularités délirantes, de la gloumoute volante à l’araignée géante, en passant par l’imbécile heureux et la créature électrique. Le plus remarquable d’entre tous ces monstres reste cependant le bien-nommé Brain, gremlin au QI surdéveloppé et doué de la parole. Ses réparties hilarantes (en VO comme en VF), à la syntaxe irréprochable, reste parmi mes moments préférés du film.

Au vu de l’ampleur du délire, la plupart des critiques de l’époque se firent moins élogieuses que pour le premier film et le succès de cette suite s’en ressentit très vite. Longtemps considéré comme inférieur au premier film, voire simplement raté, Gremlins 2 a acquis lentement au fil de deux longues décennies, un statut de véritable classique, inclassable et parfaitement représentatif du cinéma de son réalisateur. Car Joe Dante ne s’est finalement jamais départi de son style volontairement cartoonesque et ultra-référentiel, que ce soit dans Panic sur Florida BeachSmall Soldiers ou Les Looney Tunes passent à l’action. Il aura simplement trouvé dans les Gremlins, les parfaits représentants de son style et de son humour si singulier.

On pourrait tout de même s’étonner que la Warner et la Amblin n’en aient finalement tirés qu’une seule suite jusqu’ici (c’est à peine si on nous annonce aujourd’hui le projet d’un troisième opus). Le premier film ayant ravagé le box-office mais provoqué également pas mal de consternations, les producteurs (Spielberg compris) se montrèrent bien plus frileux et prudents dans la conception de cette séquelle qui se révèle finalement, sous la direction d’un réalisateur au sommet de son talent, toute aussi originale sinon plus déviante et débridée que son modèle.

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