Le générations se suivent et les influences restent. En 2004, le film de zombies est en plein renouveau. Cette ré-interprétation du mythe initiée par 28 jours plus tard (qui n’est pas vraiment un film du genre) sera poursuivi par Snyder et son remake honorable de Zombie et par le pape du genre, Romero him-self qui voit à ce moment-là l’occasion de ressusciter ses morts de prédilection pour brocarder à nouveau les travers de son époque dans l’inégal Land of the dead. Entre-temps, les duettistes anglais Wright et Pegg, connus dans leurs contrées pour leur série Spaced, se lancent dans la conception de leur premier film pour le cinéma. Les incorrigibles geeks qu’ils sont, se tournent alors vers le genre du film de zombies et ont l’idée de livrer le premier métrage du genre à proposer une diversité de tons des plus réjouissantes.

Shaun of the dead se présente avant tout comme un véritable hommage au genre, respectueux sans sombrer dans la déférence mais détournant malicieusement les codes propre à ce type de films. Privilégiant l’humour et l’émotion aux débordements graphiques attendus, le film suit avant tout le parcours de son protagoniste, Shaun (Simon Pegg), un jeune trentenaire effacé et versatile, partagé entre l’amour qu’il éprouve pour sa petite amie (laquelle l’incite à gagner en maturité) et son amitié indéfectible avec Nick, grand enfant paresseux et irresponsable. Les événements apocalyptiques du film vont ainsi servir de catalyseur, coupant cours au questionnement existentiel de notre héros pour l’inciter à faire face à ses responsabilités. Sa trajectoire (et dans une moindre mesure celle de Nick) illustre au final une totale inversion des valeurs modernes en transformant un personnage sans envergure et un sympathique loser en véritable figure héroïque, propre à s’imposer comme l’improbable leader de tout un groupe de survivants. Une métamorphose qui s’opère dans le feu de l’action et qui se trouve renforcée par le sacrifice de plusieurs personnages chers au héros. Une manière comme une autre pour les auteurs de l’affranchir des derniers vestiges de sa jeunesse.

Ainsi, sans jamais céder à un humour vulgaire et outrancier, Edgar Wright illustre à merveille la trajectoire de son protagoniste en trouvant le parfait équilibre entre comédie potache, horreur jubilatoire et séquences émotionnelles. De quoi hisser le film à un statut d’oeuvre à part entière et non à une simple parodie du genre.

Mais au-delà de ce traitement narratif, les auteurs ne nient jamais leurs principales influences. Ainsi, leur métrage tout aussi bien emballé et écrit puisse-t-il être, propose aussi en filigrane un certain questionnement sociologique, directement hérité quand à lui de la trilogie des morts de Romero. L’iconographie du zombie symbolise ici les travers d’une société (anglaise, mais doit-on vraiment limiter son propos à ce seul pays ?) aveuglée par le quotidien et des priorités d’ordre purement consuméristes. Au point que lorsque la catastrophe survient, personne ne semble s’en apercevoir, pas même le héros, tellement enlisé dans sa routine qu’il ne prête plus la moindre attention à son environnement. Edgar Wright ne manque pas d’idées pour soutenir son propos, encore moins d’humour et parsème son film de séquences toutes aussi jubilatoires les unes que les autres (et pas si anodines qu’on pourrait le penser) dont celle où les deux “héros” se résignent à sacrifier de manière sélective leur collection de vinyles pour s’en servir comme projectiles sur les zombies ou encore celle où les survivants “empruntent” la fameuse Jaguar du beau-père de Shaun. Mais le propos de Wright prend réellement tout son sens lorsqu’il livre en début de métrage, un véritable quiproquo visuel, filmant à quelques minutes près deux plans-séquences jumeaux qui mettent en parallèle l’avant et l’après-catastrophe. Un tour de force stylistique et narratif relevé par le jeu inspiré du comédien Simon Pegg, que le monde entier découvrait à cette occasion. A ses côtés, une troupe d’acteurs attachants dont Nick Frost, éternel troisième compère, et Bill Nighy dans le savoureux rôle secondaire du beau-père autoritaire du héros.

Tout ce joyeux petit monde (à quelques sacrifices près) se barricade bientôt dans le seul refuge évident et qui symbolise à lui-seul tout le propos du film. Le dernier acte s’articule ainsi comme un traditionnel huis-clos, dans la droite lignée des films du genre, une unité de lieu bientôt assiégée par des hordes de zombies auxquels il semble impossible de pouvoir échapper. A moins qu’un potentiel deus ex machina fasse irruption à point nommée.

La conclusion verse alors dans la pure satire sociale et conclut de la manière la plus logique qu’il soit le parcours de Shaun. Pour autant, Wright se refuse à nier l’immaturité de son protagoniste et nous offre un épilogue des plus savoureux, propre à réveiller chaque enfant qui sommeille en nous.

Premier (et meilleur opus) de la trilogie Cornetto, encensé par Romero lui-même (qui offrit d’ailleurs aux deux auteurs un fugace caméo au début de Land of the dead), Shaun of the dead s’impose donc désormais comme un classique incontournable du genre, qui tout en révélant le talent des ses auteurs et interprètes, aura largement contribué au renouveau d’un mythe moderne qui continue de nourrir l’imaginaire collectif dix ans plus tard.

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