Narc de Joe Carnahan offre une plongée vertigineuse dans le quotidien des flics de la brigade des narcotiques dans un Detroit déliquescent, une mégapole autrefois fleuron de l’industrie triomphante désormais métropole glaciale et désargentée, gangrenée par la misère, le crime et la drogue.
Suite à une opération d’infiltration qui a mal tourné, Nick Tellis, un flic des narcotiques, se voit réaffecté dans un nouveau service, contraint de faire équipe avec Harry Oak, un inspecteur sur le retour, colérique et aux méthodes peu orthodoxes. Celui-ci s’obstine à retrouver les assassins de son ancien équipier, exécuté par des dealers lors d’une mission d’immersion, au point d’entraîner son nouveau partenaire aux confins de la légalité.

“Stup”éfiant le second film de Carnahan ?
Ignorant tout manichéisme, le cinéaste ne cède à aucune concession et scrute le désarroi de ses protagonistes, deux flics taraudés par leurs frustrations morales, livrant une guerre qu’ils ne gagneront jamais face au fléau de la drogue et à ses ramifications innombrables. Rarement au cinéma, la tentation de la justice sauvage n’aura été aussi palpable et la frontière légale aussi ténue.
Réaliste au possible, viscéral, parcouru de séquences fulgurantes, dont cette scène d’ouverture éprouvante entièrement filmée en caméra portée (procédé décuplant ainsi le sentiment d’immersion et de malaise), Narc c’est clairement l’anti-Training Day, par son approche naturaliste et jusqu’au-boutiste, ne serait-ce quand dans la dualité qui oppose les deux protagonistes. On est ici très loin du traitement artificiel et consensuel réservé habituellement à ce genre d’intrigue.
Le film de Carnahan s’inscrit plutôt clairement dans la continuité d’un French Connection, à travers sa description sans concession et sans gloire d’un quotidien policier dépressif, dénué de tous débordements spectaculaires.
Il met en scène des protagonistes contradictoires aux zones d’ombres inquiétantes, laissant planer sur l’intrigue un sentiment de doute et d’incompréhension dont la rémanence marque le spectateur longtemps après le visionnage. Car Narc appelle à s’immerger totalement dans cette enquête et sa noirceur empreinte beaucoup au Seven de Fincher et à son formalisme funèbre.

Au vu de l’objet du délit, on n’est donc pas surpris de savoir que ce premier film eut des difficultés de financement. La pellicule en boîte, aucun producteur ne voulut débourser un sou de plus pour la distribuer. Projeté au festival de Sundance 2002, il tapa dans l’oeil d’un mécène improbable, un certain Tom Cruise qui allongea aussitôt la monnaie pour que le film sorte en salles comme il se doit et fasse un four comme il se doit.
N’empêche, merci Tom, et surtout merci Joe pour ce film délicieusement glauque.

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