Dire que ce film est méconnu tient de l’euphémisme. A mon souvenir, il n’est même encore jamais passé à la télévision.
Phoenix est un petit film policier sorti en 1998 (directement en vidéo dans nos contrées) et réalisé par Danny Cannon, le tâcheron qui aura auparavant mis en scène un Judge Dredd sans casque avec Stallone.

Harry Collins est un flic de la ville de Phoenix. Contrairement à nombre de ses collègues, la plupart vendus aux gangsters de la ville, Harry garde une certaine éthique et une honnêteté toute relative.
Le seul problème : Harry est un incorrigible flambeur et son addiction au jeu le mène bientôt à cumuler une importante dette à Chicago (non, pas la ville) un inquiétant bookmaker. Celui-ci par respect (un respect fragile) lui propose d’effacer son ardoise si Harry élimine Joey, un jeune délinquant, incarcéré dans l’un des commissariats de la ville et qui en sait un peu trop sur les activités de Chicago.
Harry accepte à contre-coeur la besogne mais se découvre le moment venu incapable de tuer le jeune homme. Avec l’aide de Mike, James et Fred ses meilleures collègues et d’authentiques ripoux sans scrupules, il envisage alors de braquer l’un des plus importants usuriers de la ville pour renflouer sa dette. Mais évidemment tout ne se déroule pas comme prévu…

Injustement sous-estimé, totalement passé inaperçu, Phoenix a pourtant tout d’une réussite.
Danny Cannon (Judge DreddSouviens-toi l’été dernier 2, whaouh quelle filmo !!!) signe ici un polar sec et aride, utilisant à bon escient toutes les ficelles du film noir tout en nous présentant une sacrée galerie de ripoux et de truands.
Certes, l’intrigue en elle-même n’a rien d’originale et se contente de suivre les sentiers battus. Mais Cannon va au-delà en s’attachant au parcours de son protagoniste, bien aidé par la prestation impeccable de l’Affranchi Ray Liotta.
La séquence d’ouverture en flash-forward, le générique en clair-obscur sur les basses grondantes de Graeme Revell, ce chassé-croisé permanent entre humour vicelard (voir la première scène de crime) et gravité criminelle, tout contribue à la réussite de ce film noir sans prétention.
S’appuyant sur une distribution de grande qualité, Danny Cannon s’autorise toutes les digressions possibles pour illustrer la trajectoire dramatique de son anti-héros. Ainsi, il est parfois difficile d’entrevoir un réel fil rouge dans l’intrigue tant celle-ci prend de nombreux détours à travers ces personnages et leurs interactions.
Le film reste avant tout le portrait de son personnage principal, Harry, un flic qui n’arrive plus à concilier ses petites dérives avec son métier de flic. Constamment sur le fil du rasoir, dévoré par lé démon du jeu, Harry est clairement dénué d’avenir. Mais il reste un homme droit et juste. Son intervention lors de la séquence de la prise d’otage témoigne d’ailleurs de sa conception de la justice quand il réalise que l’otage est un pédophile tenu en respect par la mère de sa victime. On le découvre clairement dans cette scène, Harry est bon flic.
Un bon flic certes, mais un flambeur maladif. Sa compulsion du jeu le conduit doucement à s’attirer les foudres du milieu. Chicago, le cruel bookmaker tente alors de corrompre Harry en le contraignant à tuer un petit junkie à la ramasse, inconscient de ce qui lui arrive. Incapable de tuer le jeune homme et sachant pertinemment qu’il ne se sortira de ses ennuis qu’en franchissant la ligne rouge, Harry préfère planifier un “petit” braquage avec trois de ses collègues dont Mike Henshaw (Anthony LaPaglia), un pourri pur et dur.
Ce dernier, flic cynique et teigneux, apparaît clairement comme le pendant négatif de Harry tant il semble depuis longtemps vendu au milieu et n’hésite pas à se servir de son insigne comme d’un parfait passe-droit.
Tout l’inverse de Harry, qui pourtant s’appuie sur l’aide de Mike pour se sortir des emmerdes. Ainsi, en braquant l’usurier Louie, Harry espère évidemment payer sa dette mais aussi assurer une relative sécurité au gamin détenu derrière les barreaux.

Phoenix c’est donc l’histoire d’un flic qui a trop flirté avec la pègre finit par être contraint de franchir la ligne et à se brûler les ailes.
Ray Liotta déploie ici tout son talent pour rendre crédible un personnage pétri de contradictions. Face à lui, Anthony LaPaglia et Tom Noonan entre autres rivalisent de charisme carnassier et d’ambivalence. Les personnages féminins ne sont pas en reste avec la magnifique et regrettée Brittany Murphy en femme-enfant énigmatique et l’impeccable Angelica Huston en voix de la raison.
Danny Cannon lui, n’aura pu continuer sa carrière au cinéma. Il se reconvertira avec succès dans la fiction télévisuelle trois ans après ce flop en devenant l’un des maîtres d’oeuvre de la série CSI Les Experts et ses spin-off dans lesquels on retrouvera indéniablement sa patte esthétique, déjà déployée dans cette petite perle filmique quasiment introuvable.

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