Premier film, premier coup de maître. Autant le dire tout de suite, The Chaser est de ces uppercuts cinématographiques capables de vous laisser longtemps un spectateur KO devant l’écran. Un chef d’oeuvre du cinéma sud-coréen (un de plus) dont la portée dramatique n’a d’égale que la forme irréprochable.

A Séoul, Mi-Jin est une jeune mère célibataire, se prostituant pour subvenir aux besoins de sa famille. Alors que plusieurs de ses “collègues” semblent s’être volatilisées, elle est contrainte par son employeur, Jung-Ho (Kim Yoon-seok), d’accepter de rencontrer un mystérieux client le soir-même. D’apparence banale et inoffensive, ce dernier (Ha Jung-woo, parfait de froideur cruelle) se révèle finalement être un tueur sadique et impuissant, responsable de la disparition des autres prostituées travaillant pour Jung-Ho. Après la disparition de Mi-Jin, le proxénète se met en tête que toutes ses gagneuses disparues ont simplement fuit la ville avec l’argent qu’il leur avait avancé. Parti à la recherche de Mi-Jin à travers la ville, son chemin va bientôt croiser celui du tueur…

En s’inspirant d’une affaire criminelle qui a défrayé la chronique judiciaire en Corée du Sud, Na Hong-jin signe un long-métrage dont l’excellence formelle et narrative aura fait l’unanimité dès sa sortie en salles, le film ayant été notamment acclamé aux festivals de Cannes 2008 et de Deauville 2009. Ainsi, tout comme Old Boy en son temps, The Chaser eut vite fait de séduire les critiques du monde entier, s’imposant alors comme un nouveau classique instantané en provenance du Pays du Matin Calme. Et cela reste compréhensible tant le film frôle l’excellence.

Collant au plus près à la trajectoire de ses personnages, le réalisateur réussit à alterner les tons et les genres en seulement deux heures de métrage, son suspense policier glissant progressivement vers la chronique sociale la plus abrasive dès lors que le scénario prend une direction inattendue. Car il s’agit ici moins de décrire la traque d’un tueur qu’à prouver sa culpabilité. Et cela, sans jamais perdre de vue l’enjeu principal, à savoir localiser la maison du tueur et sauver la prostituée. Un suspense à priori simpliste qui ne faiblit pourtant pas une seule seconde et que le réalisateur et scénariste alimente de circonvolutions socio-politiques censées dénoncer les failles d’un système judiciaire hypocrite et absurde, livré à la corruption et aux turpitudes de toutes sortes.

Dans cette haletante course contre la montre, essentiellement filmée de nuit, le réalisateur substitue à notre regard le point de vue d’un héros improbable, proxénète de profession et donc enfoiré par essence. Mais tout aussi pourri puisse être au départ Jung-Ho, le personnage ne cessera d’évoluer et de s’humaniser au fil du film, passant du mac, déterminé à retrouver sa gagneuse et son fric, à un justicier implacable prenant soudainement conscience de la dignité humaine de la jeune femme qu’il tente à tout prix de sauver des griffes d’un véritable monstre à visage humain.

Autant dire que nous rendre sympathique un tel anti-héros n’est pas un des moindres exploits de cette formidable chronique criminelle qui aligne méthodiquement les scènes d’anthologie jusqu’à nous asséner cette conclusion inexorable et bouleversante.

Avec ce premier film, Na Hong-jin se hissait donc déjà au niveau des plus grands, livrant une oeuvre d’une puissance émotionnelle sidérante et rarissime, de celles qui marquent à jamais la vie d’un cinéphile. Un must absolu et incontournable, une oeuvre majeure du cinéma contemporain.

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