En 1992, dans le sillage de la sortie du Batman Returns de Tim Burton, la Warner produit une série animée mettant en scène les exploits du Caped Crusader. Créé par l’animateur Bruce Timm pour la télévision avec l’appui de son collègue Eric Radomski, menée de main de maître par le scénariste et showrunner Paul Dini, la série simplement intitulée Batman puis Batman The Animated Series (puis The Adventures of Batman and Robin) s’ouvrait de manière stupéfiante sur un générique expressionniste rythmé par les cuivres tonitruants du score de Shirley Walker. Une ouverture restée dans toutes les mémoires tant elle donnait parfaitement le ton de la série, entre film noir et intrigue super-héroïque. Le show se démarque ainsi de la vision burtonnienne par son esthétique noire et art déco, directement héritée du comic Dick Tracy et de l’antique série animée Superman des frangins Fleischer. Le trait des personnages est anguleux, taillé à la serpe, les décors ont des perspectives monumentales et font de Gotham City une mégapole intemporelle, à jamais perdue entre modernité et années 50. Ici, le ciel nocturne se nappe invariablement de couleurs écarlates et inquiétantes, le monde diurne n’existe plus et l’ambiance parfois lourde et oppressante achève de faire de la série un spectacle à part, au point de ne plus s’adresser seulement aux enfants mais à tous les âges.

Chaque épisode se voit consacré à l’affrontement entre le justicier et l’un de ses adversaires. L’occasion de retrouver une galerie de méchants allant des plus illustres (le Joker, Double Face, L’Epouvantail) aux plus méconnus (Le Roi du Temps, Maxie Zeus, Le Ventriloque). Le traitement ne prend jamais le spectateur pour un idiot et surprend en se refusant parfois le moindre manichéisme, faisant des adversaires de Batman (le Joker en reste l’exception), des êtres tragiques et grotesques, dont les aspects révèlent la teneur de leurs contradictions et de leurs souffrances morales. Certains segments se posent ainsi comme de véritables petits bijoux de narration (twists finaux à l’appui) et de dramaturgie à l’image de ce double épisode Double jeu consacré à la métamorphose du procureur Harvey Dent en Double Face, celui intitulé Bas les masques nous révélant les origines tragiques de Gueule d’argile ou encore l’épisode Baby-Doll nous présentant le personnage de Mary Dahl/Baby-Doll et dont le final restera parmi les plus bouleversants qu’un épisode de dessin animé puisse offrir.

S’appuyant sur un casting vocal luxueux et de grande qualité (Kevin Conroy en Bruce Wayne, Mark Hamill en Joker, Adrienne Barbeau en Catwoman, Roddy McDowall en Chapelier Fou, Ron Perlman en Gueule d’argile), la série aura prospéré durant une bonne partie des années 90 au fil de quatre saisons de 85 épisodes, sans jamais démériter et se sera conclue dans une indifférence relative au désintérêt du public pour le personnage (dû aux adaptations catastrophiques de Schumacher au cinéma). Sa récente redécouverte par une multitude de fans aux critiques élogieuses témoigne de la qualité et de l’influence qu’aura eu cette série animée hors-norme dans le paysage audio-visuel. Elle aura en outre donné le film d’animation le plus somptueux consacré au Dark Knight, Batman contre le Fantôme masqué, adaptation officieuse du comic Batman : Year Two.

Désormais considérée comme une série culte, cette adaptation d’une beauté formelle et narrative toujours aussi sidérante mérite amplement sa réputation de grand classique de l’animation.

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