Ah le vieux fantasme d’avoir des super-pouvoirs. Qui parmi nous n’a jamais rêvé étant môme (ou ado. Ou adulte ?…) d’avoir une particularité hors-normes propre à nous démarquer de nos semblables et nous permettre de transcender notre triste condition d’humains à jamais prisonniers des lois de la physique. Ce fantasme, X-Men (les films tout autant que le comic) les traite pourtant le plus souvent comme un handicap, une singularité honteuse lorsqu’elle devient par trop évidente et qu’il est nécessaire de cacher pour pouvoir se fondre dans la foule et prétendre à la plus banale normalité.

Ses trois films X-Men, Singer en a fait à la fois un plaidoyer modeste (et spectaculaire par essence) pour la différence et une habile métaphore des pages les plus sombres de notre Histoire récente. Ainsi, à la différence des traitements de Vaughn et de Ratner, ce qui caractérise les X-Men réalisés par Singer, c’est ce retour continuel sur le spectre de l’Holocauste et ses répercussions sur la conscience collective via la menace du génocide mutant.

Il décrit un cercle aussi vicieux que perpétuel en nous assénant dans son prologue la vision d’un futur désespéré auquel succède un retour vers le passé en plein milieu des années 70 où se trament déjà les intrigues politiques qui conduiront à l’apocalypse. Dans la continuité du précédent opus réalisé par Matthew Vaughn, ce Days of Future Past s’impose non seulement comme un film de science-fiction uchronique mais également comme un récit de voyage temporel charriant son lot de paradoxes et de situations contradictoires.

Pour ce nouvel opus, Singer impose une nouvelle perspective grâce au prétexte du voyage temporel, qui lui permet de légitimer les liens entre la trilogie initiale et le prequel de Vaughn. Ainsi, ce qui au départ devait être un simple reboot via le First Class de Vaughn devient à travers Days of Future Past rien de moins qu’une suite “alternative”, éminemment plus ambitieuse en cela qu’elle s’attache à associer les personnages de la trilogie originale abandonnée à une conclusion décevante (merci Ratner), à ceux de la préquelle de Vaughn. Le défi était loin d’être gagné, d’autant que malgré toutes ses qualités, First Class comptait nombre de paradoxes propres à contredire sa filiation avec la trilogie originale. Force est pourtant de constater que Singer relève brillamment le défi tant cet opus raccroche efficacement les wagons entre les trois premiers opus et leur préquelle.

Singer rattrape ainsi les bourdes de Ratner et efface les quelques faiblesses narratives du film de Vaughn (en bazardant sans ménagement la profusion de personnages secondaires et inutiles de First Class et en zappant carrément le X-Men Origins Wolverine de Gavin Hood) tout en rectifiant certaines incohérences vis-à-vis de ses deux premiers opus (dont la relation inexistante entre Xavier et Raven qui devient ici primordiale, dans la parfaite continuité du film de Vaughn). Days of Future Past se repose alors sur une alternance d’époques et de personnages que l’on voyait mal cohabiter dans le même film. Le réalisateur profite également de ce retour dans le passé pour convoquer quelques figures connues qui auront plus ou moins d’importance dans les opus antérieurs.

Bien sûr il est des points sur lesquels Singer ne propose aucune réponse et préfère simplement éluder au profit de l’urgence de son intrigue (le vieux Xavier ressuscité d’entre les morts a retrouvé son corps pourtant désintégré par Phoenix). L’exercice scénaristique est tellement périlleux mais si bien accompli que l’on pardonnera aisément ces incohérences finalement sans réelle importance.

(Risque de SPOILER)

Mais là où le film de Singer fait vraiment fort c’est qu’il va jusqu’à nier totalement les événements du X-Men L’affrontement final de Brett Ratner, et ce de manière totalement justifié, dans un épilogue salvateur propre à poser efficacement les bases d’une continuité ambitieuse et légitime par le retour de personnages défunts. Un tel procédé narratif qui élude rien de mois que l’essentiel des événements des opus antérieurs par le simple prétexte du paradoxe temporel relève simplement du jamais vu, ainsi que d’une certaine audace. (Retour vers le futur par exemple proposait une succession de négations et de modifications temporelles mais en revenait finalement à un présent quasiment inchangé).

