Trois ans après la claque visuelle que fut le premier Matrix sortait dans l’indifférence la plus totale, cet Equilibrium dont l’accroche et l’affiche semblaient nous promettre un authentique plagiat du film des Wachowski. A tort, tant le film de Kurt Wimmer (Ultraviolet) est en réalité plus un véritable film d’anticipation qu’un simple décalque cyberpunk des aventures de Néo.

L’histoire d’Equilibrium nous décrit une société future dystopique et post-apocalyptique où toute forme de pensée et d’expression sont devenues prohibées. Les citoyens sont sommés de prendre un traitement canalisant leurs émotions et suivent aveuglément les décisions d’un chef suprême dont l’image évoque ouvertement celle du Big Brother orwellien. Les mouvements dissidents révolutionnaires sont invariablement massacrés par les garants de l’ordre de cette société fascisante, des guerriers suprêmes appelés ecclésiastes évoquant pour beaucoup le caractère implacable des juges de Judge Dredd. Bientôt, l’un de ces ecclésiastes (incarné par Christian Bale) est pourtant pris de curieux états d’âme et prend pleinement conscience du régime oppressif dont il est devenu le bras armé. Tout en cachant sa prise de conscience à son nouvel équipier, il se rapproche progressivement des mouvements de résistance…

Certes, Equilibrium peut donner l’impression de bouffer à tous les râteliers, tant au niveau thématique que visuel. Le film emprunte autant à Matrix pour son esthétique martiale (via le kata armé) qu’à 1984 et Fahrenheit 451 pour cette description d’une société dystopique régie par un simili Big Brother qui interdit toute forme de liberté de pensée et d’expression culturelle. L’art et la littérature de l’ancien monde sont donc fortement prohibés et toute oeuvre d’art immédiatement réduite en cendres ainsi que le contrevenant. (Fahrenheit je vous dis). Cela donne lieu à quelques scènes saisissantes où des oeuvres inestimables sont brûlées dans l’indifférence générale par cette police de la pensée. Le plus implacable de ces garants de l’ordre va donc pourtant devenir l’improbable instigateur de la rébellion au détour d’une longue prise de conscience lui rendant toute son humanité. L’occasion de voir le bourreau qu’il était faire progressivement l’apprentissage de l’émotion à l’écoute d’un morceau classique ou face à la cruauté d’une exécution.

La plupart des oeuvres d’anticipation s’appuient avant tout sur la métamorphose morale du protagoniste lequel est généralement seul à prendre conscience du système oppressif dans lequel il vit. A cette prise de conscience succède une forme de révolte individuelle, censée servir d’exemple aux foules (mais généralement destiné à échouer). Un traitement que l’on retrouve en partie appliqué au personnage de John Preston dans Equilibrium, celui-ci ne faisant que succéder, arme au poing, aux Montag, Winston Smith et Sam Lowry l’ayant précédés.

Malgré les limites (parfois évidentes) de son budget, le réalisateur Kurt Wimmer réussit à composer un futur effrayant où l’humanité ne se résume plus qu’à un défilé de fantômes, privés de la moindre émotion et de tous sentiments. Une vision cauchemardesque, directement héritée de la littérature et de certains grands classiques du cinéma, dont on retrouve ici le décorum terne et aseptisé. A ceci s’ajoute évidemment des séquences d’action et de combats que l’on aurait pu trouver superflues si elles n’avaient pas été aussi bien chorégraphiées.

Plombé par une promo catastrophique (“Forget the Matrix” qu’ils ont osé dire à l’époque) le présentant à tort comme un décalque simpliste du film des Wachowski, Equilibrium a fait un four à sa sortie en salles et a depuis largement été redécouvert en vidéo. A raison tant ce film reste un très bon divertissement, reprenant à son compte l’essentiel des propos alarmistes d’Huxley, Orwell et Bradbury sans pour autant y apporter quoi que ce soit de vraiment innovant. Si ce n’est quelques katas-armés et quelques beignes bien-senties.

A (re)découvrir.

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