Alors que des nuées de métrages se réclamant du found footage assaillent le grand écran, d’autres films plus modestes et classiques sur la forme se voient injustement cantonnés à des sorties dtv en catimini dans nos verdoyantes contrées. On ne compte plus les bons petits films de genre qui n’ont pas eu droit à une sortie dans les salles françaises. The Caller est de ceux-là.

Aucune vedette au générique mais des acteurs plus ou moins confirmés, un jeune réal méconnu mais talentueux, un point de départ intriguant, une atmosphère lourde et angoissante jusqu’à devenir oppressante dans sa seconde moitié.
The Caller reprend en gros l’idée principale de Fréquence mortelle.
Mary, une jeune trentenaire, emménage dans un petit meublé modeste (téléphone compris) dans une résidence de banlieue. Fuyant un ex-mari dont on devine, à sa façon de la harceler, qu’il est un brin possessif et sadique, elle a tendance à craindre tous les mâles qui s’intéressent de trop près à elle. Se condamnant à une vie solitaire, son quotidien déjà un brin tendu, se voit bientôt bouleversé par les appels récurrents sur l’antique téléphone, d’une femme prénommée Rose qui affirme bientôt l’appeler du passé et du même appartement que Mary. Un lien d’abord amical, puis une conversation qui dégénère et une hystérique qui du fin fond du passé prend rapidement l’ascendant sur son interlocutrice en influant de manière de plus en plus perverse sur le présent.

The Caller est avant tout un film d’ambiance. Au fur et à mesure de sa mise en scène, Matthew Parkhill distille une atmosphère intrigante. L’héroïne a tout d’abord un passé qu’elle tente d’oublier mais qui se rappelle constamment à elle. Son adversaire au quotidien n’est autre que son charmant ex-époux, grand molosse à la tête de psychopathe qui ne trompe personne, hyper-possessif, dont on se demande jusqu’à quel point il peut pousser le sadisme tant il harcèle son ex malgré l’interdiction des autorités de l’approcher à moins de cent mètres.
Force est de constater que le background est d’ores et déjà pesant en début de métrage. Pourtant le catalyseur se fera à travers l’appel de Rose, cette femme à la voix un peu perdue et dont on se doute rapidement qu’elle n’a pas toute sa tête. Le fait est qu’elle se persuade rapidement d’appeler du passé. Et elle finira par convaincre son interlocutrice et le spectateur de la véracité de son propos, preuve irréfutable à l’appui. Un haussement de ton malencontreux de la part de l’héroïne et son interlocutrice démarrera les hostilités en agissant sur le présent à partir du passé. Et force est de reconnaître qu’elle a l’esprit cruellement créatif dans son genre.
Ainsi la voix tout d’abord mielleuse et inoffensive de la dénommée Rose prend soudainement des accents menaçants et cruels. Et chaque sonnerie de l’antique téléphone résonne bientôt pour Mary comme une menace imminente sur son existence, au point de se refuser à décrocher l’appareil pour se confronter à la voix à l’autre bout du fil.
Son antagoniste invisible étant capable de refaçonner le présent sur un simple caprice, l’héroïne se voit très vite prise en otage, autant dans le présent et le passé, et contrainte d’accepter le dialogue avec cette folle omnipotente et sans visage.

Le scénario, même s’il reprend le concept d’un autre film, emballe très vite le spectateur. Il n’en demeure pas moins prévisible sur ses aboutissants et il est regrettable que le dernier acte prend une tournure plus précipitée et conventionnelle qui détonne avec le rythme imposé jusque-là par un réalisateur soucieux de refermer progressivement son cadre sur une héroïne malmenée et fragilisée par son ennemie. Mais il fallait bien terminer le film d’une manière ou d’un autre et voir ainsi le conflit jusque-là insidieux prendre une tournure plus radicale dans son final, déçoit forcément. D’autant que l’intrigue secondaire avec l’ex-compagnon se voit reléguée aux oubliettes en milieu de métrage pour réapparaître de manière inopportune en bout de course.

Mais ce ne sont là que des défauts mineurs qui n’entachent en rien un film dont le suspense et la cohérence narrative sont les principaux atouts. L’intrigue reste crédible, et ce jusque dans les fameux paradoxes temporels. Ajoutons à ça, une mise en scène qui sans éviter certains poncifs (gros plans sur le téléphone, silhouettes immobiles dans l’obscurité, cauchemars) distille une atmosphère oppressante à souhait, apte à séduire les premiers spectateurs des “films d’appart” en manque de sensation depuis quelques temps.

The Caller est donc bel et bien une étonnante réussite à ranger sur la même étagère que d’autres perles méconnues telles Black Death ou Triangle.
Le film a aussi pour lui de nous présenter la mégère la plus inquiétante du cinéma depuis Annie Wilkes dans Misery. Et ça, c’est admirable.

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