L’épreuve de force prend pour protagoniste, Ben Shockley, un inspecteur de police de Phoenix, chargé d’escorter et de ramener de Las Vegas, une dénommée Gus Mally, prostituée et témoin essentiel dans un procès contre la mafia. Hélas, la route est longue entre Vegas et Phoenix, et semée d’embûches qui plus est, Shockley et Mally devenant bientôt les proies de tueurs lancés à leurs trousses. En outre, Shockley découvre bientôt qu’un de ses supérieurs est en cheville avec la pègre.

Sorti en 1977, L’épreuve de force est le sixième film de Eastwood en tant que réalisateur. Ce dernier héritait là d’un projet auparavant proposé à Sam Peckinpah et Walter Hill. Il faut d’ailleurs noter que la trame du film sera largement reprise pour le film de Richard Donner, 16 blocs avec Bruce Willis.

Sur une trame minimaliste au possible, Eastwood dresse le portrait conflictuel de deux égarés réunis par le sort et que les événements vont rapprocher. Loin de son rôle bad-ass de l’inspecteur Harry Callahan, Eastwood campe ici un policier faillible et influençable, pris de court par les événements. Alcoolique et misogyne, pétri de préjugés, Shockley n’est pourtant pas dénué d’idéal, croyant dur comme fer en son métier. Confronté à la corruption de sa hiérarchie, il se retrouve seul contre tous, déterminé à mener cette jeune femme saine et sauve au palais de justice de Phoenix. C’est d’ailleurs cette prostituée éloquente qui lui rabaissera le caquet lors d’une dispute et le confrontera à ses illusions, arguant qu’il a été choisi pour la ramener simplement pour le manque de considération de sa hiérarchie. Ainsi confronté au peu d’estime qu’il inspire et à sa propre déchéance, Shockley se remet longuement en cause et se révolte, faisant de sa mission une affaire personnelle.

Face à Clint Eastwood, sa petite amie de l’époque, Sondra Locke, campe une call girl à l’esprit vif et à la verve incisive. Belle mais cynique, elle apparaît surtout comme angoissée et désemparée face aux nuées de tueurs lancées à ses trousses. Son seul appui reste cet inspecteur désabusé et faillible en qui elle voit d’abord un autre macho sans état d’âme avant de s’apercevoir de l’intégrité morale de son protecteur envers et contre tout.

La relation conflictuelle des deux protagonistes laisse apparaître progressivement leurs zones d’ombres, leurs espoirs et leurs désillusions. D’abord orageux, leurs rapports évoluent jusqu’à ce que les deux personnages se complètent et dépendent l’un de l’autre.
Ainsi, tous deux décident d’affronter ensemble une armée de policiers leur barrant l’accès au tribunal de justice. C’est alors au volant d’un autocar, barricadé derrière un blindage de fortune, que les protagonistes bravent une pluie de feux croisés jusqu’aux premières marches du tribunal. La fameuse épreuve de force est pourtant moins cette épreuve finale que cette longue confrontation conjugale, opposant la gouaille tranquille d’une pute à à la naïveté d’un fonctionnaire qui se découvre inutile et méprisé.

Le film n’est pour autant pas dénué de défauts, on relèvera nombre d’incohérences narratives dont des mafieux qui se contentent de canarder une voiture de police dans le désert et partent aussitôt après sans même prendre la peine de vérifier que leurs cibles étaient bien dans la dite voiture. De même, la raison invoquée par le chef corrompu de la police pour réunir autant de flics et les contraindre à faire feu sur le bus n’est jamais explicitée.
Quelques facilités donc qui ne nuisent en rien à l’appréciation du film. D’autant que la réalisation dynamique de Eastwood ajoute à l’impression de fuite en avant de cette cavale existentielle qui culmine dans la mythique séquence finale du bus criblée de balles.

Moins simpliste qu’il en a l’air et loin d’être un énième polar formaté, L’épreuve de force s’impose plutôt comme le portrait croisé de deux êtres abîmés par la vie, réunis par la force des choses dans une seule et même galère. Un bon Eastwood en somme.

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