Après le carton mondial de son premier long-métrage District 9, sorti en 2009, Neill Blomkamp (le futur réal d’Alien 5 ou plutôt d’Aliens 2) ne tarda évidemment pas à être approché par les studios hollywoodiens et c’est finalement Sony qui lui mit le grappin dessus. Ambitieux et jaloux de son indépendance, Blomkamp a su très vite imposer ses conditions, refusant de s’embarquer dans une quelconque franchise pour porter à l’écran un récit “original” qu’il a lui-même imaginé, conçu, écrit, ré-écrit, dessiné, etc… On sera pourtant en droit de douter de l’originalité du pitch de son second film, Blomkamp ne faisant qu’y reprendre à son compte le contexte du manga Gunnm qui attend d’ailleurs toujours d’être porté par James Cameron lorsque celui-ci aura finit de faire mumuse à Pandora. On y retrouve la même Terre dévastée, victime de la pollution et de la surpopulation. Los Angeles y est devenu une mégapole miséreuse, plus proche de Bogota que de la Cité des Anges, aux antipodes de ce qu’est Elysium, une station spatiale paradisiaque à plusieurs kilomètres de la Terre et qui n’abrite que les personnes les plus aisées et les plus importantes. On en revient donc à ce clivage Dukutetsu-Jéru/Zalem, ce gouffre social qui sépare les deux cités et cette terre abandonnée aux plus démunis (sans compter la profusion de robots occupant dans les deux oeuvres des fonctions administratives, policières et médicales).

Mais là où Yukito Kishiro avait l’intelligence de ne pas appuyer tout son récit sur cette seule métaphore Nord-Sud (Zalem restait hors champ jusqu’à Last Order) et s’en servait au contraire comme d’un catalyseur aux motivations des personnages, Blomkamp lui accentue un peu trop cette géographie sociale inégale et en oublie ainsi toute subtilité narrative. Du coup, le stéréotypage des personnages devient beaucoup trop évident, surtout côté bad lequel déçoit franchement entre un Sharlto Copley en roue libre et une Jodie Foster qui nous avait habitué à des personnages bien moins simplistes (son personnage est méchant et égoïste parce qu’il le faut pour préserver Elysium, point barre). Reste le personnage de Matt Damon, un rien mieux écrit et donc bien plus convaincant. Uniquement motivé par sa seule survie après qu’il ait été exposé à une dose létale de radiations, Max est avant tout déterminé à atteindre Elysium pour y profiter de sa technologie médicale avancée et quasiment miraculeuse. Il abandonnera progressivement tout reste d’égoïsme pour s’imposer comme le sauveur d’une humanité suffocante. Le premier problème est que la quête personnelle du héros annihile toutes les perspectives géopolitiques que semblait nous promettre les 20 premières minutes du film. Elysium oublie facilement toute l’ampleur de son background pour ne se concentrer que sur le périple d’un anti-héros luttant simplement pour sa survie.

Dès lors, il devient évident que le scénario de Blomkamp est clairement le grand défaut du film, le réalisateur-scénariste ayant à l’évidence compensé son manque d’inspiration par le recyclage pur et simple du script de son précédent film. Elysium reprend ainsi des tas d’éléments narratifs et contextuels à District 9, que ce soit cette immigration clandestine et ce refus d’accès aux soins qui remplacent l’allégorie de l’apartheid, l’exosquelette qui succède à l’armure robotisée, le même type de bidasse sadique en guise de bad guy, la même dégénérescence progressive des héros des deux films, tous deux d’ailleurs traqués pour ce qu’ils représentent…

Qui plus est, le film regorge d’incohérences et de facilités narratives parfois embarrassantes. Je pense en particulier à la scène où Max, alors traqué par une bande de mercenaires, sort du domicile de son amie d’enfance et se fait immédiatement repérer par un drone qui passait par là pile-poil à ce moment précis dans une mégapole de plusieurs centaines de kilomètres. Il y a également à la fin ce grotesque deus ex machina voyant l’un des potes informaticien du héros débarquer sans encombre sur Elysium alors que tout le monde a ramé jusque-là pour ne serait-ce qu’approcher la station. Blomkamp ne sachant visiblement comment résoudre son intrigue, il fait simplement appel à ce personnage plus que secondaire en toute fin d’histoire pour pirater l’ordinateur central de Elysium et sauver in extremis la situation.

Ce manque évident d’inspiration et de rigueur scénaristique aurait pu largement nuire à la crédibilité du film si Blomkamp n’avait toutefois pris soin d’élaborer un univers visuellement cohérent, s’appuyant sur un production design foisonnant qui renoue largement avec le côté hardcore d’une science-fiction devenue trop rare à l’écran. Des bas-fonds étouffants d’une L.A. méconnaissable à la verdure paradisiaque d’Elysium, le réalisateur se plaît à nous faire passer d’un monde à l’autre, comme pour accentuer visuellement sa faible métaphore. Dès lors, impossible de ne pas reconnaître le formidable travail du réalisateur et de son équipe sur les environnements futuristes des protagonistes, d’autant qu’ils deviennent souvent le théâtre de séquences d’action puissantes et incroyablement cinégéniques. Voir à ce sujet l’attaque du vaisseau de Carlyle ou encore ce climax sur les hauteurs d’Elysium, les corridors de la station spatiale évoquant à eux-seuls les grandes heures de la SF cameronienne.

Toutes ces qualités formelles ne suffisent pourtant pas à faire oublier les carences d’une intrigue finalement sans envergure. En l’état, Elysium n’est qu’un bon film de science-fiction, spectaculaire et visuellement somptueux mais qui aurait mérité un scénario plus exigeant. Un très beau gâchis en somme.

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