(FIN DU SPOILER)

Outre ce formidable tour de force scénaristique, d’un point de vue technique et artistique, cet opus est indéniablement le plus abouti, que ce soit pour sa reconstitution irréprochable des années 70 ou pour sa superbe photographie jouant sur un panel de couleurs subtiles mais jamais envahissantes (mis à part dans la partie futuriste).

Qui plus est, Singer nous offre un formidable spectacle de science-fiction, jalonné de séquences d’action ahurissantes que ce soit ce prologue futuriste désespéré ou cette confrontation Magneto-Mystique en plein Londres, en passant bien sûr par la surprenante séquence de l’évasion de Magneto laquelle donne la vedette à Quicksilver, un mutant ultra-rapide pouvant se déplacer à l’insu de tous. Singer surprend ainsi son public à travers la séquence en slow motion suivant le déplacement de Quicksilver au ralenti et décrivant en une longue minute ce qu’il accomplit en une fraction de seconde. Une manière efficace et jubilatoire de mettre en valeur un personnage que l’on peut s’attendre à revoir dans les prochains films de la franchise.

Toutes ces qualités indéniables font-elles de X-Men Days of Future Past le meilleur opus de la saga ?
Pas tout à fait mais cela dépend des préférences de chaque spectateur. Car à mon sens, le film pâtit de quelques défauts essentiellement d’ordre narratif. Il ne s’agit pas ici d’incohérences dues aux paradoxes temporels que draine inévitablement une telle intrigue, mais plutôt du traitement de ses protagonistes et de leurs trajectoires.

Ainsi, si les deux premiers actes confinent à l’irréprochable tant au niveau narratif que visuel, le dernier tiers souffre d’une complication inutile et parfois confuse des enjeux.

De même que le scénario n’apporte aucune véritable nuance au personnage de Magneto (on s’attend à ce qu’il finisse par s’opposer aux héros et c’est évidemment ce qu’il fait), il devient vite lassant de voir Xavier tenter à plusieurs reprises de convaincre Raven que son désir de revanche entraînerait des conséquences futures qui la dépassent. Le choix final de Raven ne surprendra évidemment personne et ce qui aurait dû être un formidable point d’orgue émotionnel laisse place à une séquence totalement convenue. (Risque de SPOILER) Par comparaison le face-à-face final de Eric et de Shaw dans le précédent opus (“Arrête la pièce”) convoquait une foule de sentiments contradictoires tant il impliquait la vengeance d’Eric, le châtiment mérité du bad guy et la complicité involontaire de Xavier dans un meurtre de sang-froid (Fin du SPOILER).

De même, s’il est agréable de retrouver tous les personnages essentiels des opus précédents, il est regrettable que certains soient toujours aussi peu développés (tel Tornade qui n’a jamais été qu’un ressort scénaristique). La profusion de personnages inhérente à la franchise limite clairement la portée émotionnelle lors de certaines scènes purement dramatiques.

Le récit se concentre ainsi essentiellement sur les trajectoires de Wolverine, Mystique, Eric et Xavier, ce qui n’est déjà pas mal. Hugh Jackman reprend son rôle fétiche, plus bad-ass que jamais et maîtrisant à merveille le haussement de sourcil façon Eastwood. Jennifer Lawrence incarne une Mystique parfaite d’ambivalence, toute en sensibilité et en rancune meurtrière. Quant au tandem de frères ennemis Xavier-Magneto, si le couple McKellen-Stewart se contente du strict minimum, l’alchimie entre McAvoy et Fassbender renforce cette notion d’antagonisme contradictoire, et ce même si leur énième et inévitable confrontation n’atteint jamais le degré de puissance espéré.

Mais ces quelques défauts ne sont finalement que des détails tant le film procure son lot de sensations fortes. Singer réalise ici un spectacle haut de gamme tout en livrant en filigrane une humble réflexion sur la différence et le rejet qu’elle implique hélas encore trop souvent. Days of Future Past s’impose dès lors comme l’un des meilleurs opus de la franchise, formidable de maîtrise formelle et narrative, et pose habilement les bases d’une continuité des plus alléchantes. Nul doute que la franchise a encore de beaux jours devant elle et ce même si un certain Apocalypse (dernier opus annoncé de la trilogie) se profile à l’horizon.

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