Après sa comédie criminelle Down Terrace (2009), le briton Ben Weathley change radicalement de registre avec ce second film. Kill List aura en effet beaucoup fait parler de lui à l’occasion de différents festivals, non seulement pour son approche viscérale de la violence mais aussi pour cette façon insidieuse de glisser progressivement d’un genre à l’autre.

L’exposition prend habilement le contre-pied des conventions en nous présentant les protagonistes, tous rassemblés au cours d’un repas entre amis. Au cours de leurs échanges d’un bout à l’autre de la table, le spectateur en apprend en très peu de temps suffisamment sur le background et les liens qui unissent les personnages. Jay est un ancien militaire longtemps reconverti en tueur à gages. Après l’échec d’une mystérieuse mission à Kiev huit mois plus tôt, il a décidé de raccrocher et de se consacrer à sa famille. Las, il doit désormais faire face aux remontrances de son épouse, ancienne bidasse elle-aussi, et qui lui reproche de ne pas être capable de trouver un emploi pour subvenir aux besoins de sa famille.

Ce dîner d’ouverture dégénère rapidement en querelle de couple et ce en présence de Gal, le meilleur ami de Jay ainsi que sa compagne du moment, une dénommée Fiona. Celle-ci profite de la dispute pour s’éclipser dans une autre pièce de la maison et tracer un signe mystérieux derrière un miroir. Un geste tout aussi étrange qu’inexplicable et qui semble annoncer le pire.

Conscient de la situation précaire de son ami, Gal propose alors à Jay de refaire équipe avec lui afin d’exécuter trois contrats successifs figurant sur une liste pour le compte d’un mystérieux employeur. Contraint par la situation, Jay accepte…

D’une noirceur sans concessions, ce polar nous met sur les traces de ce duo de tueurs et s’intéresse plus particulièrement à la trajectoire de Jay. Ben Weathley dresse le portrait ambivalent d’un personnage incapable de s’adapter durablement à la vie civile. D’abord réticent à l’idée de reprendre son travail de tueur, Jay révèle peu à peu au cours de l’intrigue et de ses mises à mort successives, la personnalité d’un exécuteur froid et vindicatif, non dépourvu d’une certaine éthique. Par l’importance qu’il prend au fil de l’histoire, Jay relègue finalement Gal son comparse d’infortune au second plan, un personnage que tout semblait pourtant désigner au départ comme l’ascendant du duo.

Au cours d’une intrigue que beaucoup pourront juger un peu lente, les tueries successives, brutales certes mais jamais complaisantes, en révèlent à chaque fois plus sur la personnalité ambivalente d’un protagoniste pétri de contradictions et d’états d’âmes. Ainsi, Jay se transforme-t-il en une sorte de justicier lorsqu’il découvre sur une bande vidéo les atrocités commises par l’une de ses cibles qu’il finit par massacrer à coups de marteau.

Moralement éprouvé par cette série d’assassinats et la découverte des abominables secrets qu’ils sont censés couvrir, Jay plonge progressivement dans une spirale infernale dont il lui semble bientôt impossible de pouvoir s’extraire.

Car non sans jamais perdre de vue la trajectoire dramatique de son protagoniste, Wheatley aura pris soin de parsemer son intrigue de différents indices plus ou moins inquiétants qui préparent habilement un changement de cap thématique tout aussi radical que surprenant au cours du dernier tiers de son film. Empruntant alors à l’imagerie et aux thèmes d’un Wicker Man, Wheatley filme en filigrane une société anglaise en pleine déchéance sociale et religieuse dont le degré de dévolution se mesure à ce retour effroyable aux cultes païens des anciens temps.

Toute la force de Kill List réside dans cette montée en puissance dans l’horreur, accentué par le dérèglement mental d’un protagoniste qui atteint son apogée dans un final des plus retors et mémorable. Pour autant, le film de Weathley n’est pas dénué de défauts, la lenteur de l’intrigue pourra agacer plus d’un spectateur et le dernier acte pâtit bel et bien de quelques facilités et incohérences (les agresseurs “masqués” sont soit suicidaires soit simplement stupides, à chaque spectateur de se faire son opinion).

Le fait est que l’on ressort totalement secoué de ce film, tant à cause de sa violence et de la perversité de son scénario que par son atmosphère hautement dépressive. Kill List s’avère être une plongée éprouvante dans un cauchemar psychologique et social duquel certains spectateurs ont des chances de ne pas ressortir indemnes.

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