Fin du dernier siècle. Comme pour palier au retour décevant des Jedi au cinéma, un film de SF au pitch plus qu’intrigant et aux images hallucinantes créé la surprise au box-office. Second long-métrage des surdoués Wachowsky brothers après leur excellent BoundMatrix s’apparente pour le public d’alors à un véritable choc visuel, préfigurant avec maestria par la puissance iconique de ses images et sa parfaite maîtrise des effets spéciaux d’alors, toute la stylisation du cinéma d’action et de science-fiction à venir. Qu’on se le dise, les exploits cinégéniques de la tripotée de super-héros qui jouent des coudes sur nos écrans depuis plus de quinze ans ont largement été influencés par la force de l’iconisation déployée dans Matrix. J’en veux pour preuve ces scènes d’action du premier X-Men de Bryan Singer qui furent retournées et remontées au dernier moment de manière à ne pas paraître trop ridicules en comparaison avec celles du chef d’oeuvre des Wachowski.

Véritable pierre angulaire du cinéma d’action du nouveau millénaire, dont l’impact modifia durablement toute la production hollywoodienne qui suivit, Matrix s’attira néanmoins autant de fans que de détracteurs. Certains crièrent évidemment au repompage mécanique et aseptisé de tout un pan de la cinématographie orientale (HK movies et animes japonais). De leur côté, les lecteurs assidus de SF relevèrent de nombreux emprunts évidents aux oeuvres de leurs auteurs préférés, William Gibson (la trame et les protagonistes de Matrix sont largement inspirés de son roman Neuromancien) et Philip K.Dick en tête. Sans parler de l’influence évidente du cinéma de James Cameron (l’homme face à la machine) que l’on retrouvera plus explicitement dans les deux suites du film (outre le même fétichisme du flingue, de la taule et des lunettes noires, la trilogie Matrix cite de manière évidente des passages entiers de Aliens et de T2).

Mais peu importe finalement tous ces emprunts, car en cette fin de siècle, les Wachowsky capturaient ce très large faisceau d’influences pour livrer un spectacle totalement inédit sur les écrans. Les formidables téléscopages visuels de Matrix (brassant allègrement combats surréalistes dignes des meilleurs animes japonais et esthétique noire influencée par les courants gothiques et cyberpunks) eurent vite fait de conquérir tous les publics du monde. Il est dès lors bien regrettable que les deux suites du film n’arrivent jamais à renouer avec l’excellence formelle et narrative du premier opus. A trop citer leurs référents, les Wachowski ont simplement perdu le fil et le rythme de leur histoire, incapables alors de concilier leurs ambitions thématiques avec le spectacle que réclamait le public d’alors, lequel se détourna très vite du phénomène.

Impossible néanmoins de nier aujourd’hui à ce premier opus son statut de chef d’oeuvre absolu du cinéma de genre. Par la puissance évocatrice de ses images et l’agglomération de ses nombreuses influences, Matrix premier du nom concluait magistralement les avancées technologiques et artistiques du vingtième siècle pour ouvrir le cinéma d’action et de science-fiction vers de nouveaux horizons.

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