A la fois portrait d’une société qui se reconstruit sur de mauvaises bases et métaphore de la frustration adolescente, Akira est le film qui aura su imposer et exporter l’animation nippone à travers le monde tout en lui donnant une crédibilité artistique. Filmé avec un sens du détail et une virtuosité ahurissante, le chef d’oeuvre d’Otomo n’en finit plus de subjuguer les générations de cinéphiles tant la qualité de son animation n’a d’égale que la multiplicité de thématiques qu’il traite.
La jeunesse désoeuvrée d’un futur dystopique se trouve ici prise en étau entre les idéologies politiques de militaires et d’activistes révolutionnaires. Au centre des enjeux, une solide amitié quasi-fraternelle qui éclate sous l’effet de la frustration et du déni affectif. Tetsuo n’est finalement que l’incarnation de tous les offensés qui se découvrent le pouvoir de la révolte, dérivant dangereusement vers l’auto-destruction. Face à la puissance destructrice du jeune homme, se dresse son meilleur ami d’enfance, Kaneda, que Tetsuo a toujours jalousé. Un complexe d’infériorité qui va entraîner une inversion des rapports de force et un chaos social auquel seul saurait répondre le légendaire Akira. Celui-ci, figure messianique par excellence, apparaît ici très peu en comparaison du manga original, bien plus limpide dans la résolution de ses enjeux (il faut à ce titre rappeler que Otomo réalisa le film avant d’avoir pu conclure son manga, d’où une conclusion ici moins évidente). Mais le film ne mérite pas pour autant d’être constamment comparé à son modèle et se regarde toujours avec la même fascination qu’il y a vingt-cinq ans. D’autant que le film d’Otomo ne paraît aucunement dépassé par l’animation moderne, l’audace visuelle et narrative de son auteur plaçant son oeuvre, un cran au-dessus de toutes les autres. Qui plus est l’influence d’Akira est désormais visible dans nombre d’autres oeuvres et pas seulement au cinéma. Le manga, la BD en général, la littérature, le jeu vidéo et quantité de films s’en sont ouvertement inspirés en plus de deux décennies d’héritage.

Porté par un score expérimental aux résonances tribales, le film impose le savoir-faire d’un mangaka devenu réalisateur de génie. Bien qu’ayant plusieurs fois fait la démonstration de son immense talent (MemoriesSteamboy), Otomo ne fera jamais mieux et son nom restera à jamais indissociable de son brûlot cyberpunk.

Et bien que certains aspects de l’intrigue puissent encore paraître nébuleux pour ceux qui n’auront jamais eu le manga entre les mains, impossible de ne pas vibrer devant l’ampleur visuelle et narrative d’un tel spectacle cinégénique. Akira est donc un de ces films qui marquent à jamais la rétine et l’esprit de son spectateur, par la splendeur intemporelle de son animation et la complexité de son propos. Un chef d’oeuvre insurpassable du cinéma d’animation.

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